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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je me demande bien pourquoi, alors qu'on fait (à juste titre) grand cas de Zola, ce roman des Frères Goncourt est tombé pratiquement dans l'oubli. Germinie Lacerteux est un modèle de roman social inaugurant le roman naturaliste. Trop réaliste peut-être, impitoyable sur la bêtise, l'égoïsme et la cruauté des êtres entre eux, il ne fait pas de cadeau aux classes populaires ni à la société en général.
L'histoire est simple : une jeune fille de la campagne, après bien des difficultés, devient bonne à Paris chez une vieille demoiselle un peu aigrie mais bonne et tombe amoureuse d'un aigrefin qui la mènera à sa ruine.
Les Goncourt, s'inspirant des portraits au vitriol De Balzac, ont tout réinventé :
-La façon de typer les personnages et d'amorcer le drame en présentant dès le départ les éléments qui, mis bout à bout le produiront.
-La manière d'utiliser les descriptions pour faire des tableaux extrêmement visuels et précis, plaçant ainsi le(s) décor(s) du drame, dans un espèce de poème en prose réaliste et cru.
-L'analyse rigoureuse et impitoyable de la psychologie des personnages dans le contexte d'une classe sociale étudiée en profondeur et en minutie.
-L'utilisation d'une écriture précise au vocabulaire riche et minutieux qui va à l'essentiel et n'utilise les détails que pour mieux appuyer son propos, faisant naître la vie d'éléments souvent sordides.
-La montée d'abord lente puis crescendo vers le drame et ensuite le decrescendo brutal qui, décrivant avec minutie la déchéance de l'héroïne aboutira à sa mort.
Zola nous apparaîtrait quelquefois moins brutal dans sa façon de procéder qu'Edmond et Jules de Goncourt, qui, à travers ce court roman, démontent impitoyablement les mécanismes d'une société qui broie les plus faibles. On comprend que la princesse Mathilde a pu écrire que "Germinie l'avait fait vomir". Ce n'est pas elle qui fréquentait les bas-fonds de la société du second Empire aux apparences joyeuses et frivoles, oui, mais pour qui ?
Ce livre me semble à redécouvrir autant pour le témoigage d'une époque que pour une meilleure compréhension de l'oeuvre de Zola. Si Balzac a tout inventé de l'analyse de l'âme humaine, ses successeurs l'ont dépassé en pragmatisme, en férocité et en analyse sociologique. Même si le trait est un peu forcé et que l'ensemble sente un peu trop la démonstration, cette vision d'une société matérialiste où l'amour sincère et naïf est récupéré par les malhonnêtes et les profiteurs fait froid dans le dos et sonne souvent très juste. Balzac ouvrait la porte à une possible rédemption ; ici l'enfer nous est ouvert.
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C'est le troisième roman écrit à quatre mains par Edmond et Jules de Goncourt, publié en 1865. Il eut une genèse singulière : à la mort de leur bonne, Rose Malingre, à qui ils faisaient confiance, les frères apprennent que Rose vivait une double vie. La servante sage et dévouée cachait une toute autre femme : elle buvait, se ruinait pour le fils de la crémière, a vécu une vie sexuelle débridée, a eu des enfants cachés, elle volaient férocement ses maîtres etc. Très vexés d'avoir été abusés à ce point, ils décident d'écrire un roman à partir de la vie de Rose. Un roman où le personnage principal sera une femme du peuple, un roman qui ne va rien embellir ni dissimuler. Les deux écrivains vont se documenter, frayer dans des endroits de perdition, fréquenter des bals populaires, discuter avec des témoins.

Le roman va donc dérouler la vie de Germinie Lacerteux, de sa naissance jusqu'à sa mort. Née dans la pauvreté, elle perd sa mère, le frère que la protégeait. Violée dans sa première place, elle finit comme bonne à Paris. Elle a la chance, après divers déboires, de travailler pour Mlle de Varandeuil, qui malgré sa noble naissance a elle-même connu une vie difficile, en particulier à cause de la Révolution, mais aussi à cause de son tyran de père. Profondément généreuse, elle fait des conditions décentes, enfin pour l'époque, à sa servante, à qui elle est attachée. Mais Germinie va suivre une pente fatale. Elle perd la tête pour un jeune homme, le fils de la crémière (comme Rose), a une fille de lui, qu'elle arrive à cacher à sa maîtresse, mais la petite meurt. le jeune homme l'abandonne, et elle finit par tomber dans l'alcoolisme, tout en courant après les hommes. Sa mort va aussi ressembler à celle de son modèle, avec le scandale des révélations après le décès.

Même si ce livre a fait scandale, et qu'il a été condamné par la plupart des critiques et même par des amis des Goncourt, il a eu aussi ses admirateurs. Flaubert écrit que « la grande question du réalisme n'a jamais été si carrément posée ». Victor Hugo dit de leur roman : « Il a cette grande beauté, la vérité ». Mais c'est un tout jeune auteur qui va le mieux apprécier cet ouvrage, Emile Zola.

Les deux frères, en particulier Edmond, ont presque considéré que Zola les a pillé, et se sont demandé pourquoi il est plus célèbre qu'eux. A la lecture de Germinie Lacerteux, l'influence est évidente. Je conseille d'ailleurs à tous les amateurs de Zola de découvrir ce roman, ils y trouveront leur compte. Mais bien évidemment, Zola va y ajouter autre chose, notamment une construction romanesque plus efficace, le roman des Goncourt étant plutôt constitué de scènes superposées, très efficaces chacune dans leur genre, mais sans véritable progression dramatique, ni évolution cohérente du personnage. Même si les scènes de genre dans les différents lieux sont très bien rendus, il n'y a pas d'analyse sociologique globale d'un environnement, comme Zola saura le faire, dessinant toute une série de personnages convaincants, alors qu'à part Germinie, et pendant un moment Mlle de Varandeuil, tous les autres personnages sont un peu des comparses, voire des silhouettes chez les Goncourt.

Mais c'est à mon avis un très bon roman, qui décrit une réalité sordide de manière précise et vraie, sans reculer. Pas par goût de l'abject ou de la saleté (les poux que Germinie récolte dans son voyage vers Paris ont beaucoup choqué dans la bonne société) mais pour rendre compte. Ces deux frères qui manifestaient un tel dégoût du peuple dans leur Journal, ont peint leur personnage avec une forme d'empathie, comme ils montrent aussi à l'arrière fond la condition cruelle des femmes. Sans apitoiement ni sentimentalisme, mais en mettant devant les yeux des réalités crues, que l'on préfère ne pas voir. Comme ces abominables chambres de bonnes, pas chauffées, étouffantes en été, minuscules. Aucun romantisme, aucune rédemption, une sorte d'anti-romanesque aussi, avec ces différentes scènes qui se suivent, sans enchaînement narratif à tout prix. Ce qui d'une certaine manière donne un côté très actuel au roman, capter la vie du personnage dans ses instants forts, dans le moment qui passe.
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Etonnante autant qu'émouvante découverte du tragique destin de Germinie Lacerteux, magnifié par plume des frères Goncourt, et qui fait comme un pont entre la Comédie humaine et les Rougon Macquart.
Publié en 1865 à presque équidistance des deux oeuvres, le roman emprunte à Balzac la peinture de moeurs à travers un destin singulier (en particulier dans le chapitre dédié à la maîtresse de Germinie, Mademoiselle de Varandeuil, parfait de bout en bout) et préfigure les grands romans sociaux de Zola. L'écriture elle-même m'a rappelée l'un et l'autre.

Le dossier qui accompagne l'édition que j'ai eu en main apporte un éclairage passionnant à cette oeuvre, rappelant que le personnage de cette petite bonne à la double vie fut inspiré aux frères Goncourt par la leur, Rose, dont ils ne découvrirent qu'à sa mort que derrière la figure de probité et d'humilité servile se cachait un tempérament de feu, des amours borgnes et douloureux, des dettes et un alcoolisme dévastateur et honteux.
Ainsi naquit le personnage de Germinie, gamine des campagnes envoyée à Paris, apprenant la vie par petites bribes au fil de ses placements auprès de tous les types de "Madame" que présentait la bourgeoisie, pour atterrir enfin au service d'une vieille noble déchue, elle-même bien amochée par la vie et qui la prend sous son aile.
Mais de cet ancrage sécurisé, Germinie va déchoir irrémédiablement pour les motifs qui ont fait chuter Rose, donnant lieu à des scènes absolument bouleversantes de femme bafouée, manipulée mais continuant d'aimer à la folie, tentant de racheter l'amour perdu jusqu'à la perdition, et d'oublier ses souffrances jusqu'à l'abjection.

Le dossier s'achève sur le papier louangeur qu'en fit un certain Emile Zola, et sur les lettres de félicitations aux auteurs de rien moins que Messieurs Flaubert et Hugo; c'est dire si ce court roman peu connu, conspué pour indécence gratuite à sa sortie, mérite de retrouver sa place entre ses aïeux et descendants.
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Les Frères Goncourt : Germinie Lacerteux ou l'assommoir à tous les étages : Derrière le masque et les pansements : dosette de lecture n°83

Comment en finir avec les romances en plein XIX° ? Flaubert est passé par là… le roman des frères Goncourt veut enfoncer le clou, plus encore que Zola. Ce ne sont plus des chirurgiens mais des bouchers qui oeuvrent sur le champ de bataille de l'existence vue par « l'expérimentateur ». Leur victime s'appelle Germinie Lacerteux et la pauvresse blessée n'a vraiment pas de chance. Rien pour l'éclairer, pas une lueur !
Dans le livre, ce sont au départ les destinées pitoyables de deux personnages qui passent « au bloc » de la narration : celle de la maîtresse (Mme de Varandeuil) et celle de sa bonne (Germinie). Mme de Varandeuil est obligée de se dévouer à son père malade et « n'a plus que le souffle ». Et à ses côtés, sa domestique, parangon de vertu, se dévoue corps et âme à la vieille femme. Mais en secret, la servante mène une double vie, agitée, bouleversante, pathétique et lorsque sa maîtresse découvre la face cachée de sa transparente compagne, elle tombe des nues.
Armés d'un scalpel mal affuté, les frères Goncourt n'épargnent rien à leur personnage et pavent méthodiquement son enfer. Leur acharnement tient en partie à un naturalisme assumé mais il renvoie aussi à la stupéfaction bien réelle qu'ils ont ressentie quand ils ont découvert l'insoupçonnable existence de leur propre servante Rose, qu'ils prenaient pour un modèle de vertu et d'abnégation…

Lien : http://ericbertrand-auteur.n..
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Je ne suis pas du tout fan des romans naturalistes et je pensais que celui-ci n'allait pas faire exception. Et pourtant, quelle surprise, quelle émotion ! Germinie est un personnage qui m'a touché, et l'écriture n'est pas si anti-romantique que les Goncourt le laissent dire. Tout est juste, des phrases belles, poignantes. La seule note un peu négative est sur quelques passages de descriptions que j'ai trouvé ennuyeux, mais elles sont toujours de courte durée !
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