Décidément, MA Fraîche était morte en même temps que MON Rudy. Le vrai Rudy, en s’y installant, les avait bel et bien assassinés. Comme il avait assassiné mes rêves.
Dès le lendemain, Papa s’est renseigné. Il est en très bons termes avec le patron du bistrot, où il achète son journal chaque matin. D’autant qu’en général, il en profite pour prendre un café et faire un brin de causette. C’est comme ça que j’ai appris l’histoire de La Fraîche, et les
circonstances de son abandon.
Avec la sensation aigüe de refaire les mêmes gestes que Rudy, ce jour-là.
Je m’en doute... Pas évident, un mec dans cet état, hein? Moi, en tout cas... Elle a eu une mimique éloquente: un mec dans cet état ne la branchait pas. Je ne sais pas pourquoi, d’un coup, je l’ai détestée.
Non seulement, par son retour, le vrai Rudy avait tué mon Rudy à moi, mais en plus, il était handicapé. Double trahison: vivant ET handicapé.
Comme un hôte qui fait les honneurs de sa demeure aux invités. Ou un agent immobilier.
Il a miaulé et j’ai traduit par un «oui».
Un miaulement de bienvenue, presque.
Cette maison – et la chambre, dedans, comme le noyau d’un fruit – m’angoissait toujours autant.
Le fantastique château de cartes que je m’étais bâti, le temps d’un été, venait de s’écrouler. Et je restais sans rien, avec des ruines dans le cœur.