— Pauvres enfants ! dit Sesmin : votre Marx a écrit son foutu Capital le cul bien au creux de coussins en soie rose. Le fric de la vente de ses livres, il l’a bien palpé, non ?
[L]a pire résignation est celle qui se donne l’alibi de la révolte.
Si l’on nous avait prévenus qu’un jour, sortant du Prytanée, nous serions absolument libres, sans règlement ni punitions, sans cette servilité commode qui nous tenait lieu de conscience, nous aurions ri : comment saurions-nous nous débrouiller sans chaînes ?
J'étais le jeune homme de service, entouré, un peu choyé ; et j'étais sur des rails : un débutant à qui on jurait que s'il continuait sur cette voie, sans faire de vagues, en approfondissant avec discrétion ce qui, en littérature, s'était toujours fait, et s'il persistait dans une honorable et délicate insignifiance, sans chercher AUTRE CHOSE, serait récompensé - on l'intégrerait.
J'ai déserté.
Lorsque je n'existerai plus pour le Prytanée, quand mon corps lui aura échappé, c'est alors que j'existerai.
Si vous lisez vraiment des phrases, elles anéantissent vos lourdeurs. La graisse des plaintes se liquéfie. Quelque chose déserte en vous. La vie des phrases est le seul royaume. C'est ainsi que j'ai déserté. A force de me nourrir de phrases et de nuit, je traversais les journées avec un masque. C'était une désertion inapparente, une méthode d'absence et un plaisir/
Devant les paupières qui refusent de se baisser, le monde peu à peu perd son éclat; il se brouille, se confond finalement et disparaît. Le secret des comédies forcées réside toujours dans une soumission, fût-elle cachée.
Je respectais Gascon :
1° Parce qu'il nous faisait lire et nous encourageait à la littérature (vivre avec des objections, disait-il, sinon ne pas vivre ; adossez vos châlits à la bibliothèque ; lisez, noircissez vos carnets, énervez-vous, assomez-nous de poèmes, s'ils sont mauvais, ce que je souhaite, on en enveloppera le beurre chez l'épicier) ;
2° Parce qu'il aimait les militaires sans être de leur côté ;
3° Parce qu'il avait le courage, en classe, de ne rien cacher de sa vie, d'être frileux et affecté, et de réduire les illusions par des détails ;
4° Parce qu'il m'apprit à prendre le néant au sérieux.