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Critique de Glaneurdelivres


« Gogol est sans contredit réaliste. Chez qui trouver plus de vérité dans la peinture ? Tout en riant et en faisant rire, il pleurait en secret ; c'est pourquoi ses satires renferment toute la Russie sous son aspect négatif, avec toute sa chair, son sang et son souffle. "

-Ivan Gontcharov, Oeuvres, Saint-Pétersbourg, 1896, tome VIII, p. 257-


« le manteau » et « le nez » sont deux des cinq récits qui font partie des
« Nouvelles de Pétersbourg », publiées en 1843, qui n'ont été regroupées qu'après-coup lorsque Gogol s'est aperçu du point commun qui les liait : la moderne capitale de l'Empire russe.
Pétersbourg, construite sur des marais par Pierre le Grand, était alors en train de devenir un véritable mythe. Mais cette magnifique construction surgie du néant, représente plutôt pour Gogol un espace de privation et d'aliénation …

« le manteau », c'est une histoire à la fois simple et tragique, celle d'un petit fonctionnaire copiste, du nom d'Akaky Akakiévitch, qui porte un manteau rapiécé, usé jusqu'à la trame, et qui après un long temps de privations s'achète enfin une pelisse, mais pas n'importe laquelle, la pelisse dont il rêve…
Le problème, c'est qu'il se la fait voler le soir même de son achat ! Et c'est absolument burlesque !
Mais il y a aussi un aspect fantastique dans cette nouvelle.
Le fantôme d'Akaky Akakiévitch va tourmenter son supérieur hiérarchique dans son sommeil !
« le manteau » n'est donc pas seulement le récit réaliste d'une vie faite d'humiliations et de privations ! Cet Akaky, il est grotesque, mais il est touchant, et finalement si on rit de lui, on le plaint aussi. Akakiévitch est un être prisonnier de Saint-Pétersbourg. Son aventure est entièrement déterminée par sa pauvreté. Il trouve refuge dans le rêve d'un manteau chaud, solide, presque élégant, un rêve qui exprime bien l'ingratitude de son sort !

Avec « le nez », on plonge littéralement dans le fantastique.
C'est comme si un des morceaux du corps, le nez, avait pris soudain toute son indépendance !
« Espérons que je me suis trompé. Il est impossible que mon nez ait fait la bêtise de disparaître (..)
Un phénomène inexplicable venait d'avoir lieu sous ses yeux. Un carrosse s'était arrêté devant l'entrée, la portière s'était ouverte ; se pliant en deux, un monsieur en uniforme avait sauté dehors et avait gravi le perron en courant. Quelle fut l'horreur et en même temps la stupéfaction de Kovalev quand il constata que c'était là son propre nez ! (..) le pauvre Kovalev faillit devenir fou. Il ne savait que penser d'un événement aussi étrange. Comment était-il possible, en vérité, qu'un nez qui, hier encore figurait sur son visage, ne pouvant ni marcher ni rouler carrosse, se retrouvât en uniforme ? »

Le major Kovalev est un homme qui aspire à s'élever dans la hiérarchie. Son histoire pourrait se résumer comme un drame de l'ambition. le désir de parvenir à un poste plus élevé aurait-il provoqué cette scission de sa personne ? Son nez, sitôt doué d'une existence indépendante, ne trahit-il pas les désirs secrets de son propriétaire ?
Chacun pourra interpréter à sa façon et se faire sa propre opinion…

Gogol tisse une toile de fond réaliste sur laquelle il brode, imagine, rêve, et inonde ces récits pétersbourgeois de fantastique et de caricatures. C'est très plaisant et intéressant.
Pour revenir au réalisme de Gogol qu'évoque Gontcharov dans la citation du début de mon billet, s'il n'y a pas plus réel qu'Akaki Akakiévitch, cependant ce personnage semble vivre dans un système, dans un monde qui lui est propre, différent du monde réaliste du commun des mortels.
Le « manteau » est pour lui l'âme du monde qui le réchauffe. Il l'appelle
« compagne de ma vie ».
Au milieu de la perspective Nevski, il a l'impression de marcher le long d'une ligne qu'il a tracée sur une feuille de papier. C'est un personnage dont l'état de conscience est fantastique.
Dans les personnages du « manteau » et du « nez », il y a une certaine folie diabolique, une folie qui est déterminée par le milieu moderne et citadin dans lequel ils évoluent.

Ce livre me paraît être une très bonne porte d'entrée pour qui n'a pas encore fait connaissance avec l'oeuvre de Nikolaï Gogol en général. Je ne peux que le conseiller vivement !
5/5 !
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