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3,6

sur 300 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le nom de Ngugi wa Thiong'o etait sur toutes les levres, sauf sur celles des suedois, qui ont prefere prononcer celui d'Abdulrazak Gurnah. Intrigue, je me suis degotte son Paradis.


La lecture de ce livre fut facile et agreable. L'apres-lecture n'en finit pas de faire eclore differentes pistes, pour sa comprehension et son evaluation.


En premier lieu c'est le genre roman d'apprentissage, de croissance, qui m'a saute aux yeux: Youssouf, un gosse swahili, est confie par ses parents a un riche commercant caravanier en tant que “rehani", comme caution de dette. Il travaillera quelques annees au magasin de celui-ci, puis sera mis au service du tenancier d'un autre magasin dans un petit bourg, pour enfin prendre part a une expedition caravaniere a l'interieur des terres kenyatis, vers le lac Victoria, avec son maitre, le “seyyid" Aziz. L'expedition s'avere desastreuse, physiquement et economiquement. Au retour, Youssouf qui est devenu un beau jeune homme, est convoite par la vieille femme de son maitre et s'amourache quant a lui de la deuxieme femme, plus jeune, de celui-ci. La situation devient dangereuse pour lui et sur un coup de tete il s'engage dans les “askaris", les troupes indigenes que recrutent les allemands a la veille de la premiere guerre mondiale.


Au fur et a mesure de la lecture s'est impose a moi un autre dessein, qui surplombe et transcende cette intrigue: decrire et caracteriser une societe Est-Afriquaine (Kenya et Zanzibar) avant la colonisation europeenne et au tout debut de celle-ci. Une societe composite, ou s'entrecroisent sans vraiment se melanger les riches commercants esclavagistes de Zanzibar, musulmans originaires d'Oman, les swahilis autochtones du continent, islamises sur la Cote et animistes a l'interieur des terres, les hindous commercants et preteurs d'argent, et, derniers arrives, les europeens qui jouent sur les antinomies existantes pour instaurer un nouvel ordre grace a la superiorite ecrasante de leurs armes et s'emparent peu a peu des meilleures terres.

Gurnah decrit une jungle humaine. A l'interieur, des tribus guerrieres ranconnent les agriculteurs, raflent leurs femmes, volent leurs enfants pour les vendre comme esclaves aux caravaniers musulmans, et des fois les massacrent pour s'emparer de tous leurs biens. Sur la cote les musulmans font la loi, grace a l'economie caravaniere et esclavagiste qu'ils ont instaure.

Dans ce contexte, la decision de Youssouf de fuir son ancien maitre, qui lui etait malgre tout bienveillant, de fuir son ancienne vie, n'est peut-etre pas un acte dicte par la panique et le desespoir, un acte qui signe sa defaite, mais plutot un choix raisonne: il ne sait pas ce que lui reservent les allemands mais en tous cas il ne sera plus esclave. C'est la premiere decision qu'il ait pris pour lui-meme, jusque la c'etaient toujours d'autres qui decidaient de sa vie. Une decision qui abolit son servage et lui permet l'espoir d'une autre vie. Meilleure? Il ne sait, mais c'est son espoir.


Gurnah n'est pas tendre avec les colonisateurs europeens. Il ne laisse percer aucune illusion sur leurs buts ni sur les moyens qu'ils emploient pour les atteindre. Mais la societe afriquaine sur place qu'il decrit est terrible. Une societe cruelle, ou l'hostilite est le rapport humain le plus courant, asphyxiee par l'asservissement, par l'esclavage endemique, une societe qu'une minorite rapace vide de ses richesses. Une societe ou les imperialistes europeens ne feront, au pire, qu'intensifier l'oppression, mais pourront peut-etre aussi, pour certains autochtones, ouvrir de nouveaux horizons. Et je percois dans le titre du livre beaucoup de douleur. Parce que bien que l'auteur integre dans son livre une discussion entre musulmans et hindous sur ce qu'est le paradis promis aux justes, bien que nous soit decrit amplement le jardin paradisiaque du seyyid Aziz, pour moi le titre s'adresse et designe la societe decrite. Paradis? Vraiment? Si cela etait le paradis que sera l'enfer?


Finalement, c'est en ecrivant que je realise la presence d'un autre substrat dans ce livre. Les reminiscences d'une histoire mythique, idyllique, qui est ici transposee et tronquee, parce qu'ici, dans ce “paradis" elle ne peut bien finir. C'est l'histoire biblique de Joseph en Egypte. Youssouf est Joseph. Comme lui, il a ete vendu en esclavage par sa famille. Comme lui, il a des reves et son entourage le prend pour un fou ou pour un devin. Comme lui, il est d'une beaute angelique et la femme de son maitre tente de le seduire. Mais la s'arrete le parallelisme. Si Joseph devient un grand d'Egypte et sauve ce pays de la famine, Youssouf fuit celle qui le seduit et nul ne sait ce qu'il deviendra. Dans le “paradis" ou il se meut on ne peut envisager une fin aussi enchanteresse que celle du Joseph biblique. Encore une fois, je me dis que le titre du livre est empreint d'une certaine amertume. Paradis?


C'est en tous cas un beau livre. Facile a lire mais pas si facile a digerer. Si je juge par lui, le seul que j'ai reussi a trouver, l'academie Nobel s'est dotee d'une belle parure.
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Puisque le rapprochement entre le Yusuf de Abddulrazak Gurnah avec le Yusuf de la douzième sourate du Coran, et avec le Joseph de la Genèse, cités par l'auteur, a été évoqué par d'autres lecteurs, il me semble plus intéressant d'étudier le titre même : Paradis.
Lorsque Yusuf, le petit ingénu arrive avec son oncle Aziz dans la maison de celui-ci, après avoir pris le train construit par les Allemands, il a la vision fugace « d'un jardin d'arbres fruitiers, de buissons en fleur, de reflets dans un bassin ».
Lorsqu'il arrive, enfin, (parce que le jardin est clos) à y entrer, il découvre LE jardin, avec bassin au centre et des canaux dans les quatre directions des points cardinaux, et une grotte aussi, ainsi qu'une abondance de fleurs.
C ‘est exactement la description du Paradis/jardin inventé en Mésopotamie : l'eau reflète le ciel, elle s'élève vers lui dans les fontaines, elle retombe en cascade, elle coule sur les terrasses, elle enchante l'oreille par ses clapotis, elle assure l'éclosion des fleurs parfumées et des arbres fruitiers( les orangers, les bananiers) et cela, métaphoriquement, pouvant s'étendre aux quatre coins du monde.
Ce jardin d'Eden, terrestre, donne une idée pour l'Islam du septième ciel crée par Dieu, lui –même partagé en sept niveaux, comme les jardins suspendus ou les jardins à terrasses de l'Inde.
L'Afrique Orientale Allemande, aujourd'hui Tanzanie reçoit depuis toujours les influences de l'Inde, de Boukhara, Tachkent d'Hérat, d'où lui vient le culte nouveau des jardins et de l'intériorité de l'Islam ; c'est par Zanzibar aussi que les explorateurs cherchant la source du Nil, Speke, Burton, Grant, Stanley, pénètrent, alors que les caravanes se dirigent de l'intérieur vers la côte : caravanes sans chameau, (malgré ce que pourrait nous faire croire la couverture du livre,) emportant l'or et les esclaves vers d'autres rivages .
La caravane de l'Oncle Aziz, à laquelle participe Yusuf, est une caravane marchande, portée par des volontaires payés pour le faire. Ils rencontrent au fur et à mesure de leur périple la présence des Européens, ce sont eux les nouveaux maitres. Aziz ajoute que ces étrangers font la même chose que ce que les arabes faisaient avec la traite, et ce que lui aussi fait, commercer.
Pourtant, les Allemands, introduits par Emin Pacha, ami de Stanley, ont instauré un régime un peu plus sévère que le commerce : taxes, interdictions, pendaisons, dans un pays où l'esclavage avait été la règle et où chacun pouvait vendre fils ou cousins.

Paradis, le livre Nobelisé en 2021, nous fait aussi voyager à l'intérieur des forêts et villages tanzaniens- j‘avoue ne pas avoir réussi à localiser Tayari, Mkata, Mkalkali, Mikosomi, , peu importe, la musique suffit parfois-( sauf Kilwa, ville côtière avec une Grande Mosquée somptueuse) et nous fait vivre la sortie de l'enfance de Yusuf, parti avec Aziz , qui en fait n'est pas son oncle, mais un marchand qui s'est payé de la dette de son père.
Il découvre donc qu'il est esclave, il entre dans le bosquet du désir, il devine maintenant ce que son maitre Aziz pense, ses angoisses et ses déconvenues, son calme et sa sérénité en toutes circonstances, essaie peu à peu de se sentir moins coupable quand il apprends sa propre histoire, et, finalement, ne choisit pas une liberté hasardeuse mais bien l'aventure des caravanes.
Livre pas plaisant au premier abord, un peu lent comme ces caravanes commerçantes, un peu tout azimut aussi, mais dont le charme discret se révèle à la relecture : Comme Aziz, un maitre zen africain, Gurnah donne à voir un monde feutré, et à la fois ouvert aux influences diverses venues du Moyen Orient, et aux pénétrations barbares, les ascaris, ou troupes africaines étrangères donc prêtes à tout .
Enfer.
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Méconnu du grand public, Abdulrazak Gurnah reçoit en 2021 le prix Nobel de littérature. Depuis les médias font toujours l'impasse sur cet écrivain tanzanien d'expression anglaise.

"Paradis" est venu entre mes mains pour la quatrième de couverture décrivant les expériences d'un enfant esclave en Tanzanie. Ignorant l'histoire de ce pays d'Afrique de l'Est que je vais visité dans quelques jours, je voulais m'immerger dans cet ancien pays réputé pour être la plaque tournante de l'esclavage surtout l'île de Zanzibar (lieu de naissance du chanteur Freddy Mercury).

Yusuf est un primo-ado offert à son soi-disant oncle Aziz contre une dette impayée par ses parents. Très vite le jeune garçon va se déciller au contact de l'esclave Khalif qui se joue de lui en lui racontant des histoires effrayantes tirées des légendes et contes tanzaniens.
Mais l'apprentissage de Yusuf va surtout évoluer lors de l'expédition caravanière durant laquelle il va partager les affres du voyage avec les porteurs et le cruel Mohammed Abadella.
Des villes grouillantes pleines de bavardages, de célébrations, de religieux et d'idéalistes vont défiler jusqu'aux sultans tels le terrible Chatu qui séquestre hommes et marchandises selon son bon vouloir.
Yusuf porte un regard et une attitude empathiques envers ce monde plein de chahuts. Il ne se révolte pas , ne juge pas mais s'infiltre avec douceur dans un pays où vivent "sauvages" et civilisés.

Ecrit dans une langue sans artifice, j'ai tout de même été désorientée sans repère chronologique. Seule l'évocation de la colonisation allemande permet de situer le roman.
Je déplore mon manque d'enthousiasme pour ce roman saltimbanque.. Une parade de personnages défile faisant leurs tours sous les yeux naïfs du jeune esclave.
La modernité et les coutumes ancestrales se côtoient pour donner une atmosphère ouatée qui ne heurtent pas le lecteur.
J'ajouterai à titre personnel qu'il reste en Tanzanie que 167 rhinocéros, que les Masaïs ne sont plus de terribles guerriers à éviter.
Quand aux moustiques qui à cette époque engendraient de terribles maladies, je me demande s'ils n'ont pas suivi les migrants de Lampedusa pour s'installer chez nous.
D'ailleurs j'arrête là mon bavardage un moustique me tourne autour voulant se venger de mes propos.
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Deuxième incursion dans l'oeuvre du plus récent des Nobelisés, après "Près de la mer": un ton, un contexte, un propos différents dans ce "Paradis", et pourtant j'y ai eu la sensation de retrouver le même regard et la même voix de l'auteur, graves et perçants, lourds de souvenirs et d'amertume.
A travers le regard d'un jeune enfant qui mettra longtemps à comprendre que l'oncle Aziz qui l'a emmené de chez ses parents a fait de lui son esclave, c'est une Afrique méconnue qui se dévoile, celle dont les colons ont entrepris le saccage alors que les marchands arabes et indiens dominaient encore le commerce, celle des tribus royaumes et des terres inviolées.
Mais c'est aussi le voyage initiatique d'un enfant qui découvre le monde par le travail et le voyage, qui apprend la loi des hommes entre pouvoir et servitude pour se retrouver face aux maigres options offertes à lui pour faire le choix de sa propre destinée.
Un regard éclairant et un angle différent sur l'Afrique, sur les civilisations, sur la domination et la servitude, qui "rend service à l'humanité en faisant la preuve d'un puissant idéal", et donc parfaitement dans l'esprit du Nobel.
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Au début du 20e siècle, en Afrique de l'Est, dans l'actuelle région de la Tanzanie, le jeune Yusuf , 12 ans, est vendu par son père à un riche négociant afin de rembourser une dette. Yusuf ne sait pas qu'il a été vendu. Pour lui, il part avec « l'oncle Aziz » pour un séjour indéterminé. Il prend conscience de sa situation une fois arrivé dans le domaine du marchand, lorsque son nouveau compagnon, Khalil, lui apprend qu'Aziz n'est pas son oncle et qu'il est son esclave. C'est le début d'une nouvelle vie pour Yusuf qui, en compagnie d'oncle Aziz, va découvrir des contrées sauvages lors d'expéditions marchandes.

Abdulrazak Gurnah, Prix nobel 2021, nous offre ici un fabuleux voyage à l'intérieur des terres de l'Afrique de l‘Est du début du 20e siècle. Dans une écriture très belle qui nous rappelle parfois le style des contes africains oraux, l'auteur permet au lecteur d'appréhender la fin d'une époque, celle qui voit l'arrivée des nombreux colons européens – allemands, anglais, belges - alors que la vie traditionnelle et coutumière tente encore de résister.
A travers les yeux de Yusuf, personnage emblématique dont la naïveté et l'innocence collent à celles du lecteur, nous découvrons les peuplades locales où plusieurs cultures et religions se côtoient plus ou moins bien, nous nous enfonçons dans des régions inhospitalières où la superstition et la magie résistent et font peur aux hommes de la côte, nous ressentons la peur des autochtones face à ces envahisseurs blancs qui grignotent toujours plus de terrains et s'imposent avec la force de leurs armes de fer. L'expédition caravanière est un des moments très forts de ce livre où l'auteur renoue avec les traditionnels récits de voyage des grands explorateurs mais à la manière des contes oraux swahili qu'il introduit d'ailleurs dans son propre roman au gré des histoires racontées par les voyageurs.
Yusuf, personnage principal, est entouré de nombreux autres aux intérêts pas vraiment louables. Pourtant, l'auteur ne porte aucun jugement sur ces hommes qui pratiquent toujours l'esclavage. On y découvre surtout un mode de vie traditionnel. Yusuf lui-même est pris en étau entre son envie de liberté et une soumission facile qui semble être sa destinée.
A travers ce roman d'initiation, « Paradis » est la description d'une Afrique partagée entre la modernité et les traditions. On y ressent le sentiment d'angoisse qui monte parmi les peuples autochtones face aux Européens qui, sous prétexte de faire du commerce, s'accaparent les richesses de leurs terres.
Un très beau roman qui me fait découvrir un auteur au prix Nobel mérité.
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Je suis Yusuf, jeune garçon cerné par les disputes de mes parents. Un jour mon oncle vient m'amener en voyage. Pour m'éloigner de cette ambiance délétère ? Hélas non, pour régler une dette de mon père. Voilà comment je me suis retrouvé à vivre chez son créancier et à devoir travailler pour lui. Je l'appelle Oncle Aziz car j'ai du mal à prononcer son "nom" usuel.

L'histoire se situe dans une Afrique australe en pleine recomposition avec des rapports de force qui évoluent au gré des formes de domination. Nous suivrons les aventures de Yusuf dans ses péripéties et à travers lui les moeurs sociales en cours, l'organisation du commerce local depuis l'approvisionnement jusqu'à la vente en passant par le traitement des "employés".
Intéressant et instructif malgré quelques longueurs.
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Yusuf quitte ses parents. Il ne sait pas que son père l'a vendu à « son oncle » pour régler une vieille dette. Ce dernier en fera son esclave et lui fera découvrir les duretés de la vie dans l'Afrique de l'Est du début du XXe siècle.
S'il s'agit d'un roman d'apprentissage, Yusuf est le symbole de l'évolution du territoire sur lequel il évolue. Population bigarrée, culture multiple, ce qui deviendra la Tanzanie vit les premiers effets de la colonisation et cherche sa place sous le joug allemand.
Si le style est simple, le propos est complexe. L'auteur nous fait parcourir les différentes facettes de cette région avec ses trésors mais aussi ses faiblesses et ses cruautés.
Un beau roman qui donne matière à réflexion sur le sens de la liberté.
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Yusuf, jeune garçon vendu par son père pour payer ses dettes à un marchand "oncle Aziz" est le fil conducteur de ce long et lent voyage à travers l'Afrique de l'est . Dans un premier temps confiné dans la boutique du marchand avec un autre esclave Khalil qui va le chaperonner, Yusuf découvre sa nouvelle vie et le jardin du maître. Puis gagnant la confiance du marchand il part pour un long périple avec la caravane de ce dernier. Ce voyage va l'ouvrir au monde, aux hommes, l'initier à la lecture, le faire grandir. Parmi les fils conducteurs du récit il y a l'esclavage qui est une longue tradition et la richesse des échanges commerciaux existants avant l'arrivée des européens.

Les personnages font la richesse de ce récit dépaysant qui nous montre une Afrique tournée vers l'Asie, le monde arabe et le commerce.
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Depuis plusieurs semaines, je dois rédiger cette note. Je m'y suis enfin mise. Entre chercher le vocabulaire et mettre en place mes idées, il m'a fallu tout ce temps.

D'abord une remarque sur la forme, j'ai parfois été gênée par l'absence d'explication de nombreux termes non traduits. La langue maternelle de Gurnah est le Swahili, mais il écrit en Anglais. A noter que Paradis est le seul roman de Gurnah qui a été traduit en Swahili. Un peu ironique, non ? En effet Abdulrazak Gurnah est Tanzanien, réfugié en Angleterre, il écrit en Anglais, et donc ce roman est traduit de l'Anglais. Ce qui explique sans doute pourquoi, la traductrice Anne Cécile Padoux, a gardé les mots en Swahili et Arabe, qui existaient dans le texte anglais. Mais sans note de bas de page, de contexte, cela fait perdre une partie de l'ambiance / des parfums, …


Le roman narre l'histoire d'un enfant : Yusuf, vendu par son père pour éponger des dettes mais sans lui dire… Cet enfant se retrouve chez un « oncle », en fait un marchand qui prend des esclaves lorsqu'il n'est pas remboursé. On suit Yusuf dans ses aventures chez et avec cet « oncle ».

Il y a une partie initiation au monde adulte avec des voyages en caravansérail mais aussi l'observation d'un monde qui change, en pleine mutation. Car le marchand, venu du moyen orient, est également un trafiquant et pas seulement d'êtres humains. Et ce marchand se trouve en compétition avec de nouveaux concurrents les Allemands, qui colonisent cette partie de l'Afrique de l'Est. Gurnah raconte donc l'histoire de cette zone d'Afrique où cohabitent les Africains d'origine (animiste), avec des gens venus d'Inde (hindouiste), du moyen orient (musulman) qui vont ensuite être colonisés par les Allemands.

En parallèle, Yusuf va chercher à lier des liens avec un jeune homme, esclave comme lui, et sa soeur, domestique de la première femme de son « oncle » et la seconde femme de ce fameux « oncle ». Mais quel espoir dans un monde qui n'est pas sans foi (car l'islam est très présent) mais n'a pas beaucoup de loi, en dehors de celle du plus fort / riche.

C'est une histoire d'initiation. Une histoire, symbole de cette Afrique, qui est la proie de tous les fantasmes et qui souffre de tous les abus, tant par ses habitants les plus aisés que par les colonisateurs qui existent depuis fort longtemps (et bien avant que les Européens arrivent.).

Le style est à la fois poétique et imagé. Il est question de choix pour Yusuf qui va devoir choisir entre rester esclave (avec une certaine forme de sécurité et s'enfuir sans savoir si sa situation s'améliorera. Gurnah fait également passer des messages sur la religion, la tolérance vis-à-vis des différences.

Le titre indique une réflexion sur ce à quoi peut correspondre l'idée de paradis… qui varie fortement d'un individu à l'autre et puis ce paradis n'est-il pas parfois très proche de l'enfer !

J'ai mis un abécédaire de certains des mots que je ne connaissais pas ou pour me souvenir de ce roman...

A comme : Anna n.m. : une unité de monnaie anciennement utilisée en Inde et au Pakistan, égale à ¹⁄₁₆ de roupie. le terme appartenait au système monétaire islamique. P 15

B comme : Bismillah : « Au nom de Dieu ». Formule employée par les musulmans comme un bénédicité ou avant d'entreprendre quelque chose

C comme : Caravansérail, on assiste à des voyages en caravansérail où le troc et le trafic sont étroitement liés.

D comme : Dhow : est un type de voilier arabe traditionnel en bois, à un ou plusieurs mâts gréés avec des voiles triangulaires ou trapézoïdale, originaire de la mer Rouge. Aussi appelé Boutre ou Daou.

E comme : équanimité : Égalité d'âme, d'humeur.

F comme : Fable, le roman est parsemé de diverses fables.

G comme : Gog et Magog : sont deux noms propres figurant dans le livre d'Ézéchiel, Gog est un nom de personne, Magog un nom de lieu. Ils apparaissent cinq fois dans la Bible et deux fois dans le Coran. Dans le livre d'Ézéchiel, les peuplades païennes Magog vivent « au nord du Monde », et représentent métaphoriquement les forces du Mal, ce qui l'associe aux traditions apocalyptiques.

H comme : Hérat : une ville de l'Ouest de l'Afghanistan proche des frontières de l'Iran et du Turkménistan. Elle est la troisième ville d'Afghanistan derrière Kaboul et Kandahar.

Ou comme Honneur qui est la raison invoquée pour supporter des maltraitances car un jour, un père a conclu un contrat et a vendu ses enfants. Et ces enfants se trouvent liés à ce contrat… On fait avaler beaucoup de choses aux pauvres en leur vendant l'HONNEUR.

I comme : Inde, certains des personnages sont d'origine indienne (Kalasinga).

J comme : Jacaranda ou arbre fougère

K comme : Kiswahili est la principale langue écrite de l'Afrique subsaharienne. D'après l'Unesco, il fait partie des 10 langues les plus parlées au monde, avec plus de 200 millions de locuteurs.

Kipande : jeu de type marelle.

L comme : latérite : sol rouge vif ou rouge-brun, très riche en oxyde de fer et alumine, formé sous climat tropical. (Ce sol se transforme en une cuirasse impropre à la culture sous l'effet de l'alternance saison sèche/saison humide.)

M comme : Maandazi forme de pain frit originaire de la côte swahili. Il est également connu sous le nom de bofrot ou puff puff dans les pays d'Afrique de l'Ouest tels que le Ghana et le Nigeria. C'est l'un des principaux plats de la cuisine du peuple swahili qui habite la région côtière du Kenya et de la Tanzanie.

Malai : type de crème caillée, originaire du sous-continent indien, utilisé dans la cuisine du sous-continent indien, notamment en ce qui concerne les friandises du sous-continent indien.

Mganga : guérisseur / docteur

Mofa : aucune définition trouvée mais d'après la phrase : c'est de la nourriture agréable (p43).

Mnyapara : contremaitre.

Mukki : aucune définition trouvée mais d'après la phrase : préteur à gage

N comme : Nyundo un traducteur qui doit jongler avec les phrases et les sentiments des participants.

O comme : Ouzbeks. Les voyages emmènent certains jusqu'aux confins du monde musulman. Avec des « Rusi » (russes) qui s'étonnent qu'il existe des musulmans noirs. Tout comme ceux à qui la « Rusi » est narré s'étonnent de ces musulmans blancs.

P comme : Paradis le titre du livre… Mais de quel paradis parle-t-on ?

Q comme : Qasida : Poème arabe classique, d'au moins sept vers, à rime unique. (Précédé d'un prologue amoureux, il a pour thèmes un voyage, l'amour, la louange, la satire.)

R comme : Rikwama : longue charrette

S comme : Seyyid : titre honorifique traditionnellement appliqué aux gens reconnus descendants du prophète de l'Islam, Mahomet. le mot signifie littéralement « seigneur », « prince » ou « maître », et il est aussi fréquemment donné à des musulmans de haut rang.

Shuka : le Shuka Masai est un tissus traditionnel originaire d'Afrique de l'Est, porté par le peuple Maasaï au Kenya et en Tanzanie. C'est une étoffe à carreaux en coton sous forme de couverture, souvent de couleurs vives. le rouge est la couleur la plus courante mais les Maasaï utilisent aussi le bleu pour envelopper leur corps. Ce tissus est connu pour être solide, durable et épais pour protéger les guerriers Maasaï contre le temps et les dangers de la savane.

T comme : Tanzanie pays de Abdulrazak Gurnah. Taskent où l'une des caravansérail passe.

V comme : Vibarua : ouvrier payé à la tâche.

W comme : Wallahi : Un serment par Allah, qui se fait généralement au moyen de l'interjection arabe « wAllah », signifiant littéralement « par Allah » ou par Dieu, consiste pour un locuteur de confession musulmane à prendre à témoin Allah pour prétendre que ses propos ne sont pas mensongers.

Washenzi : Paien / sauvage : p 18

Y comme : Yusuf le héros de cette histoire,

Z comme : Zanzibar : archipel de l'océan Indien situé en face des côtes tanzaniennes, formé de trois îles principales
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C'est la première fois que je lis un roman qui se passe en Tanzanie (ou plus exactement sur le territoire de l'actuelle Tanzanie). Ce n'est pas courant mais cela s'imposait avec le prix Nobel de littérature 2021 décerné à Abdulrazak Gurnah qui se justifie, selon le comité, pour "son récit empathique et sans compromis des effets du colonialisme et le destin des réfugiés pris entre les cultures et les continents".
"Paradis" raconte l'enfance et l'adolescence de Yusuf au début du XXème siècle. A douze ans, sa vie paisible va être bouleversée quand son père lui demande de suivre l'oncle Aziz pour voyager avec le riche marchand.
Seulement oncle Aziz n'est pas son oncle et le garçon va mettre du temps à comprendre qu'il est chez lui pour travailler afin de rembourser les dettes de son père. C'est un adolescent, le jeune Khalil, qui va l'initier quand il n'est pas sur le départ pour de grandes expéditions commerciales qui lui feront découvrir des régions nouvelles et des hommes prêts à toutes les compromissions pour le commerce. Il y découvrira aussi différentes cultures et des lieux merveilleux comme des cascades dans la montagne pourtant chasse gardée d'un colon allemand.
"Paradis" est donc un roman d'initiation mais contrairement à ce que j'imaginais le ton est presque léger pour évoquer le drame de l'esclavage et de la colonisation. Abdulrazak Gurnah sait se mettre à hauteur d'enfant avec innocence et humour pour raconter l'histoire de Yusuf qui m'a fait passer un bon moment de lecture.


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