Il jugea son geste pour ce qu'il était : une vengeance ou pire , un acte de dépit .Il avait voulu punir sa mère et Nicholas Grey .Mais le souvenirs qu'il avait de Nicholas Grey étaient désormais plus abondants ou , du moins , plus précis et plus riches , parce qu'il devait les garder pour lui seul .
incipit :
Johnny, qui n'avait pas quitté sa casquette de chauffeur de taxi - Tiens, pourquoi ne pas la mettre dans le numéro, ce serait tellement inattendu de la part d'un magicien ! -, manipulait les cartes sur la table de jeu. Il tirait sans cesse la dame de coeur, à croire qu'elle remontait d'elle-même sur le dessus du paquet.
C'était d'une simplicité enfantine, Johnny ne comprenait pas que les gens ne devinent pas le tour. La magie s'apparente à un meurtre, ou plutôt aux préparatifs d'un meurtre : tout est dans le détournement d'attention. On laisse apparaître des indices pendant qu'on attire l'attention ailleurs. Regardez les magiciens. Ils ne quittent pas leur main gauche des yeux, pour inciter le public à faire de même, et leur main droite est ainsi libre d'agir dans la coulisse.
Johnny ferma les yeux et s'accouda à la table de jeu. Hormis la mâle dans l'alcôve, derrière lui, la table était le seul meuble intéressant du cottage. Sa tante Chris en avait hérité, avec d'autres biens, de sa propre tante. C'était une grande table ronde recouverte de feutre vert et équipée de petits tiroirs dans lesquels on rangeait les cartes, les jetons ou ce qu'on voulait.
Johnny recommença à polir la carte biseautée. Il la remit dans le paquet, l'effleura du pouce puis battit le jeu et rechercha la cassure. Une carte biseautée, une astuce pour de multiples tours.
Chris ressemblait beaucoup à sa mère. Ils se ressemblaient et, en même temps, ne se ressemblaient pas. Sa mère avait disparu depuis des années. Son père était mort.
C'est la vie, se dit Johnny en glissant le roi de trèfle sur le dessus. En un dixième de seconde, la vie peut déraper brutalement.
Il suffit de tourner la tête et elle vous échappe.
Un battement de cils, elle est passée.
Un clin d'oeil, elle n'est plus là.
En un dixième de seconde, la vie peut déraper brutalement.
Il suffit de tourner la tête et elle vous échappe.
Un battement de cils, elle est passée.
Un clin d’œil, elle n’est plus là.
La magie, c’est une question de mise en scène.
Souviens-toi…
Mais c’étaient justement les souvenirs qu’il fallait éviter si on ne voulait pas sombrer dans le romantisme.
Les souvenirs sont tyranniques… Des pièges.
C’était toujours la même chose on vous saoulait de propos aussi ennuyeux que futiles et dès qu’une nouvelle croustillante pointait, à faire se pâmer les plus sourds, c’était motus et bouche cousue.
Ce qui le frappa dans les clichés, c’était que les membres de la famille semblaient nager dans le bonheur. Même le vieillard avait parfois abandonné son air maussade. Les sourires n’étaient pas destinés à l’appareil photo, c’étaient des vrais sourires.
La magie s’apparente à un meurtre, ou plutôt aux préparatifs d’un meurtre : tout est dans le détournement d’attention. On laisse apparaître des indices pendant qu’on attire l’attention ailleurs. Regardez les magiciens. Ils ne quittent pas leur main gauche des yeux, pour inciter le public à faire de même, et leur main droite est ainsi libre d’agir dans la coulisse.