incipit :
Le vent souffle et m'oppresse, l'air est pesant, quasi palpable. Pour faire ce soir les huit cents mètres jusqu'au lac, j'ai dû lutter contre ce poids posé sur moi come un manteau de neige.
Voilà une heure que je suis assise sur ce muret moussu, mais je ne distingue pas la maison des Devereau, pas même la moindre lueur. Le printemps a épaissi les bois ; noirs comme l'encre répandue sur la page que je suis en train de lire, ils m'empêchent de voir l'autre rive du lac. Cette fois, j'ai apporté un livre ; j'ai l'intention d'attendre, même si je ne crois pas qu'il reviendra.
Le train ne mit que 18 minutes pour aller à Cold Flat, pas même le temps pour le contrôleur de poinçonner mon ticket. J'aurais pu me dispenser d'en acheter un.
A quoi ça sert d'être honnête si personne ne s'en aperçoit ?
Naturellement, pendant l'opération, quelqu'un me demanda ce que je fabriquais ; je marmonnai une réponse inintelligible.
J'avais appris depuis longtemps que les gens posent des questions ou émettent des commentaires, et se moquent de la réponse du moment qu'on fait semblant de répondre.
C'est facile de trouver des raisons pour haïr quelqu'un ; il suffit de le vouloir.
Will allait trouver Miss Bertha quand il n'y avait personne dans les parages, et remuait les lèvres en faisant semblant de parler. Ca la rendait folle, elle tripotait son appareil – le secouait, tapait dessus, et ainsi de suite – jusqu'à ce qu'il s'en empare, lui donne un simple petit coup et se mette à parler à haute voix. Miss Bertha prenait Will pour le réparateur magique.