La trilogie de Pan, tome 3 : Regain

Elles sont allées près du ruisseau. Il était tout emmoustaché d'herbes sales et grognon parce que les pluies lui ont donné pas mal d'eau. Alors il se plaint. Il se plaint de graisse. Il n'est jamais content. L'été il est là à gémir qu'il va mourir, et puis... c'est toujours comme ça les ruisseaux.

TOUT SIMPLEMENT ESSENTIEL

Les labours d'automne ont commencé ce matin. Dès le premier tranchant de l'araire, la terre s'est mise à fumer. C'était comme le feu qu'on découvrait là-dessous. Maintenant que voilà déjà six longs sillons alignés côte à côte, il y a au-dessus du champ une vapeur comme d'un brasier d'herbe.

- On dormirait presque.
Non, elle ne pourra pas dormir, avec ce besoin qui est en elle comme une eau qui effondre tout. Son cœur est une motte de terre qui fond. Elle est assise dans l'herbe.
Il y a des pâquerettes entre ses jambes. Elle n'est plus qu'une peau toute vide; elle entend chanter au fond d'elle cette eau aigre comme du feu.
Elle ouvre son corsage. Elle sort ses seins. Ils sont durs et chauds et elle en a un dans chaque main...
C'est à ce moment-là qu'elle a vu sur le seuil blanc de la porte une flaque de sang épaisse comme une pivoine.

Si Gaubert avait eu les mains libres, il les aurait cachées ces trois larmes qui ont débordé de ses yeux ; mais ses mains sont clouées sur la canne et le visage ne peut pas se cacher, et là, la tête droite, il pleure avec des yeux éperdus.

La chambre est vide. Le matelas est roulé. On a rangé la table et les chaises contre le mur comme si on était parti pour longtemps. Et sur la table on a posé un drap tout neuf, plié dans ses huit plis... posé là, bien en évidence. Un drap que Panturle connaît bien, le drap que toutes les vieilles femmes conservent neuf au fond de l'armoire parce qu'il est entendu que c'est dans celui-là qu'on les pliera, à la fin...

Elle vient contre lui. Il la saisit par ses hanches courbes. Elle est comme une jarre entre ses mains.
_On dirait... tu n'étais pas si grosse...
Il tient dans ses mains la rondeur de la jarre de chair. Il interroge comme ça, de bas en haut. Elle a baissé son visage plein d'un contentement comme le ciel.
_Oui, elle dit; maintenant, tu sais
_C'est sûr ?
_Franc comme l'or, et déjà vivant et, l'autre nuit, j'ai senti un coup de son pied, là.
Elle tâte son flanc.
_Tu m'as dit : "Qu'est ce que tu as ?" Je t'ai dit : "Rien."
Il se dresse. Il a mis sont bras sur l'épaule de la femme. Voilà. Elle a encore sur ses épaules, ce bras nu qui est comme un poids d'eau.

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Elle est contre lui. Il la saisit par ses hanches courbes. Elle est comme une jarre entre ses mains.

Arsule est contre lui, appuyée contre lui et luisante de joie comme une flamme de cierge.

C'est lourd comme du plomb à fusil. C'est sain et doré, et propre comme on ne fait plus propre ; pas une balle. Rien que du grain : sec, solide, net comme de l'eau du ruisseau. Il veut le toucher pour le sentir couler entre ses doigts. C'est pas une chose qu'on voit tous les jours.