CUEILLETTE SUR l'ASPHALTE
À LA FEMME AUX YEUX BLEUS
Comme un fiévreux cherchant le sommeil qui le fuit
J'allais, silencieux et morne dans la nuit,
Loin de tout ce qui chante et de tout ce qui luit,
Promenant sous le ciel sombre le sombre ennui.
Les étoiles semblaient à tout jamais éteintes,
Mortes à tout jamais les illusions saintes ;
Je n'avais plus de dieu pour mes vides étreintes,
Et j'errais, étouffant dans ma gorge mes plaintes.
Mais vous êtes venu, jeune astre radieux,
Laissant dans le chaos morne et tumultueux
Descendre un rayon pur comme un regard des dieux :
Et du sarcasme noir mou âme coutumière
Refleurit à l'amour, au rêve, à la lumière.
Salut à vous! Salut, ô jeunesse première !
p.52-53
LE SENTIER DU SOUVENIR
O sentier, le voilà velu de fleurs fanées.
Dont les vagues parfums s'exhalent affaiblis;
Les nids, déserts depuis le départ des années,
Dans le creux des buissons dorment ensevelis;
Les collines au loin se dressent, couronnées
De la brume qui roule et s'allonge en leurs plis;
Des ruines sont là, de lierre environnées,
Et, sous mes pieds, des champs que le deuil a remplis.
Paysage d'autonme. où règne le silence,
Où, dans le brouillard bleu, le rêve se balance :
Ce sont les jours passés où je veux revenir!
J'ignore si le temps, ce peintre prismatique,
Sait rendre le lointain des ans plus poétique,
Mais tu me plais toujours, sentier du souvenir!
EXERGUE
On ne vit que d'espoir, d'illusion, d'amour,
L'espoir à chaque pas diminue ou s'envole ;
L'illusion s'effeuille et tombe sans retour;
Quant à l'amour, c'est une ancienne faribole :
Dans le verre banal de la grosse gaîté,
On ne boit désormais qu'un amour frelaté...
Les vieux vins ne sont plus, le gros bleu te console,
pauvre, pauvre humanité!
Lutte parisienne - Émile Goudeau lu par Yvon Jean