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Citations sur Le coeur glacé (215)

J'aimais beaucoup plus les femmes que Rafa, mais je m'y intéressais beaucoup moins que Julio. Je ne recherchais pas leur compagnie, je ne leur courais pas après, je ne leur offrais pas de verre dans les bars et je ne les poursuivais pas d'un feu rouge à l'autre. J'avais toujours vu en elles une sorte de don, un bien extraordinaire qui flottait bien au-dessus de ma tête et se déversait de temps en temps sur moi sans que j’aie rien fait pour le mériter.

Je n'ai jamais cru mériter la bienveillance de certaines d'entre elles, même si cela ne tient qu'au fait que j'ai toujours considéré que, hormis le fait qu'elles étaient belles, amusantes, douces et excitantes, les femmes demeuraient très étranges. Je n ai jamais perdu de temps à essayer de démonter le mécanisme mystérieux de leurs raisonnements, et je n ai jamais douté que ce soient elles qui choisissent. Je me suis donc borné à les voir venir, sans me plaindre que certaines soient hors de ma portée ni considérer que leur disposition soit une valeur en soi, en acceptant leur existence comme un cadeau, avec gratitude et sans poser de questions. Et puis, j'aimais ma femme.
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C'est bizarre, non, un homme qui a vécu quatre-vingt-trois ans, qui ne s'est marié qu'à trente-quatre, qui a connu tellement de choses, une guerre civile, une guerre mondiale, ce genre de choses. Et on trouve ça normal, bien sûr, parce que c'était lui, et qu'on le connaissait, et qu'on connaissait son histoire depuis toujours. Mais en réalité, il y a de nombreux éléments de sa vie qu'on ne connaît pas, moi du moins, et que tu ne m'as pas racontés. Il a peut-être eu plein de fiancées avant, non ? En Russie, par exemple, imagine... Je ne sais pas, maintenant j'ai la sensation qu'on aurait dû lui poser beaucoup plus de questions, qu'on a perdu l'occasion de mieux se souvenir de lui, c'est difficile à expliquer. C'est peut-être juste parce qu'il me manque.
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Début mars, le soleil sait tromper, feindre qu'il est mûr, plus chaud lors des dernières matinées d'hiver, quand le ciel ressemble à une photo de lui-même, un bleu aussi intense que si un petit l'avait retouché au crayon, le ciel idéal,  pur, profond, transparent, sur fond de montagnes aux sommets encore parés de neige, quelques nuages pâles qui s'effilochent très lentement, pour affirmer par leur indolence la perfection d'un mirage de printemps
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J'ai toujours pensé que manger était une chose qu il serait plus logique de faire en privé, parce que déjeuner avec quelqu’un, aussi discret soit-on, aussi bien élevé, lui montre forcément l'intérieur de ton corps, des organes visqueux, des cavités, des muqueuses, c'est-à-dire, la langue, les dents, le palais... » À ce moment, j'eus la certitude que nous jouions une scène que je n'avais pas écrite, et je me sentis plus flatté par la passion qu'elle mettait dans son rôle qu’inquiet de la nature du mien.

« Tu n'y avais jamais pensé ? En fait, c'est terrible. La personne qui mange avec toi te voit mâcher, avaler, déglutir la nourriture, t'étouffer peut-être, par malchance, t'essuyer les lèvres, bref... J'ai toujours trouvé très étrange de manger avec quelqu'un que je ne pouvais pas tutoyer, de me permettre l'intimité de manger devant lui, ou elle, si je ne peux même pas lui dire tu. J'y suis souvent obligée, bien sûr, pour des raisons professionnelles, mais je n aime pas ça. »
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Parce que nous sommes espagnols et que les Espagnols ne peuvent jamais être entièrement heureux, une variété domestiquée et ivre de désespoir se penchait sur les commissures des lèvres, l’humidité des yeux, les arêtes du visage de ces hommes secs, consumés, épuisés par l’exercice constant de leur dureté, qui levaient un verre pour recommencer, l’un après l’autre, "morte la bête, mort le venin".
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Les humains sont des êtres de désir et le désespoir leur arrache leur propre essence, les dessèche, les étripe, les ruines, les expulse d'eux-mêmes par le chemin modéré et trompeur qui conduit au destin des choses, à la fatigue des végétaux poussiéreux, des minéraux enterrés et inertes.
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"Tout le monde avait peur, les riches et les pauvres, les gens instruits et ceux qui ne l’étaient pas, tout le monde, très peur. Casilda avait peur, et ton grand-père et ses parents aussi. Ils avaient peur pour elle, pour le petit, toi...Tu ne sais pas de quoi tu parles, Raquel, tu ne peux même pas l'imaginer."... Pour tous, le temps avait passé, mais la peur demeurait, aussi puissante, aussi provocante, aussi infranchissable qu'une montagne aux sommets enneigés que les villageois s'habituent à regarder de la plaine, pendant des années, sans oser imaginer que quelqu'un puisse l'escalader, arriver au sommet, et contempler ce qu'il y a de l'autre côté.
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Début mars, le soleil sait tromper, feindre qu'il est plus mûr, plus chaud lors des dernières matinées d'hiver, quand le ciel ressemble à une photo de lui-même, un bleu aussi intense que si un petit enfant l'avait retouché avec un crayon, le ciel idéal, pur, profond, transparent, sur fond de montagnes aux sommets encore parés de neige, quelques nuages pâles qui s'effilochent très lentement, pour affirmer par leur indolence la perfection d'un mirage de printemps.
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Mon père était séduisant, riche, puissant et inculte, comme sont incultes les hommes riches et puissants, non qu'ils ne sachent pas beaucoup de choses, car il les savait, mais parce qu'ils se comportent comme si tout ce qu'ils ignorent n'existait pas, comme si ça ne servait à rien, comme si cela n'avait absolument aucune importance.
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Le temps a fait son œuvre, me direz-vous et vous avez raison, mais nous portons tous encore la poussière de la dictature sur les chaussures, vous aussi, même si vous ne le savez pas.
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