Les gens qui, comme les Américains, les États-Uniens, n'imaginent pas la problématique des langues n'imaginent même pas le monde.
C'est pourquoi je réclame pour tous le droit à l'opacité. Il ne m'est plus nécessaire de "comprendre" l'autre, c'est-à-dire de le réduire au modèle de ma propre transparence, pour vivre avec cet autre ou construire avec lui. Le droit à l'opacité serait aujourd'hui le signe le plus évident de la non-barbarie.
Nous désespérons du chaos-monde. Mais c'est parce que nous essayons encore d'y mesurer un ordre souverain qui voudrait ramener une fois de plus la totalité-monde à une unité réductrice. Ayons la force imaginaire et utopique de concevoir que ce chaos n'est pas le chaos apocalyptique des fins de monde.
Dans la rencontre planétaire des cultures, que nous vivons comme un chaos, il semble que nous n'ayons plus de repères. Partout où nous portons les yeux c'est la catastrophe et l'agonie. Nous désespérons du chaos-monde.
La créolisation exige que les éléments hétérogènes mis en relation « s’intervalorisent », c’est-à-dire qu’il n’y a pas de dégradation ou de diminution de l’être, soit de l’intérieur, soit de l’extérieur, dans ce contact et dans ce mélange.
La thèse que je défendrai est la suivante : la créolisation qui se fait dans l’année aux Amériques, et la créolisation qui gagne la Néo-Amérique, est la même qui opère dans le monde entier. La thèse que je défendrai auprès de vous et que le monde se créolise, c’est-à-dire que les cultures du monde mises en contact de manière foudroyante et absolument consciente aujourd’hui les unes avec les autres se changent en s’échangeant à travers des erreurs irrémissibles, des guerres sans pitié mais aussi des avancées de conscience et d’espoir qui permettent de dire - sans qu’on soit utopiste, ou plutôt, en acceptant de l’être - que les humanité d’aujourd’hui abandonnent difficilement quelque chose à quoi elles s’obstinent depuis longtemps, à savoir que l’identité d’un être n’est valable et reconnaissable que si elle est exclusive de l’identité de tous les autres êtres possibles.