Quand la gauche essayait: Les leçons du pouvoir

[L]ancer le débat sur un thème aussi biaisé que la part des impôts dans l'économie nationale c'était, pour la gauche, s'installer pour de bon sur le terrain de l'adversaire. [...] Le fait qu'en France les besoins d'éducation, de santé et de solidarité soient assurés par l'État [...] ne rend pas la satisfaction de ces besoins moins « obligatoire » que dans des pays (comme les États-Unis) où les frais exorbitants de l'éducation supérieure sont payés par les parents, où les soins médicaux sont couverts par des assurances individuelles, (qu'il faute donc acquitter comme un « impôt », même s'il n'est pas « obligatoire »), et où la solidarité est abandonnée au bénévolat et à la charité.

Tel le Sisyphe de Camus, la gauche française a longtemps été condamnée au « supplice indicible où tout l'être s'emploie à ne rien achever ». Vint un moment où elle en eut assez de sa lutte vers les sommets, de son rocher qui roule et de sa nuit sans fin. Redescendue dans la plaine, elle s'y est installée pour de bon.

Chantiers navals, charbon, sidérurgie, automobile ; c'est à coups de licenciements généralisés que les socialistes « restructurent » des secteurs industriels en difficulté. La presse d'affaires anglo-américaine ne cache plus son plaisir : le US News and World Report relate la « transition française du socialisme au reaganisme » et le Financial Times se félicite que « la plupart des erreurs de 1981 aient été corrigées par la suite ». Quant au Wall Street journal, il titre un de ses éditoriaux « Hoorah pour Mitterrand ».

[L]es socialistes [sous Mitterrand] vont tant garnir les arbres de Noël du patronat que – fait sans précédent ni en 1924 ni en 1936 – une partie des chefs d'entreprise va envisager de rompre un long mariage avec la droite. Quelques mois avant les élections législatives de mars 1986, un journaliste [...] exprime son inquiétude : « La dernière mode en date dans les milieux patronaux est de se demander si, tous comptes faits [sic], il ne serait pas préférable que les socialistes restent au pouvoir. »

L'aide Marshall avait ressuscité « le vieil esprit collabo de la France, sacrifiant l'indépendance politique du pays en échange de la protection des intérêts d'une classe privilégiée contre le danger révolutionnaire ». Lorsque de Gaulle se prépare à une seconde croisade, celle-là dirigée contre l'Union soviétique et ses agents « séparatistes » en France, nombre de ceux qui attendent de le suivre ont été absents de la première.