AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,79

sur 101 notes
5
9 avis
4
6 avis
3
6 avis
2
4 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Après avoir lu " Une femme fuyant l'annonce" et "Un cheval entre dans un bar", il était évident que je renoue avec David Grossman tant son écriture sans détour aborde les contours de la psychologie avant de se lover dans chaque anfractuosité de celle-ci.
Avec " La vie joue avec moi", nul repli de sa part, les sinuosités de l'esprit sont abordées à travers le portrait de trois femmes, trois générations, et ce sous forme d'excursion cinématographique.
Des insensibilités craquelées naissent les abasourdissements des non-dits, des abandons persistent les rancoeurs écrasantes. Les traversées de trois vies se heurtent, naviguent en eaux troubles à l'instar de chalutiers n'ayant connus que les tempêtes.
Regarder dans son rétroviseur un passé morcelé, décider d'entamer une rétrospective afin de combler les fissures béantes, se reconstruire ou se réinventer, telle est l'epreuve d'une famille fauchée par un secret et la brutalité de l'existence.

Les flots de pensée distribués telle une salve d'artillerie peuvent rendre cette lecture fastidieuse pour certains, me concernant, ils n'ont fait que me précipiter au creux d'une vague scélérate, ballottée par la puissance des mots, bouleversée par cette justesse d'une éloquence rarissime, puis rejetée, sonnée, sur la rive telle une écume disloquée.
J'ai bu la tasse, non pas celle que l'on sert lors d'une Bat Mitzvah, mais celle qui nous coupe le souffle, délivrant un concentré de destruction tant physique que morale et d'amours indisposés.
Une douleur qui se niche dans chaque interstice de ses êtres se prostitue avec le mensonge pour mieux duper la réalité, enduie d'amertume elle protège les apparences bientôt écaillées à jamais dans un baraquement de Goli Otok.

Un roman tourmenté qui excelle tant par ses descriptions que par l'intensité des émotions retranscrites , un espace temps d'une exécution parfaite à l'instar de la mise en lumière du régime communiste yougoslave de Tito.



Commenter  J’apprécie          160

J'ai abordé l'univers de David Grossman à l'envers, si tenté qu'il y ait un envers et un endroit. le premier livre de sa main que j'ai lu ce n'est pas un roman mais une série d'interventions, discours, tribunes parus chez Point et intitulée « Dans la maison de la liberté« . Lui qui a perdu un fils lors du conflit israélo-palestinien, n'a de cesse de défendre la paix et je n'ai pas pu m'empêcher de penser au très beau livre Apeirogon (le livre le plus surprenant et marquant pour moi de 2020). J'ai trouvé chaque texte stimulant (il nous interroge beaucoup sur notre responsabilité individuelle), brillant, intelligent et j'ai alors retiré de ma pile de livres à lire, La vie joue avec moi, son dernier roman.

Au début j'avoue avoir été un peu paumée entre ces trois femmes et leur histoire respective : Véra, sa fille Nina et sa petite fille Guili. Je n'ai pas compris tout de suite pourquoi elles semblaient si liées et à la fois si déchirées, si animées par des sentiments contradictoires. Pour moi, le roman a pris un véritable tournant quand ces trois femmes partent sur les terres natales de Véra, la Croatie et sur l'île de Goli Otok.

A travers l'histoire de Véra, j'ai découvert cette île-goulag où Tito a envoyé tous ceux qu'ils soupçonnaient n'être pas de « bons camarades », ceux qu'il pensait être des partisans de Staline, lui même ayant créé sa propre idéologie communiste et faisant partie des pays non alignés. Comme dans toute dictature (il se fit élire président à vie !), il en profita pour écarter tous ceux qui auraient pu lui faire de l'ombre ou prendre trop de place.

Le talent de David Grossman (et de son traducteur Jean-Luc Allouche) est de nous offrir une intrigue dont l'intensité et l'émotion vont crescendo. A partir de la moitié du livre, je n'ai plus réussi à le lâcher, happée par les révélations de Véra, par ses choix impossibles et les répercutions qu'ils ont eu sur sa fille et sa petite fille.

Non seulement La vie joue avec moi nous offre trois portraits de femmes saisissants et complexes mais il dissèque avec justesse et sans concession les relations mère-fille. Il dit aussi le poids de l'histoire familiale et de ses silences souvent lourds de conséquences.

Quand j'ai appris que le personnage de Vera a été inspiré par Eva Panic Nahir, femme célèbre et admirée en Yougoslovie qui a vécu les horreurs de Goli Otok, cela a donné une épaisseur supplémentaire à ce très beau roman.

Dans ma bibliothèque, du même auteur, m'attend Une femme fuyant l'annonce. J'en ai jusque là, repoussé la lecture, un peu « découragée » par son épaisseur mais j'ai maintenant hâte de me plonger dedans !

Et vous, vous avez déjà lu des romans de David Grossman ?

Lien : https://www.chocoladdict.fr/..
Commenter  J’apprécie          122
C'est un livre fort qui ne peut pas laisser indifférent d'autant plus qu'il est basé sur une histoire vraie, celle de la vie d'une croate juive, Eva Panic Nahir, qui a connu le goulag de Tito sur l'île de Goli-Olok

Vera a maintenant 90 ans.
Nina, sa fille, a besoin, pour vivre, de connaître le passé de sa mère, de comprendre pourquoi elle l'a abandonnée un jour alors qu'elle n'avait que 6 ans. Elle s'est retrouvée enfant délaissée qui n'a pas pu se construire ni aimer sa propre fille, Guili, qui elle-même se refuse à être mère. Tant que les choses ne sont pas dites, elles se transmettent de génération à génération.

Bien sûr, on juge cette femme, Vera, qui a sacrifié sa fille pour ne pas trahir son mari. Mais c'est en pensant à sa fille qu'elle a pu elle-même survivre au goulag dans des conditions effroyables. Comment l'amour, s'il n'est pas exprimé, peut être vécu comme non existant. Renouer les liens ensuite malgré les déchirements, pardonner…

Ce roman amène beaucoup de réflexions entre autres sur la filiation. C'est bouleversant, bien écrit. J'aime beaucoup cet auteur.
Commenter  J’apprécie          90
Pour célébrer les 90 ans de Vera, la famille est réunie au kibboutz. Même Nina est venue du Cercle Polaire. Plusieurs générations de femmes, Véra , Nina, sa fille, Guili la petite fille. Entre mères et filles, le dialogue est difficile, voire impossible, la maternité est loin d'être une évidence!

Nina au début d'Alzheimer,  va perdre la mémoire. Raphaël, le père de Guili, cinéaste, imagine de réaliser le film de son histoire qu'elle pourra visionner quand la maladie la gagnera. Raphael et Guili, la scripte, emmènent Vera et Nina en Croatie , à Cakovec,  ville natale de Vera, et à Goli Otok, l'ile-bagne pierreuse où Vera a été internée. Pendant tout le voyage Raphaël et Guili vont filmer, enregistrer, noter le récit de Vera et les réactions de Nina. Vera retrouve sa maison natale, raconte son enfance, la rencontre avec Milosz, le père de Nina puis son mariage, la guerre, la résistance avec les partisans de Tito et enfin l'arrestation... Les autorités donnent à Vera le choix :  renier son mari et signer son acte d'accusation afin de garder sa fille, ou être internée à Goli Otok. Vera ne signe pas. Sa fille peut elle entendre ce choix?

On peut lire le livre comme un roman, se laisser porter par l'action, les pages se tournent toutes seules. Ce n'est pas une fiction, c'est une histoire vraie, celle de Eva Panic-Nahir , célèbre en Yougoslavie qui a fait l'objet d'un livre Eva de Dane Ilic et d'un film documentaire. On peut lire La Vie joue avec moi comme un témoignage. Témoignage sur l'histoire de la Yougoslavie, le bagne titiste de Goli Otok, sur les guerres des Balkans aussi. C'est aussi le making-of, d'un film : Guili joue le rôle de la scripte qui note tout, l'éclairage, le son. L'écriture est cinématographique.

Encore un livre très riche, émouvant et passionnant!
Lien : https://netsdevoyages.car.blog
Commenter  J’apprécie          90
Vera, Nina et Guilia, grand-mère, mère et petite fille entreprennent un voyage de mémoire en ex-Yougoslavie où Vera a été internée comme espionne sous Tito. Elles sont accompagnés par Raphy qui sont pour lui la belle mère, l'épouse et la fille et qui décide de faire un film de son témoignage.
Un roman basé sur l'histoire vraie de Vera qui vit en Israël et qui souhaite à 90 ans revoir son pays natal et expliquer ce que fut sa vie à Nina qui lui en veut d'avoir été abandonnée à 6 ans et à Guili qui reproche elle aussi à sa mère de l'avoir abandonnée à 3 ans.
Travail de mémoire, résilience, amour filial, ce livre est bouleversant de cruauté et d'amour.
Commenter  J’apprécie          80
Place aujourd'hui à un grand auteur israélien, David Grossman, dont le livre Une femme fuyant l'annonce m'avait subjuguée il y a de nombreuses années. Avant Noël, j'ai eu envie de découvrir le dernier livre de l'auteur, La vie joue avec moi, édité chez Seuil. Grâce à lui, mon année marquée par une longue panne de lecture, se termine en beauté avec un grand coup de coeur.

Au centre du livre se trouvent trois générations de femmes : Vera, née en 1918, qui fête son 90ème anniversaire, sa fille Nina et sa petite-fille Guili. La fête est grande, chaleureuse, chacun souhaite rendre hommage à Vera, prononcer un petit discours, rappeler une anecdote. Plus tard, Nina qui a une relation compliquée avec sa mère, exprime le souhait de faire tourner un film sur cette dernière.

Le film, la caméra, le tournage accompagnent le lecteur tout au long du livre. Les prises d'image se succèdent, ainsi que les narrateurs à des époques différentes. Grâce à ces images, le puzzle se met petit à petit en place : on apprend d'abord l'arrivée de Vera en Israël en 1963, sa rencontre (décrite de façon sublime) avec Touvia (qui deviendra son second mari) et son fils Raphy, leur vie au kibbutz. Mais sa vie d'autrefois rode toujours et se manifeste surtout lors des visites irrégulières de sa fille. Jusqu'à cette fameuse soirée où, sur l'idée de Nina, les trois femmes accompagnées de Raphy se mettent en route pour la Croatie et y remontent tout le passé de Vera.

Ici commence un voyage passionnant dans la grande Histoire du XXème siècle avec des escales en Serbie, Croatie et surtout sur l'île-goulag de Goli Otok où Vera a été condamnée à des travaux forcés par le régime de Tito. Je n'ai appris qu'à la fin que le personnage de Véra a été inspiré par Eva Panić Nahir, l'amie de David Grossman. L'écrivain serbe, Danilo Kiš lui a également consacré un documentaire. Une vie qui pourrait sans hésitation faire un grand film.

Le livre de David Grossman est profondément humain, ses personnages sont traités avec beaucoup de tendresse et de l'empathie. La caméra capte tous les détails, les changements de posture ou les expressions dans les visages… tout en dressant un portrait de l'ancienne Yougoslavie. Un pari réussi que de décrire ce choix d'Eva (en allusion à la Choix de Sophie de Styron) avec toutes les nuances...
Lien : https://etsionbouquinait.com..
Commenter  J’apprécie          60
Ce roman monte en intensité quand le voyage des quatre personnages commence et surtout quand on comprend l'objectif de Nina en proposant ce retour vers le passé de Vera, je préfère ne pas le dévoiler car les raisons de Nina ajoutent une belle dose d'émotion à cette histoire. La famille va savoir ce qui a détruit la vie de Vera, savoir ce qui s'est passé au goulag qui a eu de terribles répercussions sur ses descendants avec l'abandon de sa fille qui a ensuite elle aussi abandonné sa propre fille qui maintenant se refuse à devenir mère. Ce roman fait découvrir l'horreur des goulags de Tito mais il explore aussi les rapports mère-fille, la transmission, l'engagement, le pardon et se termine sur une jolie note d'espoir. J'ai aimé cette idée de voyage à quatre, de confession devant la caméra tenue par Raphaël ou parfois Guili, de notes prises en continu par Guili qui consigne tout ce qui apparaît et ce qui n'apparaît pas dans les scènes.

Au fil d'un récit puissant, dense, parfois ardu, grave mais parsemé de touches légères, on voit subtilement évoluer les relations entre les quatre personnages qui tâtonnent en quête du point où ils pourront se retrouver. Ce roman est d'autant plus bouleversant que David Grossman s'est inspiré de la vie d'une croate juive, Eva Panic Nahir, dont il a romancé l'histoire.


Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
Commenter  J’apprécie          52
« Mais je joue avec la vie aussi. Avec ma caméra. Spectatrice et actrice du film de la vie de ma famille. du film de ma vie ».
C'est ce que pourrait dire Guili. Élevée par la seule figure masculine vivante du roman, elle construit sous forme de roadtrip dans l'ex-Yougoslavie le récit de vie de sa grand-mère et de sa mère. Leur point commun ? Chacune a abandonné sa fille à la petite enfance.
Lourdes de secrets, lourdes d'amour aussi, les valises que chacune se trimbale sont ouvertes, disséquées, éclatées, étalées. On y vit, on y contemple le récit d'une vie, de vies, les décisions heureuses ou malheureuses. Guili, elle, tente de comprendre, pardonner ce qu'elle peut et surtout vivre sa vie à elle, s'affranchir de ce passé. Posant la question essentielle : notre destin est-il dicté, gravé par notre famille et notre passé, celui que l'on a mais aussi celui qu'on hérite ?
Vera nous y raconte son amour mort, Rafael vit le sien encore bien vivant et chacun se fait l'écho d'une certaine façon d'aimer, absolue, magnifique et terrible à la fois.

Nina aura fui son passé toute sa vie mais à l'heure où sa mémoire la quitte, elle déclenche une course contre la montre, perdue d'avance, contre sa vie qui s'efface.

Les éléments en harmonie avec eux, le terrible récit de Vera trouvera écho dans une tempête déchaînée. Ils finiront épuisés, comme un ciel bleu pâle, lessivé d'avoir tant pleuré.

C'est un roman sur le destin, la filiation, les femmes, la mémoire, celle que l'on veut graver, celle qui est cachée, celle qui nous forge, celle dont on souhaite s'affranchir.

C'est un roman sur la liberté, de choisir ou non, de renoncer ou non, de vivre ou non.

C'est un roman sur la vie, écrit par une grande plume.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          41
Un magnifique roman. le récit d'un quatuor. Vera, Nina, Raphy et Giuli. Quatre personnages en quête de compréhension, en quête d'eux-mêmes, en quête de lien, en quête de vérité. Vera est née en Yougoslavie. Elle a aimé Milosz, passionnément, au-delà de la raison, au-delà de l'au-delà, au-delà de tout, en ce compris de leur fille, Nina. Elle a aimé l'amour plus que son fruit. Juive, accusée de stalinisme, incarcérée sur un île et torturée, après que Milosz soit arrêté et se soit pendu. Séparée de sa fille par son choix, elle affronte l'horreur avant, une fois libérée, de quitter la Yougoslavie. Elle arrive alors au kibboutz où elle reconstruit sa vie avec le père de Raphy. Elle amadoue celui-ci, abîmé par la mort de sa mère et devient pour lui une mère de substitution et la matriarche aimée de toute une famille. Raphy, lui, tombe éperdument amoureux de Nina, l'amour d'une vie, l'amour de sa vie dont va naître Giuli, la narratrice. Nina, pourtant, comme sa mère, plus que sa mère encore, abandonne sa fille, et aussi son homme et se perd dans sa vie, avec des étreintes multipliées, provocatrices et inutiles. Se disant au début d'un Alzheimer, elle va convaincre sa mère, sa fille et Raphy de faire le voyage à l'envers en Croatie, dans l'île de Goli Otok, là où sa mère a été détenue et, devant une caméra, non de revisiter mais d'explorer un passé demeuré obscur. Un si beau livre sur les brisures de l'enfance, sur la résilience, sur les choix de vie qui engagent la sienne et surtout celle de ceux qu'on aime, sur les égarements et les partitions de fuite. Métaphore extraordinaire du « plant » sur lequel Vera veille bien plus que sur sa propre fille, symbole de sa méprise, de sa fuite obstinée en avant, de sa trahison fondamentale et inconsciente. Une réflexion aussi sur la question de savoir si l'on est obligé d'aimer les siens en général, et sa mère en particulier et sur le constat selon lequel tant que la mort n'a pas frappé, tout reste toujours possible. Pour Grossman, seule la vérité libère et mieux encore une fois la vérité dévoilée, tout devient possible, toutes les cicatrisations sont autorisées. Il n'est pas certain qu'il ait raison mais on ne peut qu'être profondément ému par sa force d'écriture, par son humanisme, par ce sens rare de la bienveillance. « La vie joue avec moi » raconte deux vides de l'enfance, la manière de les combler, la manière dont imperceptiblement vient le pardon ; lequel ne peut s'enraciner que dans la recherche de la vérité, la compréhension de l'autre.
Commenter  J’apprécie          20


Lecteurs (299) Voir plus



Quiz Voir plus

Famille je vous [h]aime

Complétez le titre du roman de Roy Lewis : Pourquoi j'ai mangé mon _ _ _

chien
père
papy
bébé

10 questions
1431 lecteurs ont répondu
Thèmes : enfants , familles , familleCréer un quiz sur ce livre

{* *}