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Citations sur Les nouveaux chiens de garde (63)

Comment parler du journalisme français sans citer le nom de certains des trente associés de son conseil d'administration, qui survivent à toutes les alternances, politiques et industrielles ? Assurément leur personnalité ou leur talent sont ordinaires. Trente autres feraient tout aussi bien l'affaire. Loin de se faire concurrence, ils ne cessent de troquer des complicités, ajoutant aux contraintes précédemment évoquées celles que leurs connivences font égoïstement peser sur toute une profession, ses princes et ses soutiers.
Un milieu. Idées uniformes et déchiffreurs identiques. Journalistes ou "intellectuels". Peu nombreux. Inévitables, volubiles. Entre eux la connivence est de règle.
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Le 11 septembre 1996 sur Europe 1, un flash: « Saddam Hussein continue de narguer les Américains. Un missile irakien a été tiré contre un chasseur américain. » Le lendemain, le journaliste d'Europe 1 devait se sentir conforté dans son choix; sur toute la largeur de la page 3, Le Figaro titrait: « Saddam Hussein brave les États-Unis ». « Nargue », « brave » et personnalisation de l'offense: il s'agissait pourtant d'avions américains bombardant le territoire irakien... Au tamis de la « guerre de civilisation », l'information internationale passe mal. Et, sans cette écriture automatique, intellectuellement peu exigeante, elle prend trop de temps. Les radios privées l'ont compris: RTL ne compte que quatre correspondants permanents à l'extérieur de l'Europe. Dont zéro en Afrique, zéro en Asie et zéro en Amérique latine.
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[À propos des journalistes mainstreams :] « Beaucoup savent que leur puissance, comme d'ailleurs leur notoriété, n'a pas de légitimité, a suggéré Philippe Meyer. Elle n'est due qu'à la fréquence de leurs apparitions ; pas à leur travail ni à leurs connaissances ni à leur savoir-faire. »
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Et quiconque accède au sommet de la hiérarchie, en tant que rédacteur en chef, chroniqueur politique, éditeur, présentateur, critique de théâtre, etc. apprend à réagir avec la souplesse accomodante d'un majordome anglais qui apporte des toasts beurrés au prince de galles.
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Parlant des journalistes de son pays, un syndicaliste américain a observé : « Il y a vingt ans, ils déjeunaient avec nous dans des cafés. Aujourd'hui, ils dînent avec des industriels. »
En ne rencontrant que des « décideurs », en se dévoyant dans une société de cour et d'argent, en se transformant en machine à propagande de la pensée de marché, le journalisme s'est enfermé dans une classe et dans une caste. Il a perdu des lecteurs et son crédit. Il a précipité l'appauvrissement du débat public. Cette situation est le propre d'un système : les codes de déontologie n'y changeront pas grand-chose. Mais, face à ce que Paul Nizan appelait « les concepts dociles que rangent les caissiers soigneux de la pensée bourgeoise », la lucidité est une forme de résistance.
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Paul Nizan le disait déjà il y a bien longtemps : « M. Michelin doit faire croire qu'il ne fabrique des pneus que pour donner du travail à des ouvriers qui mourraient sans lui. » *
Depuis, ce qui a surtout changé, c'est que les journalistes parlent comme M. Michelin.

* Paul Nizan, Les Chiens de garde, Paris, Maspéro, 1976, p. 61 (réédité par Agone, Marseille, 1998).
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Luc Ferry, que Jean-Pierre Raffarin nomma président du Conseil d'analyse de la société à titre de lot de consolation (rémunéré) après l'avoir évincé du gouvernement, a dévoilé un jour à Thierry Ardisson* le sens de ces structures consultatives. Il prit l'exemple de la « réforme » des retraites : « Ce qui a permis malgré tout de convaincre, c'est qu'il y avait eu avant des comités, des conseils qui s'étaient réunis. Et d'une certaine façon, les élites, notamment journalistiques, savaient qu'il n'y avait pas autre chose à faire. Et ça c'est très utile. On a besoin, si on veut un jour proposer de vraies réformes, que, au moins, la partie éclairée de l'opinion publique soit formée.»
En somme, pour « passer » plus facilement, une remise en cause de la protection sociale requiert l'appui des journalistes.

* « Tout le monde en parle », France 2, 22 janvier 2005.
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L'incessante vadrouille télévisée de quelques intellectuels mondains en phase avec l'air du temps verrouille tout le système. Lucide et cynique, Alain Minc a expliqué : "Le système médiatique sécrète une concentration du pouvoir auprès de laquelle 'l'accumulation primitive du capital' chère à Marx représente une bluette. Un tri s'est effectué qui n'a profité qu'à une poignée d'intellectuels." Mais au fait, qui donc a trié Alain Minc ?
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Le directeur de la rédaction [de La Tribune] a expliqué en mai 1998 que "l'intérêt de l'actionnaire ne doit pas être remis en cause par un journal qu'il contrôle" même si cette censure opère "au détriment du lecteur".
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Le 17 octobre 1995, par exemple, un attentat a eu lieu à Paris dans le RER. LCI, la chaîne câblée d'information continue appartenant au groupe Bouygues, fait aussitôt appel à un « spécialiste de l'islamisme ». Et, dans le verbiage désordonné de ces moments de fièvre où l'antenne est occupée par une nouvelle tellement répétée qu'elle en devient exsangue, la question fuse : « Est-ce que vous n'avez pas l'impression d'une fracture de plus en plus grave entre les Français et les musulmans qui vivent dans notre pays ? » Vocabulaire passe-partout de la « fracture », distinction implicite entre les « Français » et les « musulmans », association automatique de ces derniers avec « l'islamisme » : rien de tout cela n'était malveillant. Mais la maladresse de la question ne pouvait que consolider une structure mentale dont elle était elle-même le produit. Comment être ensuite surpris quand une mythomane accuse de jeunes maghrébins et noirs d'une agression antisémite imaginaire dans le RER et se justifie, par une formule d'anthologie, d'avoir inventé l'identité particulière de ces agresseurs : « Parce que quand je regarde la télé, c'est toujours eux qui sont accusés. »
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