Elle n’a qu’un but dans la vie : satisfaire ses caprices – le plus souvent ruineux – et avoir toujours sous la main un mâle prêt à assouvir – sans trop de raffinement – certains appétits lorsque l’envie lui en prend. A part ça, elle est fort aimable et sait se montrer d’humeur badine. Elle ne se rend pas du tout compte que des hommes se sont damnés pour elle. D’ailleurs, la plupart des partenaires de cette mante religieuse ne sont plus de ce monde pour en témoigner.
— Ce vieillard qui la suit comme un toutou, c’est votre Stanislas ? Il semble marcher au doigt et à l’œil.
— Triste spectacle, n’est-ce pas ? Et pourtant, Stanislas est jeune. Il n’a pas quarante ans. Mais il est amoureux fou. Aussi n’a-t-elle eu aucun mal, grâce à l’empire qu’elle exerce sur ses sens, à l’abrutir et à lui faire perdre tout discernement. Elle le mène maintenant par le bout du nez et le dévore, comme elle en a dévoré bien d’autres avant lui.
Et de toute façon, Amaryllis n’était pas une oie blanche de l’époque victorienne. Les femmes étaient devenues bien trop libres, bien trop indiscrètes dans leurs confidences sur leur vie privée pour qu’une jeune personne, de nos jours, pût vivre dans l’ignorance.
Nous sommes de petites gens, qui avons fait fortune dans le commerce. Si je pouvais remonter au delà de mes parents, connaître mes cousins, oncles, neveux, est-ce que je retrouverais parmi eux des doubles aussi parfaits ? Au fond, je ne le pense pas.
Elle rayonne en effet de contentement de soi. Au vrai, vous avez sous les yeux un monstre d’égoïsme et de sophistication, une créature dénuée de tout sens moral, aussi enjôleuse et dépravée qu’une houri de harem – et d’une rapacité de bête fauve.