Fillion et frères

Une grande surface grise, éclairée par la lune. On aurait dit que la mer était en acier, comme notre bateau. Une grande plaque d’acier, à l’infini. Nous étions là, trois ou quatre matelots, et nous regardions ce spectacle tellement étrange que nous étions muets. Tout ce que nous pouvions faire, d’habitude, c’était d’avoir peur. Mais cette nuit-là, nous avions oublié d’avoir peur tellement c’était beau.

Je ne sais plus ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas dans cette histoire, mais je sais que je parle toujours de lui, quelle qu'en soit la manière.

L’officier qui remplit les paperasses, au bureau de recrutement, décrète que Louis comprend bien l’anglais et qu’en conséquence il ira dans la marine. Si on lui avait demandé s’il savait nager, Louis aurait compris, mais l’anglais? Ceux qui parlent cette langue flottent-ils mieux que les autres?

On ouvre un livre et on se sent tout excité, même si on ne sait jamais très bien où on va. Mais on sait qu’on va quelque part, voilà tout ce qui importe, et on y va avec un ami.

Depuis quand est-ce qu’on travaille pour s’épanouir? On travaille pour survivre, pour nourrir sa famille, parce que c’est notre devoir, parce qu’on n’a pas le choix, mais pas pour s’épanouir, où est-elle allée chercher ça?

Elle est le genre de femme qui dit tout ce qui lui passe par la tête, comme si on avait oublié de lui installer un filtre entre les pensées et les paroles, mais qui parle tellement vite qu’on ne sait jamais si elle a vraiment dit ce qu’on a cru entendre.

C’est peut-être un Irlandais, dit Philippe, mais c’est un sapré bon homme, et il est fier de combattre avec lui, d’autant plus qu’il a découvert une autre différence importante entre les Irlandais et les Anglais : les Irlandais, eux, savent chanter, et mauditement bien à part ça.

Nous avons ensuite changé de sujet, mais j’ai toujours ressenti un certain malaise en repensant à cet épisode du feu de camp. Ce genre de malaise qu’on éprouve lorsque, pour se conformer au groupe, pour avoir l’air intelligent ou pour se simplifier la vie, on se contente de faire semblant d’avoir compris.

Annette a toujours aimé ses enfants, mais trop tard. Et lorsqu’elle disait du bien d’eux, c’était toujours à quelqu’un d’autre.

… une nuit d’été, un feu de camp, des bières fraîches et des cigarettes, ça vous ramollit le plus intolérant des adolescents et ça le rend disponible à autre chose qu’à lui-même.