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Citations sur Mort d'un personnage (17)

La jeune aveugle que mon père aimait beaucoup s'appelait Caille. Elle s'occupait chez nous de tout un travail de tendresse. Quand il est fait, le monde devient monde.

(p.27)
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Les rues étaient désertes, mais en approchant de ces dames de la Visitation, on rencontrait d'autres petits garçons matinaux. Ils étaient tous vêtus de façon très romantique. La Veillée des Chaumières publiait les poèmes de Byron en fascicules à un sou chaque semaine. Les dames de la haute-bourgeoisie ne rêvaient que Lara et fiancée d'Abydos. Il y avait des marins, de petits giaours, des dandys languissants dans de hautes cravates, très pâles et passés à la poudre de riz, des lions de dix ans en bottes de cuir verni... des don Juan à qui chaque jeudi on apprenait passionnément à être ténébreux.

(p.14)
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Quand on la voyait habillée à son idée, fluette même un peu grêle, ayant souligné, on ne sait pas pourquoi, un fantôme de hanche qui la conservait femme au sein même des désastres permanents de la vieillesse et du malheur, seules, les lignes qu'elle traçait ainsi donnaient du corps à son corps.

(...)

Immobile, raide, muette, devant la glace; dans ce salon de la couturière où tant de fois elle m'a mené... ce corps droit de fille mince dans lequel fusait - au repos et seulement à ce repos devant la glace - une fierté sereine : il était tout naturel de croire que tout cela était vivant.

(p.26)
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Quand je pense à tout ce qu'il ( *) réalisa à partir de ce moment-là., je pense qu'il n'existe pas d'action plus grande et plus héroïque . Tout ce qu'il faisait était fait contre les pouvoirs établis, contre les règles. contre l'ordre tel qu'il était conçu par les maîtres de l'ordre... Il connaissait trop le fond des Pardi pour ne pas savoir qu'il aurait l'orgeuil suprême de ne tirer aucun bonheur de toutes ces créations bienfaisantes. Il savait que d'autres le feraient à sa place et seraient même si avides de le faire, de le remplacer à la tête de sa création, que toutes les armes seraient bonnes pour l'abattre. Il savait qu'une fois abattu commencerait pour lui la vieillesse des Pardi, qui est le moment où, avec une sévérité sans pitié. ils se demandent des comptes à eux-mêmes. C'est pourquoi il n'a pas cherché à s'attacher des amis. C'est pourquoi il reculait tout le temps devant l'amour de Caille (**), ne voulant engager que lui-même et n'enchaîner personne dans sa fatalité, faisant de ses reculs la plus grande preuve d'amour qu'un homme puisse donner.

(*) Angelo II, bienfaiteur des aveugles.
(**) Jeune aveugle qui participe comme gouvernante informelle au ménage d'Angelo II, la marquise, et Angelo III.

(p.70)
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"Dites donc, Pardi, dit-il pendant que les autres mettaient leurs manteaux dans l'antichambre, qu'est-ce que c'est que cette symphonie ?
-Un cadeau que je veux faire à ces malheureux, dit mon père.
- J'ai bien compris, dit le docteur.
- Il nous est arrivé des nouveaux, dit mon père, et il y a en eux-mêmes cette terrible révolte.
- Contre l'injustice, dit le docteur.
- Ils croient, en effet, à l'injustice, dit mon père, mais, Paul, c'est simplement contre le sort qu'ils se révoltent. Et quoi faire ?
- Rien. A moins d'être qui vous êtes, dit le docteur en soupirant."

(P.49)
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Elle fabriquait par vingt-quatre heures énormément plus de tendresse qu'il n'en fallait pour son Pinot (*) et ses deux petits, et la nonna (**) sur laquelle on pouvait déverser le surplus était une magnifique aubaine... Elle entrait, tirait la chaise, s'asseyait et posait ses mains fumantes sur les genoux de grand´mère. Alors grand´mère accrochait maladroitement la canne aux accoudoirs du fauteuil et posait sa petite main d'ivoire sur la main de Catherine.

(*) le mari de la femme qui lave le linge .
(**) La grand´mère, c.à.d. la vieille marquise .

!p.124)
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Elle avait un regard qui allait d’elle à moi, je le voyais la parcourir dans le reflet de la glace, étonné, ravi, au bord de la joie, presque allumé, puis il venait sur moi, avant de s’éteindre et redevenir cette terrible chose ordinaire. Je remarquais que, de moi, elle ne regardait que le front et les yeux. Non pas seulement dans ces occasions-là, mais toujours. Pendant des années, je peux dire jusqu’à sa mort, j’ai été à l’affût de son regard. D’abord, parce que j’étais étonné qu’une personne n’ait pas de regard. Puis, il était si beau quand, parfois, rarement, mais certaines fois où, près d’elle, devait passer une odeur ou un bruit encore appelant, il arrivait non pas du fond des ténèbres, mais de rien, comme un ange qui se construit en un éclair sur les lieux mêmes de son combat. Chaque fois, c’était pour regarder mon front et mes yeux. Plus tard, j’ai cherché son regard comme Orphée Eurydice. Mais les dieux avaient imposé des conditions trop dures.
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— Comment t’appelles-tu, petit garçon ?
— Angelo Pardi, répondis-je.
— Mensonge ! dit-elle violemment.
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Ah ! Quel remords ! Elle se détourna de moi. Sa tête glissa lourdement. Je fus envahi de nouveau du vertige de velours. Je cherchai son poignet. Plus de pouls. J'essayai de relever sa tête. Très lourde. Sa bouche s'ouvrait et se refermait sans bruit. Je me dis : "Elle meurt !" Il me sembla que je devais courir n'importe où. Mais je ne lâchai pas son bras ni sa tête, que je soutenais de l'autre main. Et mon vertige cessa. Je me dis :"Elle meurt, sans souffrance. Il faut bénir le Ciel. Reste là. N'appelle pas."
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« J'avais très bien compris qu’il était inutile de l’aimer pour moi et que la seule chose utile à faire était de l’aimer pour elle-même. Il fallait faire disparaître tout son appareil romantique qui m’embarrassait et sous lequel elle était condamnée à pourrir vivante. Telle que je l'avais connue, elle devait disparaître.. Il ne s'agissait plus de l’aimer pour ce qu'elle me donnait ; il s’agissait de l’aimer pour lui donner. Il fallait la voir de façon très objective pour pouvoir, précisément, faire exactement les choses indispensables à son bonheur. C'était ça, l'amour. Que c’était difficile ! »
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