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Citations sur L'arbre d'amour et de sagesse (8)

Depuis presque cent ans, le vieil homme marchait. Il avait traversé l’enfance, la jeunesse, mille joies et douleurs, mille espoirs et fatigues. Des femmes, des enfants, des pays, des soleils peuplaient encore sa mémoire. Il les avait aimés. Ils étaient maintenant derrière lui, lointains, presque effacés. Aucun ne l’avait suivi jusqu’à ce bout du monde où il était parvenu. Il était seul désormais face au vaste océan.

Au bord des vagues, il fit halte et se retourna. Sur le sable qui se perdait dans des brumes infinies il vit alors l’empreinte de ses pas. Chacun était un jour de sa longue existence. Il les reconnut tous, les trébuchements, les passes difficiles, les détours et les marches heureuses, les pas pesants où l’accablaient des peines.

Il les compta. Pas un ne manquait. Il se souvint, sourit au chemin de sa vie. Comme il se détournait pour entrer dans l’eau sombre qui mouillait ses sandales, il hésita soudain. Il lui avait semblé voir, à côté de ses pas, quelque chose d’étrange.

A nouveau, il regarda. En vérité, il n’avait pas cheminé seul. D’autres traces, tout au long de sa route, allaient auprès des siennes. Il s’étonna. Il n’avait aucun souvenir d’une présence aussi proche et fidèle. Il se demanda qui l’avait accompagné. Une voix familière et portant son visage lui répondit : « C’est moi ».

Il reconnut son propre ancêtre, le premier père de la longue lignée des hommes qui lui avaient donné la vie, celui que l’on appelait Dieu.

Il se souvint qu’à l’instant de sa naissance, ce Père de tous les pères lui avait promis de ne jamais l’abandonner. Il sentit dans son cœur monter une allégresse ancienne et pourtant neuve. Il n’en avait jamais éprouvé de semblable depuis l’enfance. Il regarda encore. Alors, de loin en loin, il vit le long ruban d’empreintes parallèles, plus étroit, plus ténu. Une trace de pas, certains jours de sa vie, était seule visible.

Il se souvint de ces jours. Comment les aurait-il oubliés ? C’étaient les plus terribles, les plus désespérés. Au souvenir des heures misérables entre toutes où il avait pensé qu’il n’y avait de pitié ni au Ciel ni sur Terre, il se sentit soudain, amer, mélancolique.

« Vois ces jours de malheur, dit-il. J’ai marché seul. Où étais-tu Seigneur, quand je pleurais sur ton absence ?

– Mon fils, bien-aimé, lui répondit la voix, ces traces solitaires sont celles de mes pas. Ces jours, où tu croyais cheminer en aveugle, abandonné de tous, j’étais là, sur ta route.

Ces jours où tu pleurais sur moi, je te portais.
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L'arbre

Dans un pays aride, fut autrefois un arbre prodigieux. Sur la plaine, on ne voyait que lui, largement déployé entre les blés malingres et le vaste ciel bleu. Personne ne savait son âge. On disait qu'il était aussi vieux que la Terre. Des femmes stériles venaient parfois le supplier de les rendre fécondes, des hommes en secret cherchaient auprès de lui des réponses à des questions inexprimables et les loups lui parlaient, certaines nuits sans lune, mais personne jamais ne goûtait à ses fruits.

Ils étaient pourtant magnifiques, si luisants et dorés, le long de ses branches maîtresses pareilles à deux bras offerts dans le feuillage qu'ils attiraient les mains et les bouches des enfants ignorants. Eux seuls osaient les désirer. On leur apprenait alors l'étrange et vieille vérité. La moitié de ces fruits était empoisonnée. Or, tous, bons ou mauvais, étaient d'aspect semblable. Des deux branches ouvertes en haut du tronc énorme l'une portait la mort, l'autre portait la vie, mais on ne savait laquelle nourrissait et laquelle tuait. Et donc on regardait mais on ne touchait pas.

Vint un été trop chaud, puis un automne sec, puis un hiver glacial. Neige et vent emportèrent les granges et les toits des bergeries. Les givres du printemps brûlèrent les bourgeons, et la famine envahit le pays. Seul, sur la plaine, l'arbre demeura imperturbable. Aucun de ses fruits n'avait péri. Malgré les froidures, ils étaient restés en aussi grand nombre que les étoiles du ciel. Les gens, voyant ce vieux père solitaire miraculeusement rescapé des bourrasques, s'approchèrent de lui, indécis et craintifs. Ils interrogèrent son feuillage. Ils n'en eurent pas de réponse. Ils se dirent alors qu'il leur fallait choisir entre le risque de tomber foudroyés, s'ils goûtaient aux merveilles dorées qui luisaient parmi les feuilles, et la certitude de mourir de faim, s'ils n'y goûtaient pas.

Comme ils se laissaient aller en discussions confuses, un homme dont le fils ne vivait plus qu'à peine osa soudain s'avancer d'un pas ferme. Sous la branche de droite, il fit halte, cueillit un fruit, ferma les yeux, le croqua et resta debout, le souffle bienheureux. Alors tous, à sa suite, se bousculèrent et se gorgèrent délicieusement des fruits sains de la branche de droite, qui repoussèrent aussitôt, à peine cueillis, parmi les verdures bruissantes. Les hommes s'en réjouirent infiniment. Huit jours durant, ils festoyèrent, riant de leurs effrois passés.

Ils savaient désormais où étaient les rejetons malfaisants de cet arbre : sur la branche de gauche. Ils la regardèrent d'abord d'un air de défi, puis leur vint une rancune haineuse. A cause de la peur qu'ils avaient eu d'elle ils avaient failli mourir de faim. Ils la jugèrent bientôt inutile que dangereuse. Un enfant étourdi pouvait, un jour, se prendre à des fruits pervers que rien ne distinguait des bons. Ils décidèrent donc de la couper au ras du tronc, ce qu'ils firent avec une joie vengeresse.

Le lendemain, tous les bons fruits de la branche de droite étaient tombés et pourrissaient dans la poussière. L'arbre amputé de sa moitié empoisonnée n'offrait plus au grand soleil qu'un feuillage racorni. Son écorce avait noirci. Les oiseaux l'avaient fui. Il était mort.
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Où sont donc nés les contes, et pourquoi, et comment ? Une femme l'a su aux premiers temps du monde. Qui l'a dit à la femme ? L'enfant qu'elle portait dans son ventre. Qui l'a dit à l'enfant ? Le silence de Dieu. Qui l'a dit au silence ?
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Il était une fois un berger nommé Pierre. Il n'avait peur de rien, mais ne le savait pas. Rien n'était survenu d'effrayant dans sa vie. Or, un jour qu'il gardait le troupeau de son maître, dans un pré à la lisière d'une forêt, comme il mangeait son pain de midi à l'ombre d'un ormeau il entendit soudain, venant du fond du bois, un sifflement si déchirant qu'il se dressa d'un bond et se dit " Qui s'égosille ainsi est au bord de la mort !" Il s'approcha du premier rideau d'arbres, écouta un instant, n'entendit plus que le vent. Il franchit la lisière.
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Il était une fois une fille de roi. Son nom était Psyché. Dans ses yeux brillaient toutes les bontés du monde, et pourtant on s'y perdait comme dans une nuit infinie. Elle avait un grain de beauté au milieu du front. Elle était timide et sereine. Elle avait dix-huit ans quand le malheur tomba sur elle.
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La demeure d'Akhmed était simple mais son cœur était un palais. Il riait souvent, preuve qu'il était généreux. Aux trois portes de sa maison tous les matins venaient six pauvres. Dans chaque main tendue, il déposait un sou d'or. C'était là sa façon de faire sa prière avant d'aller à son travail. Un jour parmi ses miséreux vint un vieillard qu'il n'avait jamais vu. Le bonhomme contempla la pièce offerte, fit la grimace et dit en guise de merci :
- La générosité d'Akhmed est peu de chose. Je connais une fille dont l'âme embellit tout. Auprès de sa bonté, celle d'Akhmed est comme la lune à côté du soleil.
Akhmed lui demanda :
- Où vit-elle ?
L'homme lui désigna le levant, puis s'en fut en grognant, sa barbe maigre au vent.
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"Par les moustaches de la femme du diable, répondit l homme, bouche bée, c est la première fois de ma drôle de vie que j'entends un nourrisson raisonner de la sorte ! ".
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L'ermite dégrisé se prit le front et dit , épouvanté:
-Seigneur Dieu qu'ai-je fait?
Le diable répondit:
-Des trois fautes tu as choisi la moindre .Tu as péché trois fois. Boire trop n'était rien. Mais violer une femme et tuer son mari,voilà qui te promet de longs jours en ma compagnie.
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