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3,57

sur 306 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Grand moment de cette rentrée littéraire!

La narratrice est chercheuse en neurobiologie et étudie les mécanismes de l'addiction, avec tous les outils magiques pour le béotien, dont disposent les laboratoires pour mettre en évidence les circuits de la récompense. Hasard ou nécessité ? Ce que nous révèle peu à peu Gifty de son passé, des épreuves qui ont secouées sa famille, son frère, son père, reparti au Ghana en les laissant seuls avec leur mère, la lente descente aux enfers de celle-ci, sont autant de confidences poignantes.

On découvre avec les révélations progressives de la jeune femme son rapport ambigu avec la religion, de la foi sans limite, au doute puis au rejet, alors que les traumatismes ordinaires de la vie malmènent les certitudes.

Les combats intérieurs qui se nourrissent de la discordance entre raison et instinct, les petites vies intérieures qui déchirent le cours de la réflexion, le temps qui vient ajouter à la confusion, tous ces aspects sont habilement analysés et proposés dans une démonstration profondément humaine et poignante?

C'est aussi une observation pudique et sensible des relations complexes mère-fille déclinées tout au long d'une vie.

C'est un roman très émouvant et très profond, qui laisse des traces.

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Jeune chercheuse à Stanford, Gifty fait plus précisément des recherches neurologiques sur le mécanisme de la récompense, afin de comprendre le phénomène plus global des addictions. Ce que l'on peut prendre au départ comme une simple passion pour ce domaine prend très vite une autre coloration lorsque l'on comprend, progressivement, que l'addiction est au coeur de son histoire familiale et que, d'une certaine façon, la jeune femme souhaite ainsi mieux comprendre sa famille. Alors qu'elle est sur le point de mettre un terme à sa dernière recherche en cours, elle doit rejoindre sa mère, en pleine crise dépressive, dans l'Alabama, pour la ramener avec elle en Californie, et s'en occuper jusqu'à ce qu'elle se sente mieux. Ce contact avec sa mère est l'occasion d'une réminiscence douloureuse de ses souvenirs, qui va mettre à jour ses propres failles.

Dans ce roman, les époques se succèdent dans de très brefs chapitres qui permettent de découvrir par à coup l'histoire de Gifty : du choix de sa mère de quitter le Ghana avec son fils, Nana, pour venir vivre aux Etats-Unis, à celui de la jeune femme d'étudier la neurologie, et ses conséquences, tout nous est expliqué dans le moindre détail. Par cette autopsie, non seulement de sa famille, mais aussi d'elle-même, nous est livrée l'histoire tragiquement banale d'une famille afro-américaine, qui doit vivre au quotidien avec le racisme ambiant, plus ou moins latent, qui plus est dans un Etat aux relents sudistes, et qui en connaît de fait la précarité inhérente. Histoire tragiquement banale, également, d'une Amérique noyée sous ses lobbies pharmaceutiques, situation entraînant en quelques années une crise majeure de la consommation des opioïdes, au coeur des recherches et des interrogations sur l'addiction entreprises par notre jeune chercheuse. Histoire tout aussi banale, finalement, d'une transfuge de classe en la personne de Gifty, ayant gravi les échelons de la recherche à la force du poignet, qui doit apprendre à vivre avec la tragédie de son passé pour se construire, voire se reconstruire, sans pour autant renier ses origines et ce même passé.

Sublime royaume est à mon sens un magnifique roman, d'une sincérité et d'un réalisme implacables – Gifty fait en effet preuve d'une précision chirurgicale quant à décrire ce qu'elle vit/a vécu ou ressent/a ressenti, dissèque tous les évènements, sentiments, sans filtre – . Les personnages, tout comme la narration, sont d'une grande richesse, sans pour autant se noyer dans la complexité : tout est en effet limpide sous la plume de Yaa Gyasi, même les considérations neurologiques parfois évoquées dans certains chapitres pour décrire les travaux de Gifty.

Je remercie les éditions Calmann-Lévy et NetGalley de m'avoir permis de découvrir ce roman.
Lien : https://lartetletreblog.com/..
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Sublime royaume est un roman qui nous offre un voyage dans le temps et dans l'espace avec Gifty. Elle est une jeune femme entre deux mondes, à la fois croyante et chercheuse en neurologie. Paradoxal ? Oui, et tout le roman nous montre comment elle vit avec cette opposition. Gifty a grandi dans une famille désunie. Sa mère a choisi de quitter le Ghana pour les USA, son père l'a suivi, avant de repartir – parce qu'elle voulait vivre dans un pays où son fils pourrait s'épanouir. Gifty ? Elle n'était pas encore née, elle n'était même pas prévue, ni désirée, même si elle a été nommée Gifty.

Le Ghana, finalement, elle en entendra peu parler, jusqu'à ce qu'elle y aille en vacances, jeune adolescente, alors que sa mère était tombée malade : en rencontrant sa tante, en découvrant la culture, les coutumes du pays dans lequel son frère est né (et pas elle), elle s'est rendue compte de ce que sa mère aurait pu devenir si elle était restée dans son pays natal. Quant à la communauté ghanéenne, si elle existe bien en Alabama, en revanche, elle est reste dispersée, et ses membres m'ont semblé peu liés entre eux. Et ce qui m'a frappé – même si le commentaire jaillit en cours de chronique, comme le sujet jaillit lui-même – c'est le racisme, sous-jacent, intégré, voire exprimé sans aucun complexe. Gifty l'a vu à travers son frère – le bon Afro-américain est celui qui fait gagner son équipe, celui qui a des compétences sportives hors-normes. Gare à lui s'il perd, s'il fait perdre : le rejet, la violence verbale n'en sont que plus violents.

Tout tourne en fait autour de ce que Gifty est incapable de dire, de raconter : l'addiction de Nana, sa mort par overdose. Son frère n'a pu se sortir de sa dépendance, en dépit de tout ce que sa mère avait mis en oeuvre. Les recherches de Gifty portent sur les mécanismes de la dépendance. Oui, il y a un lien de cause à effet entre les deux, mais pourquoi Gifty devrait-elle le dire ? Elle peut l'écrire, en attendant. Elle ne pourra en parler réellement qu'à quelqu'un qui n'exige pas de confidences, contrairement à ce que d'autres ont fait, comme si une confidence entraînait nécessairement une autre confidence, si possible intime et sensible, comme si l'amitié et l'amour entraînaient de tout savoir, de tout connaître sur l'autre et sur les siens. Avoir une relation réellement adulte, c'est aussi accepter les sentiments de l'autre.

Comment guérir de la douleur de ne plus vouloir vivre ? C'est la question à laquelle Gifty doit répondre pour sa mère. Ce n'est pas qu'elle cherche le soutien de la religion, c'est qu'elle sait à quel point la religion est importante pour sa père. Gifty s'est posé des questions sur la foi, sur sa foi, elle qui a été confrontée sa vie durante au poids de la religion. le discours tenu par les membres de la communauté, par certains pasteurs est réactionnaire, clivant, totalement contraignant pour les jeunes filles et les femmes. Les pasteurs que rencontrera Gifty sont figés dans leur conviction. Il est une seule exception : le pasteur John. Sa propre vie de famille l'a forcé à être plus humain avec les membres de sa communauté, lui dont la fille Mary, comme beaucoup d'autres, fut la cible de commérage après sa grossesse à 17 ans. Humain, oui, simplement, et il fut une des rares personnes à soutenir réellement Gifty, une des rares personnes à qui elle put faire confiance.

Sublime royaume, c'est avant tout le portrait d'une jeune femme qui s'est construit avec sa double culture, avec ses recherches autour de sa foi, avec sa volonté d'étudier, de progresser, de concilier son travail et les soins à sa mère. C'est le portrait d'une Amérique qui n'est pas vraiment le lieu de tous les possibles – mais qui peut encore le croire ?
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Quitter l'équilibre précaire de leur terre natale en aspirant à un lendemain meilleur, promesse dudit songe américain; illusion à maintes fois bernée, et trop souvent pour qu'une simple question de pigmentation. Et quand l'espoir renaît, une force occulte quelconque s'assure de rapatrier optimisme et second souffle dans son giron. « Sublime royaume » de Yaa Gyasi, où Gifty n'a d'autre choix que de se réinventer, et loin des préceptes depuis son jeune âge inculqués, s'élever contre griffes et marées à hauteur de neuroscientifique, loin des troubles de consommation, de toxicomanie des uns, loin des souris, des doutes, de l'adversité, loin des problèmes de santé mentale, ternie et tamisée, des autres. D'une lecture qui envoûte, qui épris.
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Un très beau roman sur la difficulté de cette femme, Gifty, 28 ans, née aux Etats-Unis de parents ghanéens, à concilier son éducation, pétrie de religion, ses racines (qu'elle ne connait que très peu), ses études scientifiques, le poids de la mort de son frère, de l'abandon de son père et de la maladie de sa mère.
Pourquoi cherche-t-elle à comprendre ce qui dans un cerveau pousse/retient un individu (dans son étude des souris) à/d'aller vers un plaisir, une récompense malgré un mal inévitable?
C'est bien écrit et passionnant. Un deuxième roman de cette auteure que j'ai un peu moins aimé que le premier (doit4.5 étoiles) mais un très bon moment de lecture.
Merci à Massé critique/Babelio et aux éditions Calmann-Lévy pour ce cadeau.
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Un Sublime Royaume multiple ou démultiplié : le Royaume de Dieu qui est celui qui obsède la mère de notre protagoniste, et celui de sa fille, Gifty (prénom proche de "gifted", "douée") qui elle se tourne vers le domaine de la science afin de tenter de trouver des réponses à ce qui pousse les êtres à s'auto-détruire.
Prières de l'une, recherches et expérimentations pour l'autre : deux appels à comprendre, deux côtés d'une même tentative de déchiffrer la création divine et, plus intimement, leur drame familial. Finalement une même démarche au-delà des divergences ? Quête de réponses, quête de sens...
Royaume qui, d'ailleurs, questionne Gifty, qui la torture presque.
Une vie qui se tourne vers ce royaume mais aussi celui des origines "perdues", oubliées, aux airs de Jardin d'Eden, de Parasis Perdu.
Tout, dans cet ouvrage, nous ramène au divin : même les recherches en neurosciences de Gifty, qui, le temps de ses expériences, se transforme en un dieu des souris, un dieu dur mais bienveillant, aimant malgré tout, une sorte de métaphore / allégorie de l'amour de celle qui a toujours été, en apparence, rejetée.
Un texte fort sur la différence et son acceptation, le racisme et son absurdité, les marques indélébiles qu'il laisse dans le coeur des victimes de ce fléau, sur le déchirement que provoque l'appartenance à deux pays (celui d'origine et celui d'adpption), deux cultures, deux traditions.
Un roman étonnant, différent, extrêmement touchant !
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Gifty, une jeune californienne, consacre toute ses journées à la recherche sur la dépendance aux opioïdes. Elle n'a pas d'amoureux-se, très peu d'amies, une mère qui habite loin, en Alabama. Or cette mère lui est adressée par le pasteur car elle est en profonde dépression. Elle se retrouve ainsi à avoir la charge de cette femme qui ne se lève pas de son lit, refuse de manger et ne parle plus.
Gifty est obligée de faire face, et tous les souvenirs enfouis refont surface. La mère pensait offrir un bel avenir à son fils, ce fils a disparu tragiquement, le père a préféré la culture ghanéenne à l'américaine. Gifty – un cadeau ? - sait qu'elle n'avait pas été désirée, sa mère le lui a dit bien souvent.
Toutes ces douleurs sont évoquées en douceur, par petites touches délicates, sur fond d'église omni-présente, de déracinement culturel et de racisme ordinaire.
Yaa Gyasi dévoile peu à peu la façon dont les malheurs sont arrivés, avec des chapitres courts, pour laisser souffler son lecteur reconnaissant. La narration est délicate, rythmée, parfaite.
Le sujet central de ce magnifique roman est la perte, comment l'accepter ? Comment se reconstruire après ?
Lien : http://objectif-livre.over-b..
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Gifty est une jeune américaine d'origine ghanéenne. Chercheuse en neurologie, elle va devoir faire face à la maladie de sa mère et s'occuper d'elle. A cette occasion, Gifty va revoir les souvenirs de son enfance ressurgir et va devoir faire le point sur sa vie.

Un livre passionnant qui donne à se questionner sur l'importance de l'héritage familial, conscient ou inconscient. Dans ce livre, l'auteur aborde les difficultés des familles qui sont arrivées dans un pays où les coutumes ne sont pas les mêmes que les leurs, où les croyances et les discriminations sont toujours présentent. Dans cette histoire, Gifty doit se battre pour trouver sa place, se battre contre le monde, mais aussi contre elle-même.

Une histoire passionnante.
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Un deuxième roman radicalement différent du premier, mais riche de mille façons. Avec un angle très intimiste, Yaa Gyasi dévoile la vie de Gifty et sa quête d'elle-même face aux drames qui vont toucher sa famille. Essayer de comprendre l'être humain et l'existence pour survivre, voilà ce à quoi elle va dédier sa vie.

Lien : https://myprettybooks.wordpr..
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Pour commencer, la petite histoire : j'avais repéré cette couverture depuis un moment en librairie (et, non : pas à cause des cosses de pavot ! je n'ai identifié ces dernières que tout récemment grâce à une complice d'un challenge ; moi je croyais naïvement que c'étaient des fleurs stylisées...) ; j'avais donc repéré la couverture, mais ce livre faisait partie de ceux qui m'attirent l'oeil dont je lis le 4e, et puis que je repose sans me décider, et ça a même dû arriver plusieurs fois ! (ce n'est pas que je perde la boule, mais je lis tant et tant de 4e de couverture lors de mes passages en librairie, que finalement je ne retiens pas tout par coeur, tout simplement !) Et puis, c'est encore une fois le destin appelé bibliothèque qui a tranché : visite sans but précis dans le catalogue des nouveautés, il y était et en disponibilité immédiate, j'ai donc tenté !

Il n'y a pas vraiment d'histoire dans ce livre, ou alors elle est réduite au minimum, au profit d'une longue introspection dans le passé de Gifty, la narratrice, au fil de divers flashes back présentés dans un certain désordre, mais où le lecteur se retrouve sans trop de mal. C'est l'histoire d'une petite fille née aux États-Unis de parents ghanéens, dans une famille qui compte déjà un frère aîné. le père retourne au Ghana alors qu'elle est toute petite et n'en revient jamais ; la mère est profondément croyante et participe à tous les services religieux de son Assemblée, ne se laissant jamais impressionner par son statut de mère célibataire, qui plus est Noire dans un Sud trop indolent pour être vraiment raciste. Sous ce modèle, Gifty est elle aussi une petite fille très pieuse, écrivant son journal intime adressé à Dieu, vénérant son grand frère, et respectant profondément sa mère malgré l'absence de marques d'affection entre elles. La mort brutale de ce frère adoré et pourtant plein de promesses d'avenir va lui révéler la profondeur du silence de ce Dieu, et changer à jamais sa façon de voir le monde, jusqu'à faire d'elle une chercheuse en neurosciences. Son objet d'études, menées entre autres avec des souris, porte sur les mécanismes du cerveau qui mènent (ou non) aux addictions et autres dépressions…

On pourrait croire que ce livre est une version romancée de l'éternelle dichotomie entre religion et sciences. Certes, cet aspect des choses est bien présent, mais l'autrice va bien plus loin que ça ! D'une part, elle démonte réellement cette religion, sans jamais le renier pourtant ; cette religion qui a bercé son enfance jusqu'au plus intime, mais qui a aussi fait d'elle une jeune fille vivant dans la culpabilité avant même de commettre le moindre péché, et profondément consciente de tant et tant de contradictions – ne serait-ce que : à travers les commérages des « bons chrétiens » qu'elle surprend par hasard, ou encore les différences de « style » d'un pasteur à l'autre ou, de façon encore plus frappante, d'un pays à l'autre, lorsqu'elle retourne (si l'on peut dire, puisqu'elle n'y avait jamais été) brièvement au Ghana, l'été de ses 11 ans.
Pourtant, à travers ce questionnement constant, ses doutes, ses avancées scientifiques et la défense de sa foi pure d'enfant dont elle garde une certaine nostalgie, cette « religiosité » reste à jamais présente au coeur de la chercheuse qu'elle est devenue.

Son étude scientifique quant à elle est menée avec rigueur et excellence – du moins, l'héroïne est présentée comme telle, mais en plus, l'autrice a vraiment fouillé le sujet, qui est détaillé dans un langage vulgarisé abordable, néanmoins très technique ! Précision pour les amis des animaux : Gifty précise à un moment donné, en parlant avec un autre personnage, qu'elle utilise des souris pour certaines expériences si et seulement si toutes les autres techniques possibles ont pu être utilisées ; que le but ultime est de comprendre le fonctionnement du cerveau –afin de trouver un médicament, une technique qui permettrait d'enrayer les addictions, car de telles expériences ne peuvent se faire sur un cerveau d'un être humain vivant… mais que cela ne veut pas dire qu'elle considère d'une quelque façon que ce soit l'humain comme supérieure à ses souris. Elle s'est prise d'une réelle affection pour « ses » souris ! Et en tout cas, Gifty est persuadée envers et contre tout que son étude n'est pas vaine, qu'un jour plus ou moins proche elle verra des résultats concrets.

Un petit paragraphe, assez désespéré mais tellement réaliste, résume à mon avis tout l'esprit du livre : « Mais cette tension, cette idée que nous devons nécessairement choisir entre la science et la religion, est fausse. J'avais été accoutumée à voir le monde à travers l'objectif de Dieu, et quand cet objectif s'est obscurci, je me suis tournée vers la science. L'un et l'autre sont devenus pour moi des moyens valables d'y voir clair, mais en fin de compte, l'un et l'autre ont échoué à remplir totalement leur fonction : apporter la clarté, donner un sens. »

Le tout est écrit dans une langue absolument extraordinaire, d'un niveau plutôt soutenu, et il faut s'accrocher à plus d'un endroit sur le contenu ! C'est que les notions scientifiques abordées, comme dit plus haut, sont certes vulgarisées, mais il y aurait de quoi faire tout un exposé sur le sujet ! Ce n'est pas du tout mon domaine, et je dois bien avouer que certains passages me sont à peu près passés par-dessus la tête, et j'ai dû les relire pour les comprendre un minimum. Quant aux aspects religieux, l'autrice part visiblement du principe que son lecteur a un minimum de connaissances bibliques… Elle cite de nombreuses références, qui sont quelque peu expliquées, mais pas de la même façon que les aspects neurologiques me semble-t-il.
Un exemple : « Je ne sais pas pourquoi Jésus a ressuscité Lazare d'entre les morts, tout comme je ne sais pas pourquoi certaines souris cessent d'appuyer sur le levier et d'autres pas. » Alors, oui : dans les chapitres précédents, Gifty a expliqué en long et en large en quoi consistent ses expériences, et cette histoire de levier –que je ne vais pas expliquer ici : lisez ce magnifique livre !- est quelque chose que le lecteur « maîtrise » à ce stade du livre. En revanche, Lazare arrive là comme un cheveu dans la soupe et ne sera pas davantage expliqué, pas plus que les références de ce texte ne seront citées (ce qui aurait été un début). Or, en-dehors d'un public « averti », qui connaît l'histoire de Lazare?...

Bref, ces passages de la Bible (car elle cite des passages de l'Ancien Testament, pas que les Évangiles !) sont beaucoup plus « intuitifs » et, à vrai dire, je me suis bien un peu retrouvée dans cette petite fille tellement pieuse qui parlait à son Dieu – dans un contexte complètement différent, j'ai moi aussi pratiqué l'église que j'ai connue plus qu'à mon tour, j'ai eu moi aussi une « période mystique » autrefois, et j'ai connu un détricotage progressif similaire de tout ce qui avait fait ma foi pendant longtemps… mais je n'ai pas connu d'épisode aussi dramatique que la perte d'un grand frère, et je ne me suis pas tournée vers la science ! Tout cela pour dire : quand je lisais ces passages-là, qui résonnaient de façon tellement personnelle, je me suis quand même demandé comment un lecteur moins « averti » pouvait appréhender ces parties-là…

Et à part ça, j'adore le titre ! "Transcendant Kingdom" en anglais, trop bien (comme dirait ma fille ;) ) traduit en Sublime Royaume (car « transcendant » n'aurait pas résonné de la même façon à l'oreille, or c'est important aussi, et le synonyme choisi s'applique tout aussi bien à ce livre)… mais de quel Royaume s'agit-il ? Il faut savoir que Gifty mentionne une et une seule fois le mot « royaume » dans le corps même du livre, presque par hasard ; pourtant tout le monde sait ( ?) que les chrétiens, toutes subdivisions confondues, parlent du Royaume de Dieu / des Cieux. Mais ce Royaume n'est-il pas aussi celui que son frère a rejoint bien trop jeune, à cause de cette impression de sublime, de transcendance qu'il pouvait offrir ? et qui reste une menace constante pour tant d'autres grands frères, car on comprend encore bien mal les mécanismes du cerveau qui conduisent à la recherche d'un tel royaume, les recherches de Gifty (qui, d'après les remerciements en fin de livre, ont réellement été menées !) ne sont que le début de tout un processus…

Bref, un très beau livre mais qu'il faut savoir apprivoiser, l'esprit suffisamment ouvert pour découvrir toute une série de notions en neurosciences, certes accessibles mais pas évidentes pour autant, pour moi c'était une totale nouveauté ; et pour se (re)plonger, en réalité, dans sa propre relation à la religion, ça fait réfléchir et éventuellement se souvenir, ce n'est pas un exercice difficile en soi… mais pour moi ça a eu un écho très personnel, il faut pouvoir l'accueillir car ça secoue bien un peu.
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