En lisant
Paradis de
Abdulrazak Gurnah, j'avais un peu cédé à l'appel du titre et à celui de son auteur, écrivain d'Afrique de l'Est que je souhaitais découvrir. J'avoue que je n'ai pas trouvé dans ce roman ce à quoi je m'attendais...
La thématique de départ me plaisait : celle du voyage initiatique d'un jeune garçon Yussuf, arraché à sa famille pour rembourser une dette paternelle et confié à "oncle Aziz", un riche marchand, qui va faire de lui son serviteur.
Et le roman de nous faire suivre les mille et une tribulations de Yussuf, au gré des longs voyages de caravaniers qu'il va accompagner en compagnie d' oncle Aziz, un personnage haut en couleurs et bienveillant qui sera plus pour lui un mentor qu'un maître.
J'ai aimé la peinture de l'ambiance de ces transhumances humaines, avec leur cérémonial et une galerie de portraits très pittoresques des nombreux personnages qui y participent depuis les musiciens qui ouvrent la marche jusqu'aux porteurs, chargés comme des animaux de bât mais pourtant très investis de leur mission. C'est un véritable spectacle auquel assiste tout le village, à la grande fierté d'oncle Aziz qui ferme la marche...
Le cadre de l'histoire, à l'orée de la colonisation européenne de l'Afrique de l'Est est également bien rendu avec ses luttes ethniques très violentes entre bergers des montagnes et agriculteurs des plaines, entre Indiens et Arabes dont les conflits sont récupérés et attisés par les colonisateurs. Tous ces faits sont rapportés dans un récit qui s'apparente plus pour moi à un récit de voyage avant tout soucieux d'exactitude, qu'à un récit romanesque plus centré sur des personnages auxquels on s'attache au gré de leur évolution et des situations auxquelles ils doivent faire face.
Pourtant le récit ne manque pas de vie car il emprunte assez souvent les codes du conte oral, notamment dans les dialogues des autochtones évoquant de façon drolatique les méfaits des colonisateurs. Mais dans l'ensemble l'écriture reste "sage" voire conventionnelle même lorsqu'elle évoque les magnificences d'un mariage indien ou la beauté de paysages naturels idylliques.
La structure est également un peu répétitive et j'avoue qu'à la fin du 3ème voyage, j'étais contente de retrouver le port d'attache de Yussuf et le magnifique jardin d'oncle Aziz dans lequel il passe alors le plus clair de son temps.
C'est d'ailleurs à partir de là que l'on bascule dans un autre univers : celui du conte oriental. Yussuf va quitter son jardin enchanté et tomber sous le charme ensorceleur d'une mystérieuse femme (l'épouse cachée d'oncle Aziz). Tous les ingrédients du conte oriental se mêlent avec bonheur e,t en même temps que se crée un certain suspense, l'auteur nous livre certaines clés du roman, notamment celles relatives à l'attachement familial, la quête identitaire et la liberté...
Mais au moment même où je me réjouissais d'avoir retrouvé un plaisir de lecture plus grand, est arrivé le dénouement qui m'a laissée complètement perplexe...
D'ailleurs si une lectrice ou un lecteur peut m'éclairer sur cette fin qui reste pour moi énigmatique, je suis preneuse !