La Mère

Nous sommes des socialistes. Cela signifie que nous sommes les ennemis de la propriété privée, qui désunit les hommes, les arme les uns contre les autres, crée une rivalité inconciliable d’intérêts, qui ment en prétendant cacher ou justifier cet antagonisme, et qui pervertir tous les gens par le mensonge, l’hypocrisie et la haine.

Paysans, s’écria Rybine, est-ce que vous ne voyez pas comment vous vivez, vous ne comprenez pas qu’on vous vole, qu’on vous trompe, qu’on boit votre sang ? Tout repose sur vous, c’est vous la force principale sur la terre, et quels droits vous avez ? Crever de faim, voilà votre seul droit !

Et elle voyait qu’il y avait de tout en abondance sur la terre, tandis que le peuple était dans le dénuement et végétait à demi affamé à côté de richesses innombrables. Dans les villes, il y avait des temples pleins d’or et d’argent dont Dieu ne sait que faire, mais sur le parvis, les miséreux grelottaient, attendant en vain qu’on leur glissât dans la main quelque menue monnaie.

Le jour viendra, où les travailleurs de tous les pays lèveront la tête et diront avec force, c’est assez ! Nous ne voulons plus de cette vie ! disait Sophie d’une voix pleine d’assurance. Alors croulera la puissance illusoire de ceux qui ne sont forts que par leur avidité, la terre se dérobera sous leur pas, on peut tout surmonter !

Il m’a regardé de travers, il s’est remis à parler, rapport que le peuple, il devait patienter et se résigner et prier Dieu pour qu’il lui donne la force de souffrir. Et moi, j’ai dit comme ça, que le peuple, il priait beaucoup, mais que sans doute Dieu n’a pas le temps, il n’entend pas !

Elle se mit à raconter sa vie d’humiliations et de souffrances résignées. Elle racontait sans colère, avec un sourire de compassion sur ses lèvres, elle déroulait l’écheveau gris de ses tristes jours, dénombrant les coups reçus de son mari, saisie elle-même de la futilité des prétextes qui les amenaient, s’étonnant de son incapacité à les éviter…

Tu ne déclencheras pas la grève, dit Rybine à Paul en s’approchant. Le peuple est âpre au gain, mais il est poltron. Il y en aura peut-être trois cents qui marcheront avec toi, pas plus. On ne peut pas soulever un pareil tas de fumier avec une seule fourche …

Ça veut dire que Dieu est dans le cœur et dans la raison mais pas dans l’église ! L’église, c’est le tombeau de Dieu …

Il y a des cas où l'illettré comprend mieux que l'homme instruit, surtout si cet instruit-là, il mange bien !

Quand on est bon, on n'est jamais seul, il y a toujours des gens qui tiennent à vous...