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Critique de VincentGloeckler


Un nouveau Carla Guelfenbein, pour tous ceux qui ont aimé « Ma femme de ta vie » ou « le reste est silence », c'est toujours un petit événement, et ce nouveau roman ne déroge pas à la règle. Construit comme un patchwork, le récit propose en alternance les histoires de quatre femmes, apparemment éloignées dans l'espace et le temps. Margarita, épouse d'un professeur d'université qu'elle soupçonne de la tromper avec ses jeunes étudiantes, épie son mari dans le parc du campus, assise sur un banc couvert de citations de l'artiste conceptuelle Jenny Holzer. Doris Dana, elle, est, en 1948, l'amante de la poétesse chilienne Gabriela Mistral, qu'elle essaye de quitter, de peur que cet amour n'étouffe ses propres aspirations, espérant que ses retrouvailles et sa liaison amoureuse naissante avec Aline, une ancienne amie d'enfance, l'aideront à s'en détacher. Mais elle est hantée par les mots de Gabriela, qui ne cesse de lui écrire des lettres pleines d'un amer désir… Juliana est une fille pauvre, que sa mère oblige à l'accompagner dans ses ménages, jusqu'au jour où elle découvre le corps sans vie d'une étudiante, une voisine, avant de partager cette nouvelle avec une vieille femme qui lui dit, peut-être pour la consoler « Je suis morte plusieurs fois… Cela t'arrivera sûrement plusieurs fois aussi » ! Une certaine Elizabeth, enfin, évoque dans sa correspondance avec une amie, ses découvertes poétiques et les cours de littérature qu'elle suit dans le même Barnard College où, des années plus tard, Margarita guettera les aventures de son mari, avant de raconter sa rencontre avec Léonard, un poète plus âgé qu'elle, qui lui fera découvrir d'autres plaisirs sensuels et littéraires… D'une histoire à l'autre des échos se forment, tandis qu'un même livre, « Comment disparaître en Amérique sans laisser de traces », impose son empreinte à différents endroits du texte. « Je pense à toutes les femmes qui attendent tranquillement dans la pénombre. Attendre, c'est une façon de disparaître », fait dire Carla Guelfenbein à Margarita, assise sur son banc. Et chacune des existences de ses héroïnes semble vouée à cette quête paradoxale d'une disparition qui serait, en même temps, la meilleure manière de s'affirmer, dans un texte qui, dans une longue liste, évoque le choix tragique du suicide accompli par de grandes écrivaines ou artistes, de Sylvia Plath à Violetta Parra, en passant par Virginia Woolf et Alfonsina Storni, comme si un identique sentiment d'abandon les conduisait à ce geste ultime, avant qu'elles ne connaissent une gloire sans fin. Au lecteur, dès lors, de construire sa propre interprétation à travers les fragments de ces différentes histoires, tissées d'autant de réalisme que de citations littéraires, dans un jeu de piste où l'on se laisse entraîner avec plaisir par Carla Guelfenbein !
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