Par-delà mes sombres horizons, aucune lumière n’est à prévoir.
J’ai besoin d’oublier la réalité. Je dois savourer chaque seconde qui va s’écouler à partir de maintenant. Je vais vivre chacune d’elles sans douleur et avec euphorie, comme si on venait de me faire une intraveineuse contenant une dose assez corsée d’héroïne. On peut déjà entendre la foule en délire depuis notre loge. Elle nous attend, nous désire, elle s’excite, elle perd patience. La tension grimpe crescendo et j’adore ça.
Mieux vaut ne pas jouer avec moi, sauf si la personne a la peau assez dure pour supporter les morsures.
Et le cœur assez solide.
« — Tu vas te noyer dans ton propre pessimisme, t’en as conscience ?
— Je suis déjà en train de me noyer, murmure-t-il en tapotant le verre de son index. »
« — Je conseille au fragile petit agneau de ne pas trop s’éloigner du troupeau, car il se pourrait bien qu’un loup soit à l’affût. »
Mon souffle se bloque. Cette phrase se révèle être pour moi le coup de grâce. Elle touche ma corde la plus sensible, et je coudrais répliquer pour la convaincre qu'elle a tort. Rien à faire, les mots restent coincés au fond de ma gorge. C'est un supplice à subir cette humiliation devant tout le monde. Je m'efforce de ne pas regarder en direction des rockeurs. Chester doit certainement se délecter du spectacle. Avant de faire quelque chose que je regretterais, je me relève et sors de la salle. Les larmes me montent aux yeux, la rage se loge au centre de mon ventre et me consume jusqu'à la poitrine. A peine les vestiaires regagnés, mon poing se fracasse avec hargne contre mon casier métallique, engendrant un bruit sourd qui m'effraie moi-même. La douleur physique s'étanche à la faveur de ma blessure d'amour-propre, qui elle, me calcine de toutes parts.