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Critique de jullius


Il se dit que les âmes mortes seraient une source d'inspiration du Maître et Marguerite de Boulgakov. J'ai personnellement bien plus pensé à la Steppe de Tchekhov : sauf que Gogol ne peint pas une aquarelle de son immense Russie (bien que sa nature ne soit pas absente et qu'il prenne plus d'une fois le plaisir d'en dévoiler les beautés, même derrière ses clichés les plus rustiques), mais sculpte un groupe de personnages de son temps. Et la brochette a du goût c'est le moins que l'on puisse dire : outre les aromates dans lesquels il fait mariner ses morceaux de choix (us et coutumes, défauts et qualité à la mode, accidents et grands desseins, des plus jeunes au plus âgés, des ), l'énigme des raisons pour lesquelles Tchitchikov s'attache, avec quelle obstination, à se rendre propriétaire de morts, est l'occasion d'une galerie de portraits et, par eux, des tempéraments de son peuple. En cela déjà, lire Les âmes mortes, pour les amoureux du style dans le coup de crayon, est un régal : un festival que l'on pourrait dire festin.

Quant à l'histoire, elle lui fut, cela semble connue et peu discuté, proposée par Pouchkine, sur la base d'un fait divers. On suit donc, sans se perdre, le récit malgré les digressions de Gogol (on a du style ou l'on en a pas) une histoire peu commune, pour tout dire a priori délirante mais, pourtant « vraie » et qui serait, en elle-même, symptomatique d'une Russie en perdition… car Tchitchikov n'est pas l'exception qui confirme la règle, même si, comme le dit Nabokov dans son commentaire de l'oeuvre, « Tchitchikov est un faux semblant, un fantôme enrobé de rondeurs pseudo-pickwickienne, qui tente d'étouffer l'âcre relent d'enfer dont il est imprégné sous de parfums fades qui plaisent aux nez grotesques » : à la manière du Revizor, son entreprise abracadabrante ne pouvait trouver à s'accomplir que dans un monde perverti où quand les âmes ne sont pas mortes, elles sont trop souvent petites et mesquines : l'ascension et la chute de Techitchikov est à coup sûr non pas celle d'un homme, mais bien plutôt d'un monde dans lequel « l'homme peut tomber à ce degré de crasse ladrerie, d'effacement, d'abaissement et d'anéantissement moral. »
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