La nature humaine étant ce qu'elle est, sommes-nous vraiment capables de changer ? Telle est la question. En règle générale, les erreurs d'autrui nous crèvent les yeux. Nous cernons plus difficilement les nôtres. Dans la plupart des cas, notre parcours révèle une vérité fondamentale sur ce que nous sommes à un moment précis de notre vie et depuis la naissance. Optimistes ou pessimistes, heureux de vivre ou dépressifs, crédules ou sceptiques, enclins à rechercher l'aventure ou à fuir le risque. La psychothérapie pourrait, certes, renforcer notre actif et gommer notre passif, mais dans l'ensemble nous agissons de telle ou telle façon parce que nous l'avons toujours fait, même quand l'affaire est mal engagée.... peut-être même surtout quand elle l'est.
Il sera question d'amour ici - d'amour heureux, d'amour malheureux, et de choses et d'autres entre les deux.
Ce jour-là, je quittai le centre-ville de Santa Teresa à 13 h15 et pris la direction de Montebello, à seize petits kilomètres de là au sud. La météo promettait des pointes à vingt et un degrés. Les nuages de la matinée avaient fait place au soleil, rompant agréablement avec le ciel bouché qui nous gâche régulièrement les mois de juin et de juillet. J'avais déjeuné à mon bureau, festoyant d'un sandwich de pain de mie au fromage, olives et piment coupé en quatre, mixture qui arrive en troisième position dans ce que je préfère au monde. Le problème ? Je n'en voyais aucun. La vie était sublime.
En consignant les faits par écrit, je vois maintenant ce qui aurait dû me sauter aux yeux, mais les événements semblaient se dérouler à un rythme si routinier qu'ils me surprirent, façon de parler s'entend, assoupie au volant.
Je suis détective, de sexe féminin, âgée de trente-sept ans, et exerce ma profession dans la petite ville de Santa Teresa, en Californie. Mes activités sont diverses, pas toujours lucratives, mais suffisent à m'assurer le logis et le couvert, et me permettent de payer mes factures avant un premier rappel.
Il devait être un de ces hommes qui fonctionnent avec leur thermostat de chaleur corporelle poussée au maximum, car une pellicule de transpiration lui couvrait déjà le visage. D'un geste inconscient, on l'aurait dit, il prit le pan de sa cravate pour éponger les gouttes de sueur sur sa joue.
Je saisis mon verre et bus une gorgée de piquette. Sans mentir, elle avait un gout de dissolvant, le produit avec lequel on enlève le goudron de ses pieds après une journée de plage.
C'est l'inconvénient des relations avec les hommes: on devient narcissique, obsédée par des problèmes de "beauté" dont on se moquerait éperdument en temps normal.