Sublime royaume

«  Dans la voiture , elle regardait par la fenêtre , silencieuse comme une souris .
J’essayais d’imaginer le paysage tel qu’elle le voyait .
Le jour de mon arrivée en Californie , tout m’avait paru si beau.
Même l’herbe jaunie, brûlée par le soleil et la perpétuelle sécheresse , m’avait semblé irréelle . ÇA DOIT ÊTRE LA PLANÈTE MARS , avait - songé alors , car cela paraissait impossible que ce soit aussi l’Amérique » ….

Notre cerveau est à la fois notre cœur qui ressent et notre esprit qui pense et notre âme qui est.

Depuis le banc du fond, le Christ a le visage même de l'extase. Je le contemple , et il se transforme, il semble tour à tour empli de colère, peiné ou joyeux. Certains jours, je m'attarde pendant des heures, d'autres, à peine quelques minutes, mais je n'incline jamais la tête. Je ne prie jamais. Je reste assise dans un silence béni, et je me souviens. J'essaye de mettre de l'ordre, de trouver un sens, une signification à tout ce bric-à-brac. Et j'allume toujours deux bougies avant de partir. (p. 371)

"Tu passes plus de temps avec les souris du laboratoire qu'avec des gens. Tu sais que ce n'est pas sain, hein ," me lança-t-il un jour.
Comment lui expliquer que le temps que je passais seule dans mon laboratoire était pour moi une façon de passer du temps avec des gens ? Pas exactement avec eux, mais de penser à eux, de communier avec eux au niveau de l'esprit, ce qui me paraissait aussi intime que n'importe quel dîner ou nuit passée à boire des verres. Ce n'était peut-être pas sain, mais d'une manière abstraite, il s'agissait de recherche pour améliorer la santé, cela ne comptait-il pas ? (p. 339)

Les neurosciences vous mettaient peut-être dans la catégorie intelligente, mais certainement pas sexy. Et si vous y ajoutez le fait que j'étais noire, c'était peut-être une anomalie de trop pour lui. Il ne me rappela jamais. (p. 35)

Il me fallut bien des années pour admettre qu'il est difficile de vivre en ce monde (...). Être en vie dans le monde, chaque jour, tandis que nous recevons chaque jour davantage, tandis que la nature de ce que "nous pouvons supporter " change et que nos façons de le supporter changent également, c'est une sorte de miracle.

J’étais en train d'étudier les versets de la Bible dans la salle de l’École du dimanche quand je surpris cette conversation dans le couloir. Si je l'avais entendue aujourd'hui, je sais ce que j'aurais fait. Je serais sortie et leur aurais dit qu'aucune statistique ne permettait de soutenir que les noirs sont biologiquement plus susceptible de s'adonner à la drogue ou de devenir des criminels. Je serais sortie de cette église et n'y aurais plus jamais remis les pieds.

Mais le souvenir demeure, cette leçon dont je ne me suis jamais libérée : le fait que j'aurais toujours quelque chose à prouver et que rien d'assez éclatant ne suffirait à le prouver.

Notre cerveau est à la fois notre coeur qui ressent et notre esprit qui pense et notre âme qui est.

Je ne crois pas que ce pays [ Etats-Unis ] ait apporté à ma mère tout ce qu'elle espérait quand elle avait demandé à Dieu où elle devait aller pour offrir le monde à son fils. Bien qu'elle n'eût pas traversé de rivière à gué ou franchi à pied des montagnes, elle avait pourtant accompli ce qu'avant elle tant de pionniers avaient fait, elle s'était lancée hardiment, pleine de curiosité, dans l'inconnu, avec l'espoir d'y trouver quelque chose de simplement un peu meilleur. (p. 342)