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Génia Cannac (Traducteur)
EAN : 9782851810670
96 pages
L'Arche (13/06/1997)
3.92/5   85 notes
Résumé :
Une humanité pauvre et humiliée grouille dans des caves. Deux figures dominent cette population : l'usurier Kostylev et le généreux Luka, qui tente de rendre le goût de la vie à ses camarades de misère. « Les vivants, ce sont les vivants qu'il faut aimer ! » clame Luka. Mais les bas-fonds restent, pour tous, un enfer. Sous l'effet du naturalisme et de son engagement politique, Gorki se rebelle contre la tradition dostoïevskienne, c'est-à-dire mystique, de la représe... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Ne vous êtes-vous jamais arrêtés quelques instants devant ces centres sociaux, annexes de MJC, locaux miteux d'une amicale ou d'un foyer quelconque loin des centres villes, où gravite dans l'oisiveté et l'hébétude tout un assortiment de pochetrons, clochards, femmes à la voix forte et au visage marqué, ex-taulards, jeunes ferments de délinquance sans repères et déscolarisés depuis toujours, naufragés SDF en déshérence, drogués en éternelle pseudo rémission, où l'on entend ces pauvres diables se quereller pour une cigarette ou un fond de bouteille à l'hygiène discutable, se bastonner pour un mot mal dit ou mal perçu, rire grassement à une blague au goût douteux, refaire le monde et la politique avec parfois une étonnante lucidité et force jurons, où l'on voit des vêtements de sport à l'ancienne mode, des bouches édentées, des cheveux hirsutes, des rides profondes, des rougeurs faciales inaccoutumées avec une odeur aussi prégnante et tenace que la misère et, non loin, parfois même au milieu d'eux, un cimetière de canettes de bières jonchées ou fracassées auréolé d'une grosse flaque d'urine ?

Et bien « Les bas-fonds » de Maxime Gorki, c'est ça ! Il nous raconte avec un saisissant réalisme cette ambiance-là. Ce n'est donc pas forcément hyper sexy à lire car c'est intriqué, c'est dérangeant, car une part de nous-même s'y sent mal à l'aise, s'y sent responsable de quelque chose. On sait bien qu'on a tous détourné la tête en passant devant ces repaires peu engageants et fermé les yeux sur le drame humain qui se joue là, tout près de nous.

On est plongé au milieu de ce brouhaha, de ce va-et-vient incessant au fond de cette tanière, de cette misère criante, financière et morale, de cette violence et rudesse tant verbale que sentimentale. Quand on n'a pas le sou, la considération ni le moindre espoir à l'horizon, on est trop bas pour l'empathie, trop bas pour pouvoir encore s'apitoyer sur celle qui meurt auprès de vous, à une longueur de bras.

Gorki nous sert des femmes, tour à tour ou tout en même temps, battues, mourantes, jalouses, aigres plus que douces, désespérées malgré leur jeunesse ; des hommes jeunes ou vieux, abîmés par l'alcool et la promiscuité, rendus mesquins, mauvais ou insensibles par l'âpreté de leur existence, déchus pour certains, l'un est un ancien acteur, l'autre un ancien baron, d'autres sont d'anciens prisonniers, tous naufragés au creux de cet asile de fortune qui termine de leur écumer leurs derniers kopecks comme leurs ultimes espérances.

Au milieu de cette vie présentée comme un corridor sombre et sans issue d'où la mort seule peut représenter une perspective d'arrêt de la souffrance, le personnage de Louka, sorte de vieux vagabond à tendance messianique représente encore la seule partie comestible derrière tous ces fruits pourris de l'humanité. Dans son sillage, il plante quelques graines fécondes, mais arriveront-elles à germer parmi toutes ces mauvaises herbes ? Combien de temps les semences résisteront-elles aux intempéries ?

Ils vont, ils viennent, comme la marée, au milieu des petits drames minuscules du quotidien, de temps à autres, c'est la vive-eau, l'amplitude du drame est supérieure, quelqu'un y aura sûrement laissé sa vie, personne ne le pleurera, on y pensera encore quelques jours, puis on boira beaucoup de vodka pour oublier, puis, la vodka aidant, on se chamaillera, de nouveaux petits drames se produiront, jusqu'au prochain gros…

On peut penser sans crainte que l'auteur, pour écrire cette pièce, s'est fortement inspiré de la pièce en un acte d'Anton Tchékhov intitulée Sur La Grand-Route. La filiation semble tout à fait évidente et Gorki reprend et enrichit le jeune plan que Tchékhov a semé.

Il y a également dans cette pièce un fort relent de l'Assommoir. Tandis qu'Émile Zola s'attachait à montrer la lente et inéluctable descente aux enfers de Gervaise et de ses proches, Maxime Gorki, lui, nous les montre tous au dernier stade de cette descente, avec tous des parcours divers mais ayant en commun un obstacle qui les a fait trébucher et la vie s'est occupée à les empêcher de se relever.

Pourtant, comme pour la Gervaise Coupeau de l'Assommoir, on sent qu'il s'en faudrait parfois d'un cheveu pour que les êtres dévoyés retournent sur leurs rails, un coup de pouce un peu plus appuyé ou qui viendrait au bon moment, mais non, rien n'y fait, on reste dans les bas-fonds, englué, à patauger dans la fange jusqu'à l'ultime soupir.

Cette oeuvre est forte et bien écrite et il faut saluer la prouesse de traduction de Génia Cannac qui parvient à restituer toute sa force et sa verdeur au texte en français. J'ai seulement souffert à la lecture du grand nombre de personnages avec des interventions brèves, croisées et multiples qui obligent à tout de même se cramponner durant au moins les deux premiers actes.

C'est pourquoi j'en viens à penser que c'est une pièce probablement beaucoup plus sympa à voir qu'à lire, un discours que je ne tiens pas souvent, vous me l'accorderez. C'est normal, me direz-vous, puisque c'est l'essence même du théâtre et qu'elle a justement été écrite pour être montée sur scène (d'ailleurs j'ai maintenant très envie de voir cette pièce).

Néanmoins c'est sur le livre que je poste un avis et donc les sensations de lecture comptent également, même si j'ai bien conscience que ce n'est là que mon avis, lui aussi proche des bas-fonds, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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« Une cave qui ressemble à une grotte », dont la location ne laisse à ses miséreux pensionnaires que quelques kopeks pour boire, jouer aux cartes, manger un peu...

Maxime Gorki rassemble dans cette pièce une dizaine de laissés pour compte. Louka, un vieux 'pélerin' se joint bientôt à eux, sa parole est sage et bienveillante, il sait apaiser les âmes tourmentées - cette jeune femme qui se meurt, cette autre qui crève de solitude, d'ennui et rêve d'amour, cet ancien acteur dont 'l'organisme est complètement empoisonné par l'alcool'.
Grâce à Louka notamment, ou au gré de querelles entre ivrognes et amants qui se déchirent, chacun dévoile peu à peu ses aspirations, ses désillusions, et la trajectoire qui l'a mené dans ces 'bas-fonds'.

Ecrite en 1902, cette pièce est particulièrement d'actualité, évoquant les réfugiés, les SDF, la précarisation. Maxime Gorki y soulève des questions politiques, sociologiques et philosophiques passionnantes sur les inégalités, la pauvreté et la place dans la société des plus démunis, l'honnêteté, le travail, la façon dont le regard des autres nous façonne...
Avec en toile de (bas) fond(s), malgré les messages d'espoir, la vision de l'auteur sur la vie et l'amour, aussi froide et sombre qu'un hiver en Sibérie...

J'ai lu cette pièce quelques jours après avoir vu au théâtre l'adaptation d'Eric Lacascade*. J'avais hâte de retrouver certaines répliques de génie, pour prendre le temps de m'y arrêter. J'aurais dû attendre d'avoir un peu oublié cette mise en scène 'barbare et folle', comme le dit fort à propos Télérama. Trop barbare, trop folle pour moi, je crois - la misère et les souffrances évoquées dans le texte sont suffisamment éloquentes, j'aurais préféré un habillage plus sobre...

* entretien avec le metteur en scène
https://www.youtube.com/watch?v=NioukqnCRKQ
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Qui oserait traiter cet ouvrage de parangon annonciateur du réalisme socialiste ? Nous avons ici un théâtre qui transcende de loin son aspect social. Il s'agit simplement d'humains, avec leurs espoirs et leur veulerie, d'humains dessinés très justement par un des maîtres du théâtre russe. Et sont transcendés par la même occasion l'exposition de la pauvreté, la déliquescence de l'empire, la culture russe…
N'était l'etrême misère humaine que la pièce expose, il faudrait s'attarder au thème du théâtre, à la puissance réparatrice des mots du pèlerin Louka, au rôle joué - c'est le cas de le dire - par l'acteur, à ces postures prises par Natacha, Nastia ou encore Vassilissa pour troubler leur image et aux souvenirs déclamés par le Baron.
Tout est théâtre mais est aussi pur vécu dans ces Bas-fonds. Gorki fait preuve d'une extrême habileté à donner à chacun de ses personnages un corps, un passé, un phrasé propre.
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C'est à travers Les bas-fonds et par hasard que je découvre Maxime Gorki... La lecture de cette pièce est un véritable délice... Personnages vivants et tendus vers une existence qui se déploie dans et vers une radicale authenticité...
Disputes, bagarres, rapprochements, alcool, délires, réflexions philosophiques et existentielles, questionnements qui vont des personnages au lecteur.... Une courte pièce que j'aimerais désormais voir jouée...

Au fond des bas-fonds, des êtres qui finalement n'ont peut-être de la folie que le nom...
Au fond, des élans humanistes et généreux, et la vision d'un homme meilleur à construire...
Les bas-fonds : une société qui n'a de cesse de lutter pour une reconnaissance des Sans...

"Kostylev : Bon... Il paraît que tu t'en vas ?
Louka : Il est temps...
Kostylev : Et où donc ?
Louka : Où mes yeux me mèneront...
Kostylev : Cela veut dire que tu vas vagabonder. Il faut croire que tu n'aimes pas rester au même endroit ?
Louka : On dit comme ça : "L'eau ne coule pas sous une pierre immobile."
Kostylev : Ça va pour la pierre. Mais l'homme, lui, doit rester au même endroit. Les hommes ne sont pas des cafards pour s'égailler dans tous les sens... Il faut qu'u home se fixe quelque part, au lieu de vagabonder sans but, par-ci par-là.
Louka : Et celui dont la place est partout ?"
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" L'homme ! C'est magnifique! Cela sonne... fier ! L'homme ! Il faut respecter l'homme !
Ne pas en avoir pitié... ne pas l'abaisser par la pitié... il faut le respecter. " Gorki ( l'amer) écrit " les bas-fonds"en 1902. elle sera jouée la même année et rencontra le succès .Quinze ans plus tard le tsarisme était renversé.
Dans toute misère il y a l'inhumanité. Dans tout miséreux il y un homme. Et c'est sans doute le regard vrai, juste, proche de Gorki qui nous permet d'y voir un peu mieux dans cet asile où se vivent toutes formes d'abandon : Alcool, chômage, maladie,prostitution, jeux, violence, religion etc.. " Toutes les âmes sont grises...Tout homme veut y mettre un peu de fard". Il suffit d'une lumière incarnée dans la parole du vieux Louka pour que les les âmes retrouvent l'espoir. Les bas-fonds ne sont pas un lieu de résidence mais un lieu d'errance. Nulle liberté y réside. Mais la fatalité aime s'y installer et faire mentir les hommes.
C'est d'abord par sa volonté et sa seule volonté que l'homme doit sortir des bas-fonds.
Il faut que les hommes prennent conscience de leur naufrage pour qu'ils trouvent la force de rejoindre le rivage. Une vision qui appelle toujours l'éveil.

Astrid SHRIQUI GARAIN
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Citations et extraits (65) Voir plus Ajouter une citation
Natacha:
C'est quand même bien qu'elle soit morte, mais ça fait de la peine... Seigneur !... Pourquoi Est-ce qu'elle a vécu ?
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KOSTYLEV : Tu as bon cœur, mon vieux. C'est bien, ça... on t'en tiendra compte.
L'ACTEUR : Quand ?
KOSTYLEV : Dans l'autre monde. Au ciel, on tient compte de toutes nos actions.
L'ACTEUR : Tu ferais mieux de me récompenser ici-bas.
KOSTYLEV : Comment ?
L'ACTEUR : En réduisant ma dette de moitié.
KOSTYLEV : Hé-hé ! Tu aimes la plaisanterie, petit, tu aimes rigoler. Est-ce qu'on peut mettre dans le même sac la bonté du cœur et l'argent ? La bonté est au-dessus des biens terrestres, et ta dette, c'est une affaire d'argent, donc tu es obligé de me régler. Les bonnes actions, tu me les dois parce que je suis un vieil homme...
L'ACTEUR : Une vieille crapule, oui !
KOSTYLEV : Et notre ouvrier-grinceur ? Il s'est sauvé, hé-hé ! Il ne m'aime pas.
SATINE : Qui peut t'aimer, à part le diable ?
KOSTYLEV : Veux-tu te taire, mauvaise langue ! Et moi, je vous aime bien, je vous comprends, pauvres clochards que vous êtes, hommes ratés, hommes perdus...
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VASSILISSA :
Quand on était ensemble... j'attendais toujours que tu m'aides à sortir de ce cloaque, que tu me libères de mon mari, de mon oncle... de toute cette vie. Et peut-être n'était-ce pas toi, Vassili, que j'aimais, mais cette espérance... Tu comprends ?... J'attendais de toi que tu me tires d'ici.
PEPEL:
Tu n'es pas un clou, je ne suis pas une tenaille. Je te croyais assez intelligente pour te débrouiller seule... car tu es intelligente, et tu es habile !
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L'ACTEUR :
Par exemple, je te réciterais bien un poème... mais j'en ai oublié le début... complètement oublié ! (...) Dans le temps, quand mon organisme n'étais pas encore empoisonné par l'alcool, j'avais une bonne mémoire, mon vieux. Mais maintenant... c'est fini, oui ! Tout est fini pour moi. Quand je récitais ce poème, j'avais toujours beaucoup de succès... un tonnerre d'applaudissements ! Tu ne sais pas ce que c'est les applaudissements ? C'est comme de la vodka ! J'avançais sur l'estrade, je me mettais comme ça et puis... Je ne m'en souviens plus... Pas un mot. Rien ! Mon poème préféré. C'est mauvais ça, mon vieux... dis ?
LOUKA :
Sûr que c'est pas bon ! Oublier ce que tu aimais le plus... C'est comme si tu avais oublié ton âme...
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LOUKA : C'est vrai que c'est un ancien baron, cet homme-là ?
BOUBNOV : Va donc savoir ! Mais il a été un monsieur dans le temps, ça c'est sûr. Aujourd'hui encore, il lui arrive de sortir brusquement les griffes. Une vieille habitude.
LOUKA : C'est comme la petite vérole : on en guérit, mais ça laisse des marques.
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Vidéo de Maxime Gorki
Gorki et ses fils, correspondance (1901-1934) , traduit du russe et préfacé par Jean-Baptiste Godon, est paru aux éditions des Syrtes.
Près de dix mille lettres de la main de Maxime Gorki sont conservées par les archives de l'Institut de la littérature mondiale de Moscou. La présente correspondance inédite entre l'écrivain et ses fils représente 216 lettres échangées entre 1901 et 1934.
Plus d'info sur https://editions-syrtes.com/produit/gorkietsesfils/
Nos remerciements à la Bibliothèque russe Tourguenev à Paris pour avoir gracieusement accueilli le tournage.
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