C'est bien là l'idée du rhizome, qui porte à savoir que l'identité n'est plus toute dans la racine, mais aussi dans la Relation. C'est que la pensée de l'errance est aussi bien pensée du relatif, qui est le relayé mais aussi le relaté. La pensée de l'errance est une poétique, et qui sous-entend qu'à un moment elle se dit. Le dit de l'errance est celui de la Relation.
Dans le panorama actuel du monde, une grande question est celle-ci : comment être soi sans se fermer à l’autre, et comment s’ouvrir à l’autre sans se perdre soi-même ?
La trace ne répète pas la sente inachevée où l'on trébuche, ni l'allée ouvragée qui ferme sur une territoire, sur le grand domaine. C'est une manière opaque d'apprendre la branceh et le vent, être soi dérivé à l'autre, le sable en vrai désordre de l'utopie, l'insondé, l'obscur du courant dans la rivière dételée. Les paysages antillais enjoignent les autres au loin, et chaque conte y sinue sa trace singulière, de rivières en fleuves, établissant corrélation ; courent, fragiles, et s'obstinent ces branchées de langages s'interpellant. Mornes et fonds dévalent en récit, concassent l'inexpliqué du monde.
J’appelle cette pensée une pensée « archipélique », c’est-à-dire une pensée non systématique, inductive, explorant l’imprévu de la totalité–monde et accordant l’écriture à l’oralité et l’oralité à l’écriture. Ce que je vois aujourd’hui, c’est que les continents « s’archipélisent », du moins du point de vue d’un regard extérieur.
Aujourd’hui, cette pensée de système que j’appelle volontiers « pensée continentale » a failli à prendre en compte le non-système généralisé des cultures du monde.
Et pourquoi la créolisation est pas le métissage ? Parce que la créolisation est imprévisible alors que l’on pourrait calculer les effets d’un métissage.
Je dis toujours que la mer Caraïbes se différencie de la Méditerranée en ceci que c’est une mère ouverte, une mère qui diffracte, là où la Méditerranée est une mère qui concentre. Si les civilisations et les grandes religions monothéistes sont nées autour du bassin méditerranéen, c’est à cause de la puissance de cette mer à incliner, même à travers des drames, des guerres et les conflits, la pensée de l’homme vers une pensée de l’Un et de l’unité. Tendit que la mer Caraïbes est une mère qui diffracte et qui porte à l’émoi de la diversité. Non seulement est-ce une mer de transit et de passages, c’est aussi une mer de rencontre et d’implications.
"Le "Tout-monde" ce serait ce désir de connaître, de s'approcher de la totalité du monde ?"
- C'est la totalité du monde telle qu'elle existe dans son réel et telle qu'elle existe dans notre désir.
L'errance et la dérive, disons que c'est l'appétit du monde.
Les éditeurs appellent ça un roman ; donc je pense que le public peut le considérer comme tel.