espaces
espaces
entre les lettres entre les mots
la prose inséparable
un Cantique spectral
Missive au monde
décomposée
réduite
sa féroce ponctuation
une existence tout entière
on marche dessus
comme si c’était un chien
dans la maison d’un mort
l’activité du lendemain
la plus grave occupation
le sachant
l’ayant toujours sur
on y balaie le cœur
l’amour
bloc-partition
dont on n’a plus l’usage
puisque toujours et encore
nul somnifère n’apaise la dent
qui ronge l’âme
Déchirablement
extrait 2
voilà sans doute ce que tu aurais dit
chaque gosier est un sépulcre ouvert
plus garçon pas encore fille
tu étais celle qui riait le plus fort
grand battement cambré et chute
ombre déconcertante
des figuiers
quelques épineux
est-ce toi qui nous avais présenté
cette fille qui dormait les yeux ouverts
l’arbre vivant deviendra un arbre mort
une extinction continuelle
bien contraire aux métaphores absolues
toi qui si longtemps
n’habitais plus la même adresse
changement de sexe
suivent les saisons
regarder observer le monde
on s’y emploie
…
Déchirablement
extrait 1
petites Cyclades peintes
puisque les fleurs se mangent
oubliez ce rocher rouge
sa vérité furtive
comme ses reflets centrifuges
loin de la mouche à viande des génocides
service d’argenterie
ce thé sur les terrasses
je n’ai pas oublié
c’est ton image qui ce soir revient
ne sachant toujours pas dans quelle terre
reposent tes ossements
un peu de lumière
jetée sur de l’ombre
qu’aurais-tu dit
qu’aurais-tu fait
nom de dieu qu’ls la ferment
…
les vents tiennent des forêts
les vents tiennent des forêts dans leurs pattes
couvrant les marges
entre les lignes
lectures alternatives
cousues au corps
petite main qui trace
recopie
strophes brisées ou liste de mots
une méthode compositionnelle
le papier est à lettres
feuilles disjointes
un vélin crème ligné de bleu
strophes uniques
semblables à des hymnes
…
Déchirablement
extrait 3
bain de prose
le vent souffle
corps d’encore garçon
dans une moitié de fille
tu traduisais The book of repulsive women
un volet claque à l’étage du haut
sentir la voix de Djuna Barnes
trouver la tienne
ce que tu t’employais à faire
des jours entiers étendu
à écouter
Morton Feldman
Cathy Berberian
un non-faire dont j’étais incapable
aucune photo retrouvée de toi
elle est devenue quoi
cette robe égyptienne
dans laquelle tu te déplaçais nu
c’est toi qui me l’avais appris
désastre
signifiait
trouble dans les astres
révélation si éclairante pour aujourd’hui.
Avec Liliane Giraudon & Stéphane Bouquet
Rencontre animée par Pierre Eugène
Dans le cadre de « Zigzaguer / poésie & cinéma »
Liliane Giraudon et Stéphane Bouquet racontent, observent et interrogent leur rapport au cinéma dans leur vie et leur pratique poétique. Moins une affaire d'inspiration, de récits inoubliables ou de souvenirs émus que l'énigme d'un dispositif : celui de la salle et de sa projection dans le dos, avec l'étrange durée partagée qu'il impose.
Faut-il plonger dans le fleuve d'un plan-séquence interminable ou se confier à l'ubiquité cisaillante du montage, sautillant d'image en image, de lieu en lieu, de temps en temps ? le cinéma est-il la mort au travail ou permet-il à ses vivants spectateurs de trouver leur place dans la communauté humaine ? Que peut nous dire un corps à l'écran, et en quoi – vivant symbole, fantôme ou fantasme – nous regarde-t-il ?
Ces questions, et bien d'autres, disent aussi quelque chose, en regard, de la poésie.
Rencontre dans le cadre de « Zigzaguer / poésie & cinéma »
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« Zigzaguer / poésie & cinéma », à travers des rencontres, conférences, projections, lectures et performances, réunit chercheurs en cinéma et en poésie, poètes, cinéastes et artistes. Cette manifestation est organisée par Sally Bonn, Vincent Broqua, Pierre Eugène et Philippe Fauvel.
Ces rencontres se déploient sur trois villes, Amiens, Paris et Marseille en deux volets (novembre 2023 et mars 2024), au sein de nombreuses institutions partenaires, dont la Maison de la Poésie avec ce soir une rencontre et le mercredi 15 novembre toute la journée des conférences, projections et lectures (voir le programme détaillé de la journée )
En savoir plus – zigzaguer.com
À lire
– Liliane Giraudon, Une femme morte n'écrit pas, Al Dante/Les Presses du Réel, 2023 ; La Jument de Troie, P.O.L, 2023.
– Stéphane Bouquet, Neige Écran, Imec, 2023. « Poésie & cinéma » ensemble des Cahiers du cinéma, n°803, novembre 2023.
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