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Critique de LeScribouillard


Récemment à mon ciné-club, je causais d'un partenariat avec une certaine asso cinéphile (je ne citerai pas de nom), et il s'avérait qu'il s'agissait de vieux rednecks obsédés par les westerns hamburgers (c'est-à-dire les vrais de vrais, pas les westerns spaghettis de ces foutus ritals tout juste bons à braquer Chicago). Les gens qui restent bloqués à l'époque de Babylon, on peut s'arranger avec eux : par exemple, pour un cycle Ingmar Bergman, on peut leur projeter Last Action Hero. Et puis bon, le cinéma classique à la John Ford, c'est cool : énervé, efficace, on n'est pas surpris en bien mais pas en mal non plus. Pourtant, il y a des fois, malgré toute la sympathie qu'on a pour l'imaginaire de papa, on a envie de le laisser de côté pour embrasser des trucs plus expérimentaux, plus marginaux, plus engagés, bref : plus diversifiés.
Si je vous dis tout ça, c'est parce que David Gemmell, c'est un peu le John Ford de la fantasy : la sienne est très classique, entre l'heroic et la high, mettant en scène des héros parangons de muscles et de tactique de combat se fritant contre les forces du Mal, les autorités politiques et autres joyeusetés. Mais comme John Ford, Gemmell est lucide des limites de son divertissement et cherche à le dépasser pour montrer l'âpreté du réel. La guerre est laide, sale, ultraviolente, et son héros Druss s'avère bien loin de l'homme providentiel dont il veut se donner l'image : vieux, en mauvaise santé, endeuillé par sa femme, le combat n'est pour lui qu'une fuite en avant afin d'échapper à ses vieux démons. Or son sort pourrait être résumé par la fameuse réplique finale de L'homme qui tua Liberty Valance : « En Amérique, quand la légende est plus belle que la vérité, on imprime la légende ! »
Au programme de ce tome 1 du cycle de Drenaï, Druss doit défendre la forteresse de Dros Delnoch face au Genghis Khan local, Ulric, accompagné du plus jeune héros Rek envers qui il va opérer une sorte de passation de flambeau. Un demi-million d'envahisseurs nadirs s'apprête à déferler sur quelques milliers de guerriers du royaume drenaï, guère plus reluisant par son histoire sanglante mais s'étant calmé sur son impérialisme. David Gemmell ne nous promet que trois choses : du sang, de la sueur et des larmes. Et putain, c'est ça qu'on aime !
Pourtant, malgré le gigantisme des enjeux et la violence que subissent les personnages, l'impression globale que j'ai eue de ce roman est : « pas assez ». Pas assez d'attachement aux personnages : leur sensibilité ne s'exprime que par petites touches, dans des moments privilégiés, loin de la fureur des combats. Pas assez de réalisme alors que c'est ce qui est recherché : malgré son sens du coup de théâtre, Gemmell a tendance à abuser du coup des personnages revenant après leur mort (un trope qui m'horripilait jusqu'à ce BSG me fasse m'apercevoir qu'il pouvait être utilisé à bon escient). Pas assez de finesse littéraire : il vaut mieux privilégier l'efficacité aux fioritures, et je serais le dernier des faux-culs si je disais que Gemmell n'a pas de style, moi qui ai défendu (modérément) des écrivains beaucoup moins bons de ce côté-là comme Stephen Baxter ; mais le fait est qu'en-dehors de brèves envolées lyriques, la plume décrit les actions sans grande emphase et avec quand même pas mal de répétitions. Pas assez, enfin, de recul critique face à une potentielle récupération fascisante du texte par le public : on inclut bien quelques femmes dans les bastons, mais on flanque en plein milieu des violences conjugales en mode lol-c'est-des-chamailleries-de-couple. de la même manière, le point de vue de l'ennemi est parfois adopté, et il n'est pas exempt de remords ; mais celui-ci reste fourbe, cruel, motivé seulement par la soif d'envahir de nouveaux territoires (tout en étant dépolitisé, là où le manichéisme d'un auteur comme Tolkien servait une critique de l'industrialisation).
Alors il faut replacer le livre dans son contexte : les années 80 n'étaient pas aussi variées que les nôtres en matière d'intrigues et de personnages. Mais quand on sait que deux ans plus tôt sortait Khanaor en France, dans un pays jusque-là à la ramasse en terme de fantasy… eh bien malgré tous les défauts que je peux imputer au roman de Francis Berthelot, force est de constater qu'il était bien plus novateur. du coup, je suis très partagé pour ce qui est de Légende : oui, c'est un excellent roman de fantasy militaire. Mais ça n'en fait pas un excellent roman tout court.
Le reste des aventures de Druss ne m'a pas l'air non plus dicté par l'originalité : Druss la Légende, La légende de Marche-Mort… Mais je ne désespère pas d'aimer un jour Gemmell : au sein du cycle Drenaï, Waylander m'a l'air de dépeindre une psychologie plus complexe avec son héros éponyme à la Lorn Askariàn. Et j'ai en ma possession d'autres cycles de l'auteur, qu'il s'agisse de John Shannow ou du tome 2 de Rigante. Je les lirai peut-être à l'occasion, car après tout c'est pour ma culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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