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EAN : 9782908393057
Carre (30/04/1997)
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Les communistes, comme les nazis, pensaient que le danger principal pour l’Allemagne résidait non dans l’instauration d’une dictature totalitaire, mais dans un système de gouvernement démocrate-libéral. L’organe théorique communiste, l’International, affirmait : « Une coalition social-démocrate face à un prolétariat désorienté, divisé et peu combatif, serait mille fois pire qu’une dictature fasciste clair et nette à laquelle s’opposerait un prolétariat uni, doté d’une solide conscience de classe, et décidé à lutter. » Les communistes n’étaient eux-mêmes, évidemment, que les interprètes des lois historiques immuables dont la dialectique mène à la conclusion suivante : si le fascisme est une phase inévitable sur la voie de la révolution, pourquoi ne pas aider alors les nazis à prendre le pouvoir ? La théorie détermina la pratique : après 1930, bien qu’étant, avec leurs 143 députés, le parti le plus important du Reichstag (les nazis avaient 105 députés et les communistes 77), les sociaux-démocrates se trouvèrent totalement paralysés car leurs initiatives se heurtaient à l’opposition conjointe des communistes et des nazis. Aux élections de 1932, les nationaux-socialistes obtenaient la majorité absolue et, le 30 janvier 1933, Hitler était nommé chancelier du Reich. L’Internationale communiste, dans un décret du Comité exécutif du 1er avril 1933, se réjouit de l’événement : « L’instauration d’une dictature ouvertement fasciste, qui détruira les illusions démocratiques des masses et les libérera de l’influence des sociaux-démocrates, lancera l’Allemagne sur la voie de la révolution prolétarienne. »

Hitler, pour qui la démocratie était aussi l’ennemi principal, confessait : « J’ai beaucoup appris du marxisme. […] Le national-socialisme est ce que le marxisme aurait pu être s’il s’était libéré de ses liens absurdes, artificiels, avec un système démocratique. » Le Führer expliquait que, contrairement aux politiciens bourgeois qui usaient d’armes strictement intellectuelles, « les marxistes ‘’unissaient harmonieusement l’intelligence à la violence brutale’’. Les SA devaient les imiter ».

Leurs slogans étaient interchangeables. Les nazis et les communistes employaient le même langage et faisaient appel aux mêmes valeurs. Hitler, par exemple, avait l’habitude de se définir avec fierté comme un prolétaire. Son discours, au début de la Seconde Guerre mondiale – alors que les avions qui bombardaient les villes anglaises et les tanks qui envahissaient la France étaient ravitaillés en carburant soviétique – est un exemple subtil de rhétorique nazie : « Si cette guerre, comme tout l’indique, est la lutte de l’or contre le travail, du capitalisme contre le peuple, de la réaction contre les progrès de l’humanité, alors la victoire reviendra au travail, au peuple et au progrès. » (p. 75)
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Jusqu’à la Grande Guerre, l’idéologie du marxisme révolutionnaire est restée l’emblème de l’engagement de Mussolini. Jeune homme, il transportait toujours dans sa poche une médaille de fer blanc à l’effigie de Karl Marx, qu’il considérait comme « le plus grand de tous les théoriciens du socialisme ». Fils d’un forgeron, Mussolini devint directeur de journaux socialistes – d’abord de Lotta di Classe, ensuite d’Avanti ! – dans lesquels il proclamait les principes de l’anti-impérialisme et de l’internationalisme prolétarien. (Sous le fascisme, il deviendra impossible de se procurer Avanti ! tant dans les kiosques italiens que russes.)

En 1912, hostile – contrairement aux futuristes – à la guerre qui s’annonçait et à la vague de ferveur patriotique de l’époque, Mussolini écrivait, paraphrasant Marx : « Il n’y a que deux patries au monde : celle des exploiteurs et celle des exploités. » Après que la guerre eut éclaté, se retrouvant en accord avec les futuristes, il reprit le slogan de Lénine sur la transition entre une période de guerre impérialiste et une période de guerre civile. Même après avoir abandonné le marxisme, Mussolini, lorsqu’il critiquait la révolution bolchévique russe, exprimait davantage un point de vue de gauche qu’un point de vue de droite. En même temps, il déclarait : « Le bolchévisme dévoile son visage capitaliste – guerrier, nationaliste –, et Lénine est le plus grand réactionnaire d’Europe. » Pour le Duce, le marxisme était loin d’être un caprice de jeunesse qui disparaîtrait sans laisser de trace ; comme l’a écrit Nolte, « la finalité du marxisme continuait à vivre en lui, même s’il n’en avait pas conscience ».

Si le mouvement mussolinien a été la source principale du fascisme italien, le futurisme italien a été l’une des sources majeures du mouvement mussolinien. Après son brusque passage du marxisme révolutionnaire ou, comme il l’appelait, du « communisme autoritaire » au fascisme. Mussolini n’eut, au début, qu’une idée assez vague des principes de son nouveau mouvement. Pour lui, le fascisme n’était pas un dogme, mais une méthode, une technique d’accession au pouvoir, et il tirait nombre de ses idées des futuristes de l’entourage de Marinetti qui, entre mars et juillet 1919, « représentèrent l’élément dominant du fascio milanais ».

Ces idées si aisément transformées en méthodes, ces méthodes qui tenaient lieu d’idées étaient communes aux deux mouvements. Benedetto Croce a dit, à propos de leur permanence : « Quiconque a le sens de l’analogie historique peut trouver les origines idéologiques du fascisme dans le futurisme, dans cette détermination à descendre dans la rue, à imposer sa propre opinion, à faire taire les opposants, à nier le danger des émeutes ou des rixes ; dans cet empressement à rompre avec toutes les traditions ; dans cette exaltation de la jeunesse qui caractérisait le fascisme. » (pp. 23-24)
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Il fallait bien plus que de simples slogans pour détourner tout le mouvement de la culture russe vers sa transfiguration révolutionnaire et la ramener à la description du quotidien. Ce qu’il fallait, c’était un mécanisme régulateur doté d’un unique tableau de commande. C’est Lénine, indiscutablement, qu’on doit créditer – entre autres aspects de l’organisation de l’État totalitaire – de la construction d’un tel mécanisme : « Il l’a enseignée non seulement à Staline, mais à Mussolini, et indirectement à Hitler (par l’intermédiaire des communistes allemands). » Dès 1905, Lénine a exposé ses conceptions d’une organisation culturelle globale dans « Organisation du Parti et Littérature du Parti ». Bien que ce court article ait été décrit pour répondre à une situation particulière, et qu’il ne semble concerner que la littérature, il constituait le fondement de toute la politique culturelle de la Russie soviétique. Les idées qu’il contenait ont été largement diffusées – et pas seulement dans le pays du socialisme triomphant : l’article, traduit en allemand en 1924, a été porté aux nues par les communistes allemands ; Mao Ze-dong s’en est inspiré durant la première période de ses remaniements culturels ; quant à Mussolini, fervent admirateur de Lénine dans sa jeunesse, il est certain qu’il en connaissait parfaitement les thèses principales. Lénine déclarait :

« La littérature doit être la littérature du Parti. Le prolétariat socialiste doit faire valoir le principe de la littérature du Parti, s’en servir comme d’un contrepoids à la morale bourgeoise, contrepoids au pouvoir de la presse libérale et mercantile bourgeoise, contrepoids au carriérisme littéraire et à l’individualisme bourgeois, à ‘’l’anarchisme aristocratique‘’ et à la poursuite du profit ; elle doit développer ce principe et l’appliquer sous la forme la plus complète et la plus intégrale.

Dehors, les hommes de lettres qui boudent le Parti ! Dehors les surhommes de l’écriture ! L’activité littéraire doit dorénavant faire partie intégrante de la cause prolétarienne en général : elle doit être ‘’la roue d’engrenage et le boulon’’ d’un grand mécanisme social-démocrate mû par l’ensemble de l’avant-garde lucide de classe ouvrière. Les questions littéraires doivent être l’objet de l’activité d’un parti social-démocrate uni, organisé et systématique. » (pp. 43-44)
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Les théoriciens de l’avant-garde soviétique ne considéraient pas l’alliance du futurisme avec le fascisme comme un péché mortel. Quelles que soient les étiquettes collées alors par la propagande à Mussolini et à son mouvement, ils ne pouvaient s’empêcher de sentir en lui une force destructive, révolutionnaire, dirigée contre les fondements de l’ancienne société, et très proche de leur propre zèle à mener la lutte des classes.

Lénine comme Gramsci invectivaient non les fascistes, mais les socialistes, les mencheviks, les socio-démocrates et autres « libéraux », en qui ils voyaient les plus graves obstacles au progrès victorieux de la révolution mondiale. (Staline adoptera la même attitude en 1933, quand il interdira aux membres du parti communiste allemand de voter pour les socio-démocrates – assurant ainsi le triomphe du national-socialisme en Allemagne.)
(…)
C’est en s’appuyant sur de telles conceptions que le vieux théoricien marxiste Gorlov, dans son livre le Futurisme et la Révolution (1924), a tenté de justifier le futurisme – dernière tentative du genre en Russie, semble-t-il. D’après Gorlov, les futuristes, aussi bien russes qu’italiens, étaient engagés dans la même révolution (les deux groupes pouvaient se définir comme « nous, les bolcheviks »), tout en ayant des points de départ différents, en ce qui concerne la culture, par exemple.
(…)
« Le marxisme a-t-il cessé d’être une idéologie révolutionnaire simplement parce que nos mencheviks ont tenté de le concilier avec une dictature militaire des Russes blancs ? Le futurisme ne cessera jamais d’être une esthétique révolutionnaire, même si un certain nombre de ‘’futuristes’’ italiens ont tenté de le concilier avec le fascisme. »

Gorlov ajoute : « Le futurisme est une rébellion contre le mode de vie passé, c’est la révolution en art, c’est le drapeau rouge hissé sur l’un des bastions de la bourgeoisie […] C’est pourquoi, dans tous les pays, le futurisme donne des hauts-cœur aux bourgeois, comme si c’était la peste. » (pp. 26-27)
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Les communistes et les nationaux-socialistes avaient un ennemi commun, et tous deux essayaient de conquérir le cœur du prolétariat allemand. En dépit des barrières idéologiques qui les séparaient, ils succombaient à une mutuelle attirance instinctive. Le jeune Goebbels, par exemple, écrivait dans son journal : « En dernière analyse, mieux vaut sombrer que vivre dans une éternelle servitude capitaliste […] Je trouve horrible que nous et les communistes, nous nous défoncions mutuellement le crâne. » Dans son fameux article, « National-socialisme ou Bolchevisme », écrit sous forme de lettre à un « ami de gauche », il tendait ouvertement la main à ses adversaires idéologiques, les exhortant à s’unir dans un combat commun. (p. 64)
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