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Citations sur Dette : 5000 ans d'histoire (111)

Un jour où Nasreddin avait été chargé de tenir la maison de thé locale, le roi et quelques courtisans qui chassaient non loin de là y firent halte pour prendre leur petit déjeuner.
- Avez-vous des œufs de caille, demanda le roi.
- Je pourrai sûrement en trouver, répondit Nasreddin.
Le roi commanda une omelette d'une douzaine d'oeufs de caille, et Nasreddin s'empressa d'aller les chercher. Quand le roi et son escorte eurent mangé, il leur demanda cent pièces d'or.
Le roi fut ébahi :
- Les œufs de caille sont-ils vraiment si rares dans la région ?
- Ce ne sont pas vraiment les œufs de caille qui sont rares par ici, répondit Nasreddin. Ce sont les visites des rois.
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C’est parce que nous nous sentons endettés envers nos ancêtres que nous obéissons aux lois ancestrales : voilà pourquoi nous pensons que la communauté est en droit de réagir « comme un créancier en colère » et de nous punir de nos transgressions si nous violons ces lois. Plus généralement, nous développons ce sentiment insidieux : nous ne pourrons jamais rembourser réellement les ancêtres. Aucun sacrifice (même pas celui de notre premier-né) ne nous rachètera jamais vraiment. Nous sommes terrifiés face aux ancêtres, et plus une communauté devient forte et puissante, plus ils montent eux-mêmes en puissance, jusqu’au stade ultime : « L’ancêtre fatalement devait enfin prendre la figure d’un ‘dieu’. » Quand les communautés se muent en royaumes et les royaumes en empires universels, les dieux eux-mêmes semblent s’universaliser, se doter de prétentions grandioses, cosmiques : ils règnent sur les cieux, foudroient – le point culminant étant le Dieu chrétien, divinité maximale qui a nécessairement « fait éclore sur la terre le maximum du sentiment d’obligation ». Même notre ancêtre Adam ne fait plus alors figure de créancier, mais d’auteur d’une transgression, donc de débiteur, qui nous transmet son fardeau, le péché originel :
« Jusqu’à ce qu’enfin l’idée de l’impossibilité de se libérer de la dette engendre celle de l’impossibilité d’expier (l’idée de la punition éternelle) […] et aussi jusqu’à ce que nous nous trouvions enfin devant l’effroyable et paradoxal expédient qui fit trouver à l’humanité angoissée un soulagement temporaire, ce soulagement qui fut le coup de génie du ‘christianisme’ : Dieu lui-même, Dieu parvenant seul à libérer l’homme de ce qui pour l’homme même est devenu irrémissible, le créancier s’offrant pour son débiteur, par ‘amour’ (qui le croirait ?), par amour pour son débiteur ! » *



* La Généalogie de la morale, 2.21 ; Nietzsche
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Au pays de Sumer, on appelait ces décrets [d'effacement de toutes les dettes] des "déclarations de liberté", et il est révélateur que le terme sumérien 'amargi', le premier mot signifiant "liberté" dans toutes les langues humaines connues, ait pour sens littéral "retour chez sa mère" - puisque c'est cela que l'on permettait enfin aux péons en les affranchissant.
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Une chose peut être liée exactement à d’autres choses si elle n’a aucune forme spéciale ou caractéristique particulière à elle – par exemple, un miroir qui n’a pas de couleur peut refléter toutes les couleurs. Il en va de même pour la monnaie : elle n’a aucune finalité à elle, mais elle sert de moyen à une finalité, l’échange des biens.
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Cela conduit à la grande réalité embarrassante qui hante toutes les tentatives pour présenter le marché comme la forme la plus haute de la liberté humaine : historiquement, les marchés commerciaux impersonnels sont nés du vol. L’inlassable récitation du mythe du troc, utilisée comme une incantation, est avant tout pour les économistes une façon de conjurer le risque de devoir regarder en face cette réalité. Mais un instant de réflexion suffit pour voir que c’est une évidence. Qui pouvait bien être, au juste, le premier homme qui a regardé une maison pleine d’objets divers et les a évalués immédiatement dans les seuls termes de ce qu’il pourrait obtenir en les échangeant sur le marché ? Ce ne pouvait être qu’un voleur
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Nous pouvons à présent comprendre avec précision comment des libéraux comme Adam Smith ont pu imaginer le monde comme ils l’ont fait. C’est une tradition qui postule que la liberté est, par essence, le droit de faire ce qu’on veut avec sa propriété. Et elle ne fait pas seulement de la propriété un droit ; elle traite les droits eux-mêmes comme une forme de propriété. C’est peut-être le plus grand paradoxe de tous. Nous sommes tellement habitués à penser que nous « avons » des droits – que les droits sont quelque chose que l’on peut posséder – que nous nous demandons rarement ce que cela veut vraiment dire.
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Lorsqu’on revient à l’examen de l’histoire économique traditionnelle, ce qui saute aux yeux, c’est l’ampleur de ce qui en a été exclu. Réduire toute vie humaine à l’échange, c’est évacuer toutes les autres formes d’expérience économique (la hiérarchie, le communisme), mais aussi effacer la grande majorité des humains qui ne sont pas des adultes de sexe masculin, et dont l’existence quotidienne est donc assez difficile à réduire à l’échange d’objets en vue de l’avantage mutuel : ils s’évaporent à l’arrière-plan.
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L’art d’être une personne de ce genre [aristocrate] consiste en grande partie à se traiter soi-même d’une façon qui indique celle que l’on attend des autres à son égard – les rois se couvrent d’or pour suggérer aux autres de les en couvrir également
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- J'ai donc dit onze pesos, mais comme tu ne peux pas me payer comptant, je marque onze pesos de plus. Total : vingt-deux. Onze pour la couverture et le petate, onze parce que tu n'as pas de quoi payer. N'est-ce pas, Criserio?

Criserio n'entendait rien aux chiffres [...] c'est pourquoi il se contentait de répéter :

- C'est bien ainsi, patron.

[...]

Don Arnulfo était un honnête homme, honorablement connu, il traitait ses péons mieux que ne le faisaient la plupart des propriétaires de ses amis qui, eux, étaient infiniment moins bienveillants avec leurs ouvriers.

- Cette chemise coûte cinq pesos. Entendu? Bien. Et puisque tu ne peux me la payer maintenant, cela fera cinq pesos de plus. Mais comme tu es mon débiteur, nous disons cinq pesos supplémentaires. Et étant donné que tu ne pourras jamais me payer une telle somme, je te marque encore cinq pesos. Autrement dit, cinq plus cinq, plus... Voyons, cela fait vingt pesos, et tu es bien d'accord?

- D'accord, patron.

Un péon ne pouvait s'acheter une chemise quand il en avait envie. Seul son patron acceptait de la lui vendre à crédit. Il travaillait chez lui et ne pouvait le quitter tant qu'il lui devait un seul centavo

B. Traven, La Charrette.
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[...] à peu près partout, la majorité des gens sont simultanément convaincus que rembourser l'argent qu'on à emprunté est une simple question d'éthique et que quiconque fait profession de prêter de l'argent est un scélérat.
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