Citations sur Le sang rivé (16)
La forêt subitement hurle à la vie. Les étoiles, rôdeuses, envahissent les écluses. Vivante ô vivante, reine. Tes pieds vont le chemin, manguiers abandonnés. Ta peau retournée est un labour rouge. Vivante,
ô vivante mon matin de prairie toi ma nuit de prairie violée au combat des taureaux. Tu as glissé dans l'eau les halètements de ta silhouette coupée de verre. Au gué la plage noire le sable noir des caresses. Dans l'astre bel astre de tes mains. Tranquille battue d'aurores dans la nef incendiée de tes rêves, et ta voix de splendeur clamée, d'ivraie mêlée à l'ivraie: je suspends l'orage au reposoir de tes lèvres.
Ah soudain
la peur d'être deux
dans la beauté.
L'éclair de toi la chevelure des neiges l'éclair de toi air et amour entrelacés. Toi serpente et labourée. Moi, écume de tes pas.
(Extrait de "Éléments")
Givres
ETAI
Sampan il y avait dans l’horizon trop de chemins et
une jungle il y avait sous le miroir mille craies noires
une plaie il y avait combien de larmes une baie
Sampan le soir par tes chemins nous revenaient
les larmes et les craies il y avait dans l’horizon un
seul miroir pour cette plaie et sous la jungle notre
haie.
Sampan rêvant (mourant naissait) nous te hélions
notre forêt il y avait la croix d’orfraie et pour nos rêves
ton empan et sur nos lèvres ton serment
Et c’était l’étai qui maintenant de nous venant à
nous passant nous donne l’an où tout paraît (comme
un sourire qui nous guette et qui déjà parmi nos nais-
sances nous prend).
Saisons
MOURIR, NON MOURIR
à Jean Laude
Les reines du nouvel azur lèvent de leur pays sans frein. L’écume
des hauteurs n’éblouit pas, le livre est là, et sa moisson.
Livre d’allées où l’eau est rare, livre des Morts et des Léthés,
en ce pays du Nord occupé de vendanges, souterraines ô
souterraines.
Ouvre, les nuits sont splendides au Livre. (La mer mesurait ses fruits
et son sel. L’été de la nuit allumait l’été.)
J’apprends j’apprends qu’il y a une bataille, après quoi l’amour ne
revient, elle est morte ; et le champ est désert, il n’y eut pas de
combattant, mais une seule éternelle défaite.
Et vois l’eau de la toilette des morts ; l’épouse l’a nappée sous les
pas du clergé.
La mort et ses nochers sont abjurés
De laisser au cœur de la mer immense qui commence.
Givres
L’ARBRE MORT ET VIVANT
Toute une nuit au bord de l’horizon
Il te cherchait, n’osant clamer par-dessus l’or
Si tu criais parmi les oiseaux morts
Si tu donnais la voix pour les peuples
Ou si muette tu venais dans l’épaisseur des vitres.
*
Il se tenait près de la nuit parmi les arbres
Il se levait dans son aurore et mort
Il chérissait tant d’ombre il déhalait ce bruit
Et te seyait, toi pure aux mains de qui poussaient
Les laves de minuit en l’arbre contemplées.
*
Il se tenait devant la nuit
Entretenu d’un vent de glace
Et se levaient les aigles sans cité
Mendiants dévolus qui lavaient l’horizon.
Miroirs
L’AVEU
4.
Ô celui qui torture la route l’éparpille
Il injurie, contamine
Offense et se dresse par-dessus lui-même
Pour attaquer dans un absolu de silence.
*
La solitude l’émeut se meurt
Il approche la mer il gronde
Vaincu demeure, aveu brisé.
Miroirs
L’AVEU
3.
Ont-ils entassé leurs amours
Âme sur âme comme on voit
Vos marnes vos tourbes vos craies
Ô terrassiers que le vent guette
D’épouvante l’apothicaire
Dans son champ d’obus allumait
L’étincelle, bague des mortes
Pour un mort qu’on a oublié
Voyez, le pauvre vanneur
Il tressait l’osier des caresses
Gisants vous n’aurez de cesse
Que le miroir n’en soit terni.
Miroirs
L’AVEU
2.
Espace pour ces mains
N’y laissant trace d’amitié,
Secrète si secrète.
Qui ose dire si son visage
Tient à son corps ou si sa face
Est transparente ?
Miroir, nul n’y passe ô falaise.
Elle est oiseau mouvement pur
Que vent consume.
Miroirs
L’AVEU
1.
Chaque village est un appel miroir brisé
Soupesant dans leurs mains le désespoir
D’en face, tremblants ils se taisent.
C’est leur manière de fleurir, l’aveu.
Miroirs
VILLES
Sur la laine du bruit quelque objet de silence,
mais si vaste.
Il y va de l’amour, de son mouvement vers les
vitrines attentives.
Qui s’arrête et contemple ? Ici la pensée organise
l’exposition des oripeaux, et le charme s’éternise.
Là, des chats géants grattent la terre, l’acier du
silence et la croyance sans objet.
Givres
ABRUPT
Non pas le chant, étal sur ton désert
Mais l’innocence tombée rouge
Limon des morts dans ta mort entablés
Un rire pour qu’un mort ensable sa blessure
Un cri un nœud un lourd aplomb de têtes chues
Non pas le chant
Mais cette pierre dans ta main où crie le vent
Et rêvent des oiseaux blessés des fruits des mots
Pendant que vive tu surprends
Le sang rivé vivant dans la nuit sans autan