La colère est comme la glace : elle fond à la première chaleur.
Leurs cris et leurs larmes, les tourments qu’ils s’infligeaient mutuellement, les scènes qui éclataient pour s’éteindre aussitôt, m’étaient devenus si familiers que tout cela ne parvenait plus à me toucher que très faiblement.
Bien longtemps après, j’ai compris que les Russes, obligés de mener une vie indigente, arrivent à chercher dans le chagrin une distraction. Ils s’en amusent comme des enfants, ils s’y complaisent et il est rare qu’ils aient honte d’être malheureux.
Longtemps elle grommela en se traînant sur les genoux, tandis qu’assis sur le marchepied du poêle je me creusais la tête pour savoir comment je pourrais bien punir grand-père de sa conduite et la venger du même coup !
C’était la première fois qu’il avait battu sa femme d’une façon aussi infâme et aussi atroce, en ma présence tout au moins. Dans la pénombre je revoyais son visage écarlate et fulminant et ses cheveux qui flottaient en désordre. L’outrage brûlait mon cœur et je souffrais de ne pas imaginer des représailles dignes de l’injure.
La maison, somme toute, était amusante; et pourtant j'étais accablé parfois d'une invincible tristesse, il me semblait que j'étais comme saturé de quelque chose de pesant, ou que, durant de longues périodes, je m'engourdissais dans un trou profond et sombre, ou encore que mes sens s'abolissaient, que je devenais aveugle et sourd, comparable à un demi-mort...