Les grenouilles de bénitier c'est comme les gens riches. Ils sont bourrés de principes et il faut respecter une certaine étiquette avec eux. La moindre erreur et vous sentez l'atmosphère se raidir.
En gros, un enquêteur privé n'a pas plus de droits qu'un citoyen ordinaire et se repose sur sa débrouillardise, sa patience et sa pugnacité pour obtenir des renseignements dont les services de police disposent naturellement. C'est frustrant, mais on peut s'arranger. Je suis en relation avec des gens qui participent au système à un point ou à un autre de la chaîne. J'ai des contacts au télécoms, dans les organismes de crédit et les compagnies de gaz et d'électricité, et au bureau des cartes grises. A l'occasion, je peux m'adresser à des organismes fédéraux, mais seulement si j'ai quelque chose à leur donner en échange. Quant aux informations plus personnelles, je peux en général compter sur les gens pour dire du mal les uns des autres à la première occasion.
La règle numéro un, la première et la plus importante, sur tout et par-dessus tout, était d’être indépendante financièrement. Une femme ne devait jamais, au grand jamais, dépendre financièrement de quelqu’un, particulièrement d’un homme, parce que, dès que vous dépendiez de quelqu’un, l’abus n’était pas loin. Les gens financièrement dépendants (les jeunes, les vieux, les indigents) étaient inévitablement maltraités et n’avaient aucun recours. Une femme devait toujours avoir un recours. Ma tante croyait que chaque femme devait acquérir des capacités monnayables et que, plus cher elle les vendait, mieux cela valait. Toute occupation féminine qui n’avait pas pour but ultime l’augmentation de son degré d’indépendance était dépourvue d’intérêt. « Comment attraper un homme » ne figurait même pas sur la liste.
Je souffre aussi du genre d'opiniâtreté qui fait du métier de détective privé un bon job pour un diplômé de l'académie de police souffrant d'une totale incapacité à travailler pour un patron.
Je me dis parfois que les meilleures liaisons sont celles qu'on ne consomme pas. Pas de scènes, pas de déceptions, et les deux partenaires gardent leurs névroses pour eux. Quelle que soit leur apparence extérieure, la plupart des êtres humains sont équipés de la même machinerie émotionnelle compliquée. Dans l'intimité, on commence à voir les dégâts causés par des passions qui se sont heurtées de front comme des trains sur une même voie.
J’aimais ce petit automatique, qui ne me quittait pas depuis des années… un cadeau de ma tante qui m’a élevée après la mort de mes parents. Ce pistolet était mon héritage, symbolisait notre relation bizarre. Elle m’avait appris à tirer quand j’avais huit ans. Elle ne s’était jamais mariée, n’avait jamais eu d’enfants. Elle avait mis en pratique avec moi ses nombreuses idées étranges sur la formation du caractère féminin. Tirer à l’arme de poing, pensait-elle, m’apprendrait à la fois la prudence et la précision. Cela m’aiderait aussi à développer une bonne coordination de la main et de l’œil, ce qu’elle trouvait utile. Elle m’avait enseigné le tricot et le crochet pour que j’apprenne la patience et que j’acquière le sens du détail. Elle refusa de m’apprendre à cuisiner parce qu’elle trouvait que c’était ennuyeux et ne servirait qu’à me faire grossir. C’était okay de jurer à la maison, mais il fallait faire attention à son langage devant les gens que cela aurait pu offenser. L’exercice était important. La mode de l’était pas. La lecture était essentielle. Deux maladies sur trois, disait-elle, guérissaient d’elles-mêmes, si bien qu’on pouvait en gros ignorer les médecins sauf en cas d’accident. D’un autre côté, il était inexcusable d’avoir de mauvaises dents, quoiqu’elle ait considéré les dentistes comme des gens qui avaient des idées ridicules sur la bouche des êtres humains, comme d’enlever leurs vieux plombages pour les remplacer par de l’or. Elle avait des douzaines de préceptes similaires et j’en ai gardé la plupart.