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Critique de Phoenicia


Il s'agit du titre de Philippa Gregory dont j'ai entendu le plus parler. Pour autant, ce n'est pas le premier que j'ai lu d'elle et c'est heureux.

Dans ce roman dense, j'ai été ébahie de la construction que nous offre Philippa Gregory. Pour ce moment qu'est un tel tournant dans le règne d'Henry VIII, j'attendais beaucoup. Je n'en suis pas déçue.
Premièrement, la personnalité des personnages est très bien esquissée. Je suis d'autant plus contente d'avoir lu Princesse d'Aragon en premier. On y voyait la personnalité d'Henri, déjà égoïste et vaniteux. On y voyait aussi celle de Catherine, fière, pieuse et déterminée. Ce sont des traits que l'on retrouve dans ce tome-ci. J'avais peur, j'avoue, de trouver une différence de personnalité, telle que j'avais pu le percevoir pour Elizabeth d'York. Ce ne fut pas le cas.
Pour la personnalité de George, là encore je l'ai trouvée assez conforme à l'idée que je me faisais de lui : courtisan, très lié à ses soeurs et à sa famille, ambitieux mais faillible. Philippa Gregory nous tisse un personnage qui va à sa perte. Je connaissais son destin et j'ai vu la tapisserie se tisser chapitre après chapitre, Philippa Gregory posant un jalon ici et là. le fait de procéder ainsi rend le sort inéluctable, l'intrigue compréhensible, le rythme bien dosé.

Pour ce qui est de Marie, c'était tout autre chose. D'elle, je ne connaissais rien. L'autre Boleyn. Un nom des mieux choisis. Narratrice de l'histoire, j'ai trouvé intelligent de lui donner ce rôle-là. Au centre de la passion du roi puis délaissée au profit de sa soeur, enfermée dans le carcan de la cour et des ambitions de sa famille, quel destin a-t-elle pu avoir? Au début, j'avoue ne pas avoir apprécié sa personnalité. Je la trouvais fade, ennuyeuse et peu intelligente. Sauf que c'était là le souhait de l'autrice. Nous n'avons pas ici une personnalité déterminée, fougueuse mais bien soumise à son époque, constatant l'inéluctable et pourtant aspirant à plus de droits, d'équilibre, de libertés. A travers elle, Philippa Gregory aborde la condition féminine. Après tout, qu'est-ce qu'une fille à cette époque si ce n'est un atout dans sa manche pour obtenir plus d'avantages pour sa famille? Une dote, des terres, des titres, des faveurs royales. S'il faut mettre une, deux voire trois nièces dans le lit du roi afin d'obtenir influence, qu'il en soit ainsi et peu importe la perte de leur vertu, encore moins leurs aspirations personnelles.
C'est un personnage qui évolue. Il faut dire qu'elle a été mariée jeune. C'est une adolescente qui finit dans le lit d'un roi! Toujours poussée par sa famille, tel un pion, on finit par se prendre de compassion pour elle et aspirer à ce qu'elle obtienne ces quelques rêves qui nous semblent si en décalage avec sa famille : vivre d'amour, dans un coin rural, avec sa famille. Si contraire à son éducation, à la conduite de sa propre famille, prête à la renier sur une décision contraire à leurs intérêts. C'est en définitive des aspirations pleine de sagesse. L'image qu'elle a d'elle-même dans ce récit, confortée par ses proches, est dure, confortant notre compassion. Enfin, j'ai été sensible à sa position vis-à-vis de Catherine. Peu dupe sur sa soeur et Henri, trouvant la princesse d'Espagne estimable, mais coincée par le rôle que lui donne sa famille, elle se retrouvait souvent confrontée à un choix, savait qu'elle faisait sciemment le mauvais d'un point de vue éthique et s'en ouvrait avec franchise vis-à-vis de la reine. C'est là son sort : être au milieu de tous, constater avec clairvoyance et faire ce qu'elle ne veut faire mais le faire tout de même.
Philippa Gregory lui a donné vie à elle, qui fut oubliée de l'Histoire, nous offrant une héroïne bien moins terne au final que ce qu'elle nous donnait d'elle au début.

Maintenant, passons à Anne Boleyn. C'était le personnage vis-à-vis duquel j'avais le plus d'attentes, je ne vais pas le nier. Objectif rempli, Philippa Gregory. Là encore, par touches successives, l'autrice nous brosse un portrait vraisemblable. Avant même qu'elle ne soit favorite d'Henri, c'était une jeune fille fougueuse, séductrice, intelligente et égoïste. Toujours en rivalité avec sa soeur, la blessant continuellement, arrogante dans son entourage, persuadée de sa supériorité, intriguant du haut de ses seize ans : c'est une personnalité complexe mais crédible pour celle qui fit comprendre à Henri quel tyran il pouvait être. Philippa Gregory montre son ambition, la séduction, la passion mais aussi la crainte, la déchéance. On la déteste mais on est fasciné. On la trouve cruelle et pourtant on compatis à son sort. On la trouve capricieuse mais on admire son intelligence et même son culot, quand elle repousse les limites encore et encore. Ce personnage a marqué L Histoire et Philippa Gregory le montre véritablement dans ce récit.

Entre l'ascension et le déclin des Boleyn, une part belle est donnée à la séduction, à la passion. Beaucoup moins à la romance pure. D'un autre côté, dans un monde de courtisan, on sait que le calcul est nécessaire et Philippa Gregory l'a bien orchestré. Badinage, séduction et amours interdits tout cela y est. Je suis impressionnée par la manière dont l'autrice nous raconte la cour d'Henri VIII pour Anne Boleyn. Une passion magnifiquement narrée. Il s'est dit ensorcelé. On le sent tout de suite. On sent la tension, le feu qui les dévore, le juste équilibre qu'Anne Boleyn doit garder en main pour ne pas trébucher. On sent cette folie destructrice. L'ascendant qu'elle a sur lui. La chute est d'autant plus brutale qu'elle a donné le ton et que d'autres l'imiteront pour la faire chuter... Un retour de bâton amer s'il en est.
Dans cette atmosphère de séduction Une chose reste cependant assez peu développé mais peut-être était-ce trop lourd pour un tel récit, et au final peu à portée du jugement de Marie : les questions théologiques, la montée de l'Eglise anglicane.
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