Rouergue

L'hiver y sévit, terrible. La neige, quand elle ne le couvre pas tout, séjourne longtemps, en plaques éparses, à toutes les faces de l'Est et du Septentrion. Les grands arbres morts lancent en vain la détresse de leurs branches nues vers un ciel bas, glacial et gris de plomb. La tempête inexorable n'interrompt jamais leur supplice. Mais l'été tardif enfin les exauce, et pare ce sol dur de couleurs magiques. A ras de terre, les mois font se succéder l'or des genêts, l'améthyste des bruyères, et la longue rouille chaude des fougères rougies avant que de brunir. Les hêtres étalent sur l'azur pâle leurs futaies vertes, puis rousses. De loin en loin, bouquet ou muraille, des houx géants, plantés pour servir d'abri, opposent à la brise un écran de vernis sombre. Sur bien des croupes frémit en moires profondes une plantation de jeunes sapins, oeuvre exemplaire de planteurs avisés et de bienfaiteurs prévoyants.