Une femme d'imagination et autres contes

Elle lui raconta par le menu le tout récent événement ; et les deux jeunes gens demeurèrent silencieux, dans cette disposition d’esprit sereinement philosophique à laquelle on accède lorsqu’une tragédie survient à proximité sans que soient impliqués les philosophes eux-mêmes.

Le véto du fils
Chapitre I

Elle sombra dans un tel état d’hébétude que, de plusieurs jours, elle ne quitta pas la maison. Survint alors une aube qui se leva dans la brume et le brouillard, laissant deviner derrière elle une aurore d’un gris verdâtre, (...).

Le mélancolique hussard de la légion allemande
Chapitre V

Le jeune soldat étranger était pour elle une sorte d’être idéal, exempt des servitudes de cohabitation du commun des mortels ; descendu Dieu sait d’où et qui disparaîtrait Dieu sait où ; le sujet d’un rêve enchanteur – rien de plus.
Leurs rencontres avaient désormais pris un tour quotidien ; elles avaient lieu presque toujours au crépuscule, pendant le court instant qui séparait le coucher du soleil de la minute où le dernier coup de trompette enjoignait au hussard de regagner sa tente.

Le hussard mélancolique de la légion germanique
Chapitre III

Bien loin d’être aussi gai que son uniforme, le régiment était envahi d’une pernicieuse mélancolie, d’une affreuse nostalgie, source de dépression profonde chez les hommes, à tel point qu’ils n’avaient pour ainsi dire plus la tête à l’exercice. (...)
Parmi les plus atteints de ce mal du pays, comme il disait dans sa langue, on comptait Matthäus Tina, dont la nature rêveuse et contemplative avait de la noirceur de l’exil une perception encore avivée du fait qu’il avait laissé à la maison une mère esseulée sans personne pour l’égayer.

Le hussard mélancolique de la légion germanique
Chapitre II

Jamais elle ne l’aima à franchement parler, m’assura-t-elle, mais elle nourrissait pour lui une véritable estime ; elle admirait le soin pour ainsi dire méthodique et obstiné qu’il prenait parfois à se divertir ; elle appréciait sa connaissance des faits et gestes, présents, passés et à venir, de la cour ; et elle n’était pas sans éprouver un sentiment de fierté d’avoir été choisie alors qu’il aurait pu exercer un choix plus ambitieux.

Le hussard mélancolique de la légion germanique
Chapitre I

Au comble de la solitude, Phyllis restait pourtant sereine. L’homme qui avait demandé sa main était à plus d’un titre un parti avantageux pour elle ; son père voyait sa demande en mariage du meilleur œil ; malgré tout, Phyllis trouvait à cet abandon quelque chose de fâcheux, sinon de douloureux.

Le hussard mélancolique de la légion germanique
Chapitre I

Il restait presque toute la journée dans son jardin; plus le temps passait, plus s’aiguisait la conscience d’avoir gâché sa vie à la poursuite d’illusions, plus il devenait irascible. Il voyait ses amis de moins en moins souvent.
Phyllis devint si farouche que lorsqu’elle faisait une rencontre au cours de ses brèves promenades, elle se couvrait de confusion sous le regard de l’inconnu, sa démarche s’embarrassait, elle rougissait jusqu’aux oreilles.
Pourtant, un soupirant dénicha Phyllis jusqu’en sa retraite et, contre toute attente, demanda sa main.

Le hussard mélancolique de la légion germanique
Chapitre I

Ancien médecin libéral, le Dr Grove avait vu, en raison de son penchant à la méditation solitaire sur des questions métaphysiques, s’amoindrir sa clientèle au point de ne plus avoir intérêt à continuer d’exercer. Il y avait donc renoncé, louant pour un prix insignifiant la petite maison décrépite, mi-ferme mi-manoir, de ce coin perdu de l’intérieur du pays, afin d’avoir de quoi vivre avec un revenu qui, en ville, n’eût pas suffi à leur entretien.

Le hussard mélancolique de la légion germanique
Chapitre I

L’isolement de la fille était grand ; mais plus grand encore était l’isolement du père. Elle vivait dans une sorte de crépuscule social ; lui, de ténèbres. Mais si lui appréciait ces ténèbres, elle, ce crépuscule l’accablait.

Le hussard mélancolique de la légion germanique
Chapitre I

L’histoire, je l’ai cueillie des lèvres mêmes de Phyllis. C’était alors une vieille dame de soixantequinze ans, et son auditeur un gamin de quinze ans. Elle imposa le silence sur son rôle dans le déroulement de cet incident jusqu’à ce qu’elle soit « morte, enterrée, oubliée ». Elle vécut encore douze ans après le jour de son récit et cela fera bientôt vingt ans qu’elle est morte.

Le hussard mélancolique de la légion germanique
Chapitre 1