Savez-vous bien que l'on tue un peu partout dans le pays, que l'on s'étripe et se torture, que l'on embroche des enfants, que l'on pille et brûle des villes en croyant que l'on fait la volonté du Ciel ? N'est-ce pas, dites-moi, la plus diabolique des absurdités ? Allons, pas de quartier ! Il faudrait raser les lieux saints, tous les les lieux saints de ce bas monde, que les gommes n'aient plus la moindre citadelle; ni la moindre Jérusalem, ni le moindre temple où tenir Dieu emprisonné. Qu'Il aille nu sur les chemins !
Servons la vie, Dieu l'a créée, et oublions les religions, elles sont des inventions du diable.
L'angoisse est une vieille louve, teigneuse, galeuse, affamée.
Montre ta peur, elle te dévore.
Crache lui dessus, elle s'enfuit.
" Me voilà au bout de mes peines ". Ce fut ce qu'elle se dit, car c'est en vérité toujours ce que l'on croit quand un beau temps inespéré éclaire un moment nos errances.
Il sentait bon la terre et la fleur de forêt. Elle l'enlaça. C'était un arbre. Il la tint serrée contre lui. Dans sa chemise grande ouverte, elle enfouit son nez, sa figure. Il était un rempart qui l'abritait de tout, un mont odorant à gravir, une forêt, le père bien-aimé des ours.
On ne peut imaginer son propre destin. Il demeure invisible même à la lumière des songes.
Simon lui répondit que ce chêne était son ami d'enfance, et qu'il avait confiance en lui car il ne s'endormait jamais.
- Nuit et jour, il veille sur moi et sur ceux que j'aime.
Maître Hanusak disait qu'on ne savait plus rien de nous-mêmes ni de la terre quand on voyait la mer, que tout était nouveau, que plus rien n'était sûr, qu'il fallait confier sa vie à des choses qui faisaient peur. Il trouvait cela magnifique, et moi aussi à l'écouter.
Savez-vous bien que l'on se tue un peu partout dans le pays, que l'on s'étripe et se torture, que l'on embroche les enfants, que l'on pille et brûle des villes en croyant que l'on fait la volonté du Ciel ? N'est-ce pas, dites-moi, la plus diabolique des absurdités ?
- Un jour de sa douzième année, douze cousins parmi les plus vieux du pays viendront chez nous de grand matin, et comme ils l'ont fait avec moi ils amèneront Jan au fond de la forêt, dans un lieu sans chemins, insoupçonné des hommes, si tranquille, si loin du ciel que les oiseaux n'y chantent pas, et que le soleil n'y descend que le long des fils d'araignée. Jan devra vivre avec ses douze maîtres. Ils lui imposeront un travail quotidien de jour en jour plus rude, étrange, douloureux. Les tourments qu'il devra subir, sa peur aussi du lendemain iront alors de pire en pire. Son courage, son endurance et son désir de mériter le nom de cousin charbonnier seront durement éprouvés. Chaque matin il sera libre de demeurer et d'obéir, ou de renoncer et partir. S'il refuse d'aller plus loin, on l'accompagnera chez lui sans reproche ni moquerie. Alors il restera ignorant, sans pouvoirs, comme sont, d'ordinaire, les pauvres par chez nous. Mais s'il décide d'accomplir la nouvelle tâche imposée, il saura qu'il aura plus de mal que la veille et qu'au douzième jour ce qu'il devra souffrir sera plus redoutable encore que tout ce qu'il aura connu. Il devra affronter le diable.