Citations sur Dernières aventures du brave soldat Chvéïk (23)
— Cette migration des âmes, moi aussi j'en ai entendu parler, intervint Chvéik, y a des années, je m'étais mis en tête de devenir autodidacte, comme on dit sauf votre respect, et alors j'allais à la bibliothèque de l'Union Industrielle à Prague, mais comme j'avais les vêtements en loques et qu'on voyait à travers les trous au derrière de mon pantalon, j'ai pas pu m'instruire, vu qu'ils m'ont pas laissé entrer, ils m'ont fait sortir parce qu'ils croyaient que je venais pour faucher des pardessus.
— Sais-tu ce que ça signifie de perdre la propriété de la couronne, sais-tu ce que ça signifie, espèce de fumier, de perdre son uniforme en temps de guerre ?
— À vos ordres, mon lieutenant, répondit Chvéïk, lorsqu’un soldat perd son uniforme, il doit en toucher un nouveau.
Naturellement, d'après mes notes, notre bataillon est appelé à subir de lourdes pertes, car un bataillon sans morts, ce n'est plus un bataillon.
Je fréquentais une certaine Karla Veklova, mais je ne lui plaisais qu'à moitié. Un dimanche soir, je l'emmène du côté de l'étang, on s'assied sur la digue, le soleil est en train de se coucher et moi, je lui demande si elle m'aime. À vos ordres, mon lieutenant, l'air est doux, tous les oiseaux chantent et elle me répond avec un rire affreux : « Toi, je t'aime comme un brin de paille dans le cul parce que tu es un idiot ! »
Le train roulait lentement sur le remblai fraîchement reconstruit et le bataillon eut le loisir d'observer et de goûter aux joies de la guerre, de contempler les cimetières militaires dont les croix formaient comme des nappes blanches sur les plateaux et les pentes des collines dévastées, de se préparer lentement mais sûrement au jour de gloire qui se terminerait par un képi autrichien couvert de boue se balançant sur une croix blanche.
Comme d’autres ne peuvent se passer de leur partie d’échecs, de billard ou de mariage quotidienne, le général, lui, organisait tous les jours des jugements sommaires, les présidait et annonçait avec une solennité et une joie sans mélange l’échec et mat de l’accusé.
Mon pote, sois gentil, fais quelque chose pour moi. Ouvre la fenêtre qui donne sur la rue, moi, je vais m’asseoir au bord, tu me prendras les jambes et tu me balanceras du troisième étage. Je ne veux rien d’autre dans cette vie, ma dernière consolation est d’avoir trouvé un bon camarade m’aider à quitter ce bas monde.
Tu te souviens de ce téléphoniste du Titanic qui, alors que le navire coulait, continuait à téléphoner aux cuisines submergées pour demander quand est-ce qu'on allait enfin servir à déjeuner ?
Après ce discours, l’orchestre de la brigade exécuta l’hymne impérial, on cria des hourras à la gloire de l’empereur et les différents groupes de bétail humain destinés à l’abattoir quelque part sur l’autre rive du Bug se mirent en marche conformément aux dispositions prévues.
Derrière la gare, des Honveds-hussards passaient à tabac deux Juifs polonais auxquels ils avaient volé une hotte remplie de bouteilles de gnôle. En guise de paiement, ils leur cassaient allégrement la figure, opération vraisemblablement licite, car, à quelques pas de là, le capitaine observait la scène avec le sourire, alors que derrière le magasin d’autres Honveds-hussards mettaient la main sous les jupes de jeunes personnes aux yeux noirs, les filles des juifs battus.