Je commencerai par une affirmation théologique. En tant que croyant, je crois que l'évolution des espèces est la plus grande histoire sacrée de tous les temps. C'est un récit - peut-être LE récit - dans lequel le divin attend qu'on le découvre. Il dépasse et amoindrit tous les autres récits, souvenirs, et images qui occupent une si grande place dans l'esprit des traditions religieuses, y compris la nôtre. Nous juifs, chrétiens, musulmans, consacrons tous nos efforts à affirmer - ou à questionner - la vérité de nos récits particuliers. Moïse reçut-il réellement la Torah de Dieu sur le Mont Sinaï ? Jésus est-il vraiment ressuscité du tombeau ? Muhammad fut-il vraiment le messager choisi de Dieu ? Nous élaborons sans cesse des débats sur ces sujets, chaque groupe étant certain que son propre récit est au centre de l'histoire universelle. Dans le monde moderne, où toutes ces histoires sont mises en doute, nous construisons des interprétations subtiles et non littéralistes pour proclamer malgré tout notre foi en elles. Mais il existe une plus grande histoire, infiniment plus grande, que nous pouvons tous partager... Depuis plus d'un siècle et demi, les Occidentaux cultivés ont compris que c'est l'histoire de l'évolution. Mais nous, religieux, grands narrateurs de nos traditions respectives, nous nous sommes méfiés, avons accueilli cette histoire avec froideur, et hésité à l'adopter comme nôtre. Le temps est venu de l'inclure et de découvrir ses dimensions sacrées.
Traduit de la p. 16
Le lecteur familier du langage mystique juif comprendra que je relis la théorie contemporaine de l'évolution à la lumière de la pensée cabalistique. La Cabale conçoit toute l'existence comme un flux éternel hors de la 'hokhmah, la Sagesse, ou l'Esprit, primordiaux. 'Hokhmah est le point primal de l'existence, symbolisé par la lettre hébraïque yod (י), qui n'est rien de plus qu'un point. Ce point, infinitésimalement petit, est "ce peu qui en contient beaucoup" du proverbe. En lui réside tout le déploiement de l'existence, chaque étape du processus évolutionnaire, chaque plante et chaque animal devant vivre, se reproduire (ou pas), et mourir, toute l'humanité et tout ce qui existe au-delà de nous dans l'avenir lointain. Dans notre langage contemporain, ce point est l'instant du Big Bang, le moment qui contient l'énergie de l'existence dans sa totale intensité. De là, l'énergie s'écoule pour exister, se revêtant ou s'actualisant à chaque étape dans des formes d'existence infinies.
traduit de la p. 25
Comme les philosophes, les Cabalistes pensaient qu'ils pouvaient lever les voiles de l'illusion qui emprisonnent l'esprit non initié et découvrir cette vérité sublime dans l'Ecriture. "Des profondeurs je crie vers Toi, ô Dieu" (Psaume 130,1), pour le Cabaliste, ne veut plus dire qu'il espère de Dieu qu'il le secoure des profondeurs du désespoir humain ; plutôt, cela signifie que lui, le mystique, appelle Dieu de Ses propres profondeurs internes, ces "lieux" où la divinité est cachée, et cherche à Le rapprocher de lui.
Traduit d ela p. 62