"J'avais beau avoir vu et lu un tas de polars, j'ai eu du mal à me glisser dans le rôle d'un enquêteur, je n'avais aucune méthode, je ne me sentais pas la carrure, ni le charisme et encore moins le talent. Poser les questions les plus simples s'est révélé compliqué.Même demander une adresse ne me semblait pas naturel. Mais je m'y suis fait. Et les découvertes angoissantes ont commencé...... "
- Vous avez dit qu'il aimait claquer du pognon... Il avait des dettes ?
Ma question lui arrache un sourire surprenant. Le premier et le dernier que je verrai sur son visage.
- Tout le monde a des dettes, ici. Et plus vous en avez, plus ça signifie que vous êtes riche. Bienvenue aux Etats-Unis d'Amérique ! Personne n'a d'argent mais tout le monde en dépense. Le plus dur, dans ce pays, c'est de parvenir à obtenir son premier prêt auprès d'une banque... Mais vous pouvez ensuite en obtenir autant que vous voulez dans n'importe quel organisme de crédit ! Et la crise financière n'a absolument rien changé à ça. C'est juste devenu plus difficile pour les plus pauvres qui n'ont aucune garantie à proposer.
(p. 100)
[ photo de 1990 ]
Comme sur des roulettes. [Mon frère] Laurent sur son skate-board et moi sur des rollers. On fait la course. On rigole. On dirait vraiment qu'on s'aimait à cette époque. Ouais. Je m'en souviens. On s'aimait vraiment à cette époque.
(p. 22)
Matez [cette photo]. Laurent déguisé en Tony Montana. Chemisette hawaïenne et balafre dessinée sur la joue. Plus de vingt ans en arrière. Déjà un Tony Montana de pacotille. Mais visez son sourire. Il a toujours eu ce sourire. A croire que, même si tout n'était pas facile, tout le faisait toujours marrer. C'est le genre de sourire que l'on aime voir. Expansif et généreux. Le genre de sourire qui réconforte. Dans le bus, après une journée de boulot épuisante, le genre de sourire qui fait qu'on se redresse. Même le plus misérable des hommes trouverait de l'espoir dans le sourire de mon frère.
(p. 227)
On sonne en pleine nuit à ma porte. C'est L. Décoiffée et en panique. [...] Je n'essaie pas de savoir de quoi elle parle ni de ce qu'elle fait sans son mari. Ou elle ne m'en laisse pas le temps. « Est-ce que je peux me doucher et passer la nuit ici ? » Elle file dans ma salle de bains et je me sens comme un gamin qui aurait peur de se faire surprendre en pleine érection. Je prépare du café et j'allume une clope. La savoir dans ma salle de bains me fait bander alors je tripote mon appareil photo pour me calmer un peu. Elle a abandonné un de ses escarpins au milieu de mon salon. Je le cadre avec soin mais ça m'excite davantage.
(p. 54)
Haïti, ça a toujours été la culture de la survie. Et la culture de la survie, c'est toujours le secret et l’entourloupe.
J'aperçois le Last Chance Saloon au loin et je prends cette photo. La distance et l'éclairage le font ressembler à un établissement fantomatique sorti d'un médiocre film d'horreur. "Il est mort…"Je le répète sur des tons différents. Mais impossible d'en trouver un qui parvienne à me convaincre.