AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de AtelierdeClaire


Déroutant et perturbant, dans le style comme dans le fond !
Ça m'arrive rarement, mais j'avoue que j'ai eu du mal à avoir un avis pertinent sur ce roman et à savoir si je l'avais apprécié. C'est très étrange comme sensation...

En explorant à sa façon la dualité homme-femme qui existe en chacun de nous, l'autrice met à profit sa formation de psychanalyste pour nous embarquer dans une histoire totalement "perchée", qui m'a carrément retourné le cerveau, au sens propre comme au figuré !

Déjà, le concept : il faut s'accrocher, du moins pour un esprit psycho-rigide et cartésien comme le mien, car on part très loin, aux confins des fantasmes les plus fous, entre science-fiction et voyage introspectif et psychanalytique.
Partons donc du postulat qu'une partie de notre âme, se trouvant à l'étroit, refoulée et bridée dans notre propre corps, migre pour squatter celle d'un autre individu, de sexe différent pour corser l'affaire ! ... Quelles en seront les conséquences ? Cela sera-t-il viable ?
Il y a du Freud là-dedans, on est à la limite de la schizophrénie, justifiée par les traumatismes de l'enfance, sous l'éducation d'une mère "castratrice".

Et nous voilà partis à réfléchir à "Qui suis-je ?", "Suis-je un ou multiple ?", "Suis-je seule détentrice de mon âme ?" , "Puis-je me délester d'une portion de moi-même sur un autrui pour lui permettre de s'épanouir ?", "Pourquoi se construit-on en fonction des attentes de ceux qui nous élèvent, et refoulons-nous la part de nous-mêmes qu'ils ne souhaitent pas voir ?"...

Tout cela doublé d'une narration très particulière qui a contribué à me perdre plus d'une fois, tant il était difficile de savoir qui s'exprimait.
Quand un seul esprit cohabite dans deux corps, et plusieurs esprits dans un même corps, le tout vu de l'intérieur, puis de l'extérieur... Quand "je" est aussi "il", mais en même temps "elle", tout en étant "moi", puis que la narratrice externe s'en mêle... Vous la sentez monter vous aussi, la céphalée ??

Ajoutons à cela que l'autrice est très érudite et nous le fait savoir en usant de nombreuses et très pointues références littéraires, importantes pour la compréhension du texte, mais dont certaines subtilités ont malheureusement manqué à ma culture... Mieux vaut donc maîtriser entre autres, Virginia Woolf et son Orlando, ainsi que Proust et sa Recherche pour bien suivre.

Ensuite, un point m'a un peu dérangée : c'est l'aspect réducteur, caricatural et grossier conféré à l'âme masculine, en la résumant quasiment à une obsession permanente pour l'activité sexuelle, présentée comme libératrice. J'y ai trouvé un certain manque de finesse, comparativement au reste de l'analyse qui est bien plus poussée, et je n'ai pas compris l'intérêt d'une insistance si redondante.

Cela dit, j'ai apprécié la découverte de cette autrice, d'un style et d'un scénario original et inattendu. J'ai été curieuse de voir jusqu'où J. Harpman allait pousser la folie du concept de son roman. Je me suis enrichie des réflexions qu'elle a fait naître au fil des pages.
Mais j'ai quand-même été assez perturbée par l'aspect si loufoque de l'histoire et de la narration. Où a-t-elle été chercher tout ça ?? Et après mes efforts pour pénétrer cet univers si particulier, j'ai finalement été plutôt déçue par la toute fin, que j'ai trouvée un peu abrupte et trop facile, au regard de l'aspect tortueux du reste du roman.

Je retiendrai donc une lecture exigeante, riche, complexe et marquante, qui, si elle m'a intéressée, instruite et amenée à réfléchir, m'a apporté plus de noeuds au cerveau que la détente et le plaisir escomptés.

(Challenge Solidaire Babelio 2022 - 5/30)


Commenter  J’apprécie          156



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}