Terres du Béarn, autour de l'an 1000.
Depuis son "castera" perché sur un éperon rocheux, le vicomte d'Oloron règne en maître sur toutes les vallées alentour.
Toutes ? Pas vraiment, puisqu'au village des Artigues, une enclave d'irréductibles revendique fièrement son autonomie. La jeune Bélissenda et les siens n'ont que faire des luttes de pouvoir et des ambitions d'un seigneur dont ils ne reconnaissent pas l'autorité : eux n'aspirent qu'à vivre en paix, en harmonie avec la nature et dans le respect des rites païens ancestraux (qu'ils accommodent volontiers avec les préceptes de la foi catholique prêchée par les bénédictins de l'abbaye voisine).
Quand le vicomte, secondé par son fils - un bâtard sanguinaire prénommé Loup-le-Jeune - et par le terrible abbé Pons, décide d'en finir avec les hérétiques des Artigues, c'est tout l'équilibre de la région qui vole en éclat.
C'est l'occasion pour
Jocelyne Giani, dont j'ai découvert avec plaisir la plume originale, à la fois pleine de vigueur et de sensualité, de nous livrer le récit épique du conflit qui s'engage.
Alors que l'intrigue en elle-même, assez manichéenne et plutôt convenue, m'aura quelque peu laissé sur ma faim, j'ai en revanche été sensible à l'écriture soignée qui magnifie la nature en faisant la part belle à la grandeur de ses mystères et à la force de ses légendes anciennes.
Si l'auteur détaille avec soin la rigueur de la vie monacale au sein de l'abbaye ou le climat de violence qui règne au château, elle s'attarde plus encore sur la vie aux Artigues, la végétation, la topographie, le tracé des cours d'eau.
Elle nous plonge ainsi au coeur d'un territoir envoûtant, luxuriant et fertile, et sollicite tous les sens de son lecteur (en particulier son odorat quand elle évoque à la moindre occasion les mille parfums de la forêt, les effluves des bêtes, mais aussi les relents de sueur des soldats et la funeste odeur du sang...)
La rédaction de ce premier roman (pas tout récent, puisqu'il est d'abord paru en 2004 avant de connaître une seconde jeunesse l'an dernier, grâce aux éditions "Les Monédières" que je remercie pour l'envoi de ce bel ouvrage !) a dû demander un gros travail de documentation.
Le texte regorge en effet de références historiques et de termes d'époque relatifs aux vêtements, à l'architecture, aux plantes médicinales, aux traditions et aux coutumes en cette fin de premier millénaire. Autant d'éléments très intéressants, qui ont tenu ma curiosité en éveil tout à long cette aventure pourtant assez éloignée de mes lectures habituelles.
Dommage que l'histoire ne nous réserve pas de véritable surprise, et que les personnages soient parfois un peu caricaturaux. Cela ne m'a pas empêché de m'attacher à certains d'entre eux, à commencer par le bienveillant frère Antoine, ou par certaines figures emblématiques de la communauté villageoise, essentiellement des femmes fortes, résolues, courageuses, libres.
Je ne suis donc pas encore sûr de me ruer sur "
Les roses de Cordoue" (parues cette année pour faire suite à "
La païenne") mais je ne regrette en rien la lecture de ce coman travaillé, chargé à la fois de violence et de poésie, et magie et d'élans féministes.