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EAN : 9782070746491
144 pages
Gallimard (13/06/1996)
4.25/5   8 notes
Résumé :
Introduction à une poétique du divers

L'exposé " en continu " des idées de Glissant sur la littérature et son rapport au monde, sur les variances tragiques des questions identitaires, sur le drame des langues, sur l'imaginaire et le " souffle du lieu " forme un ensemble qui ne se veut pas systématique, mais qui s'accorde au contraire à sa matière : le foisonnement irrésistible, imprévisible et passionnant des relations entre les cultures et entre les ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il est presque paradoxal que le "souffle du lieu" d'une île aussi périphérique que la Martinique puisse inspirer un paradigme si vaste, profond et étendu, explicatif sur la "totalité-monde" que nous commençons à peine à appréhender comme la réalité géo-historique qui nous entoure et nous caractérise. C'est là la grandeur d'un intellectuel que j'estime comme l'une des figures les plus significatives de cette époque qui est la nôtre.
Il ne s'agit pas du tout de la vulgate sur la mondialisation, mais de tout ce qui concerne la culture, l'identité (au sens le plus large), le rôle des lettres dans ce "chaos-monde"; et la posture de l'intellectuel est bien là celle du créateur des outils conceptuels nécessaires à la compréhension du monde, même si l'auteur se défend de la pensée systématique, pour des raisons éthiques et politiques.
Cet ouvrage, se composant des textes de quatre exposés (1. Créolisation dans la Caraïbe et les Amériques; 2. Langues et langages; 3. Culture et identité; 4. le chaos-monde : pour une esthétique de la Relation) et de sessions de débats sous forme dialogique, outre une partie finale intitulée "Entretiens", expose de façon discursive, impromptue, non-systématique (y compris par certaines répétitions qui sont pleinement assumées dans la poétique de l'auteur, et totalement nécessaires pour le lecteur non spécialiste) les fondements conceptuels de cette pensée poético-philosophique que l'on peut définir "pensée de la créolisation". Certains de ses concepts sont repris et utilisés par les comparatistes notamment ceux qui étudient la littérature migrante.
Le point de départ est sans doute la différence entre "créolisation" et "métissage", qui prend en compte l'imprévisibilité de la première, à l'encontre du second. du point de vue identitaire, on retiendra aussi la dichotomie (analysée aussi par ex. par Maalouf) entre "identité-racine-profondeur" et "identité-rhizome-Relation". du point de vue politique, on constate le passage de "territoire (centralisé)", à "l'archipel"; L Histoire et la littérature "atavique" étaient jadis filles de mythes fondateurs rattachant par filiation légitime une identité enracinée à un territoire. Dans la nouvelle littérature que Glissant prévoit, il réclame "le droit à l'opacité" (cf. La Cecla): "Il ne m'est plus nécessaire de 'comprendre' l'autre, c'est-à-dire de le réduire au modèle de ma propre transparence, pour vivre avec cet autre ou construire avec lui. le droit à l'opacité serait aujourd'hui le signe le plus évident de la non-barbarie." (p. 72). La pensée du système, et a fortiori le classicisme comme tentative d'instaurer des principes "universels", serait à remplacer par la pensée de la "trace" (comme dans la trace des rythmes africains dans le jazz), par le baroque. de ce fait, la philosophie de l'être est remplacée par celle de l'étant. du point de vue linguistique, une subversion de la langue est l'exact opposé de l'usage de créolismes qui relèvent du folklore et de l'exotique: il s'agit au contraire d'une créolisation des poétiques à l'intérieur de la langue française mais hors de son génie: "procédés de répétition, de redoublement, de ressassement, de mise en haleine, de circularité" (p. 121). Encore en linguistique: l'écrivain est en présence d'une multiplicité de langues même s'il n'est pas multilingue. L'appauvrissement dû à la disparition des langues ne se soigne pas en favorisant une langue au détriment des autres, mais la prise de conscience qu'elles sont toutes nécessaires (l'anglais est la première victime de l'hypertrophie de l'anglo-américain...)
Je souhaiterai relire cet ouvrage, qui constitue sans doute une excellente introduction à cette pensée si foisonnante, car justement j'en sors avec un triste regret: celui de ne pas en avoir pu assimiler davantage.
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Glissant veut archipéliser le continent, accoucher la diversité de l'unité, laisser le baroque contester le classicisme, remplacer la profondeur par la démesure, cultiver l'identité-rhizome et abandonner l'identité-racine, créoliser imprévisiblement plutôt que métisser avec déterminisme, fracturer le système par la pensée de la Relation - et tout cela serait le chaos-monde, le Tout-monde, une esthétique de la Relation, une littérature nouvelle où les mots s'échangent, où les langues sont solidaires, où écrire se fait en conscience de toutes les langues du monde.

Glissant nous assure que cela n'annule pas les identités et les cultures, qui se maintiennent. C'est seulement une manière ouverte de se pensée en lien avec les autres plutôt que refermé sur soi-même.

La "poétique du divers" est donc valable pour toutes les époques, tous les temps et tout les lieux - et c'est en cela qu'elle échappe à la politique : car les identités et la culture, il faut bien les créer, les former et les transmettre...

On lit avec délectation un discours poésie qui, parce qu'il use souvent de la métaphore géographique, fait voyager, voyager...



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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
C'est bien là l'idée du rhizome, qui porte à savoir que l'identité n'est plus toute dans la racine, mais aussi dans la Relation. C'est que la pensée de l'errance est aussi bien pensée du relatif, qui est le relayé mais aussi le relaté. La pensée de l'errance est une poétique, et qui sous-entend qu'à un moment elle se dit. Le dit de l'errance est celui de la Relation.
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Je dis toujours que la mer Caraïbes se différencie de la Méditerranée en ceci que c’est une mère ouverte, une mère qui diffracte, là où la Méditerranée est une mère qui concentre. Si les civilisations et les grandes religions monothéistes sont nées autour du bassin méditerranéen, c’est à cause de la puissance de cette mer à incliner, même à travers des drames, des guerres et les conflits, la pensée de l’homme vers une pensée de l’Un et de l’unité. Tendit que la mer Caraïbes est une mère qui diffracte et qui porte à l’émoi de la diversité. Non seulement est-ce une mer de transit et de passages, c’est aussi une mer de rencontre et d’implications.
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La trace ne répète pas la sente inachevée où l'on trébuche, ni l'allée ouvragée qui ferme sur une territoire, sur le grand domaine. C'est une manière opaque d'apprendre la branceh et le vent, être soi dérivé à l'autre, le sable en vrai désordre de l'utopie, l'insondé, l'obscur du courant dans la rivière dételée. Les paysages antillais enjoignent les autres au loin, et chaque conte y sinue sa trace singulière, de rivières en fleuves, établissant corrélation ; courent, fragiles, et s'obstinent ces branchées de langages s'interpellant. Mornes et fonds dévalent en récit, concassent l'inexpliqué du monde.
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La thèse que je défendrai est la suivante : la créolisation qui se fait dans l’année aux Amériques, et la créolisation qui gagne la Néo-Amérique, est la même qui opère dans le monde entier. La thèse que je défendrai auprès de vous et que le monde se créolise, c’est-à-dire que les cultures du monde mises en contact de manière foudroyante et absolument consciente aujourd’hui les unes avec les autres se changent en s’échangeant à travers des erreurs irrémissibles, des guerres sans pitié mais aussi des avancées de conscience et d’espoir qui permettent de dire - sans qu’on soit utopiste, ou plutôt, en acceptant de l’être - que les humanité d’aujourd’hui abandonnent difficilement quelque chose à quoi elles s’obstinent depuis longtemps, à savoir que l’identité d’un être n’est valable et reconnaissable que si elle est exclusive de l’identité de tous les autres êtres possibles.
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J’appelle cette pensée une pensée « archipélique », c’est-à-dire une pensée non systématique, inductive, explorant l’imprévu de la totalité–monde et accordant l’écriture à l’oralité et l’oralité à l’écriture. Ce que je vois aujourd’hui, c’est que les continents « s’archipélisent », du moins du point de vue d’un regard extérieur.
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Videos de Edouard Glissant (27) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Edouard Glissant
#EdouardGlissant #créolisation #CulturePrime
Avec son idée de la créolisation, le poète et philosophe Edouard Glissant en appelle à un "Tout-Monde" visionnaire, où nos identités dynamiques et ouvertes sont une clé pour penser notre futur. Réinterprétée, réappropriée aujourd'hui par divers courants de pensées, l'idée de créolisation théorisée par Edouard Glissant plonge ses racines - ses rhizomes - dans son expérience singulière des Antilles et de la langue créole.
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