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Critique de colimasson


On distingue souvent les Chiens de garde de Paul Nizan, publié en 1932, des Nouveaux chiens de garde de Serge Halimi par la nature des personnages qui y sont critiqués : d'un côté les philosophes gardiens de l'ordre bourgeois, de l'autre les journalistes garants de la société capitalo-consumériste. En réalité, les deux catégories sont assez proches lorsqu'on se souvient que la plupart de nos journalistes chiens-de-garde cherchent à montrer patte blanche en publiant également, à leurs heures perdues, des roucouleries philosophiques d'autant plus cyniques qu'elles contribuent souvent à alimenter le problème dénoncé (qu'on pense à la Défaite de la pensée de Finkielkraut, Les peurs françaises d'Alain Duhamel ou Toute vérité est bonne à dire de Laurent Joffrin, pour n'en citer qu'une partie).


Les époques changent, les formes évoluent mais le problème reste le même : pour conforter le pouvoir économique et social de quelques privilégiés, détenteurs de grands groupes industriels, des journalistes ont vendu leur âme au diable. Pire que ça : ils sont devenus son porte-parole et pour ne pas se faire pincer, ils entourent sa propagande d'une langue de bois teintée d'humanisme, de progrès social, de démocratie et d'européanisme, corrompant le sens de ces termes et participant à un désenchantement massif des foules. Si le désenchantement est massif, la lassitude et le désespoir risquent alors de conduire à des extrémismes bariolés, peut-être moins sains d'apparence mais aussi moins hypocrites et donc paradoxalement plus rassurants.


Serge Halimi démontre la dépendance du journalisme aux grands groupes industriels au court de cet essai composé de quatre chapitres. Il traite des rapports des journalistes dominants avec les dirigeants politiques, de la domination des média par les plus grands groupes industriels et financiers, de l'établissement d'un journalisme de marché asservi à des exigences économiques et des rapports intersubjectifs des journalistes et intellectuels visant à assurer leur autopromotion. Cet essai fournit les exemples les plus probants tendant à montrer qu'on prend le peuple pour une poubelle à raclures, tout juste bon à produire du bénéfice.


Comme le rappelle Pierre Bourdieu dans la préface, ce livre n'est pas la signature de l'acte de décès de la profession journalistique. Serge Halimi condamne seulement la forme la plus criante de corruption journalistique –celle qui sacrifie son honnêteté intellectuelle pour des intérêts financiers douteux-, sachant qu'il existe aussi des journalistes consciencieux et indépendants, mais leur portée médiatique est étouffée par les gros poissons.


"Révérence face au pouvoir, prudence devant l'argent : cette double dépendance de la presse française crée déjà les conditions d'un pluralisme rabougri. Mais on ne peut s'en tenir là. Tout un appareillage idéologique conforte la puissance de ceux qui déjà détiennent autorité et richesse. La somme des sujets tenus à distance et des non-sujets matraqués en permanence étend le royaume de la pensée conforme."


Serge Halimi ne révolutionne rien mais il braque son projecteur sur des phénomènes qui nécessitent l'obscurité pour se déployer dans toute leur perfidie.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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