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Quand elle quitta son père, la divorcée arrivait dans l'allée avec un sac en papier, sans doute une bouteille de gin. Elle lui adressa un signe de tête, et Catherine l'imita. Au moins il avait quelqu'un, mais parfois, quelqu'un c'est pire que rien.

Catherine s'éloigna sur la pointe des pieds, s'installa à la table de la cuisine et lut de la poésie pendant une demi-heure, une vieille habitude matinale.

D’où lui venait cette idée qu’il lui fallait cinq cents dollars de fonds de retraite ? Ayant toujours vécu au jour le jour, il n’était pas du genre à penser à l’argent, mais le nombre cinq cents l’obnubilait depuis peu. Maintenant qu’il venait de dépasser la cinquantaine, se dit-il, son cerveau avait peut-être changé. Ca semblait impossible, mais c’était peut-être vrai. Pour reprendre les termes de Gretchen, c’était sans doute ça l’âge mûr. Grand-père avait hérité de leur petite ferme et après son décès C.B. la vendit et dilapida très vite cet argent. Il la vendit non pas par cupidité, mais pour se débarrasser de ses souvenirs. A présent, il aurait bien aimé posséder une bicoque à côté d’un torrent au fond des bois, au lieu de se déplacer de chalet en chalet. Ca aussi, c’était une idée nouvelle.

On était le 19 mai ; presque toujours dans la Péninsule Nord, les cerisiers de Virginie se couvraient de fleurs durant le dernier week-end de mai à Grand Marais et un peu plus tôt vers le sud, dans la région d'Escanaba. Chaque année, il choisissait toujours deux torrents et une rivière où camper puor pêcher la truite près de cerisiers de Virginie en fleur. Leur odeur était pour lui un merveilleux narcotique. S'y mêlaient aussi les senteurs du cornouiller et du prunier. Il devait se mettre en route, se dit-il aussitôt, s'il ne voulait pas manquer la floraison des cerisiers de Virginie, ce qui était impensable.

Le nord du Middle West grouille de femmes désireuses de s'installe à Hawaï. Si vous n'aimez pas pêcher à travers la glace ou taquiner le crapet, faire de la motoneige ou vous enduire de spray antimoustiques, autant tenter votre chance ailleurs.

Jerry appela pour lui dire qu'il lui envoyait les cendres de sa mère par FedEX.

Bon. Voilà le scoop. J'ai envoyé un chèque de trois mille boules à l'ne de mes filles, Margaret, pour qu'elle se paie des fringues, parce qu'elle avait rien que des A à la fac. Elle a fait encaisser mon chèque par une organisation appelée le Cercle du Ciel et de l'Enfer. J'ai demandé à un vieux pote du département des sports de vérifier tout ça. C'est un groupe de bouddhistes zen dirigé par un maboul californien. Attention : je ne suis pas idiot au point d'ignorer que les bouddhistes zen constituent une confrérie très respectée. Mais ce connard s'est pointé avec sa grande robe noire pour embrigader une tripotée de paumés. Il fait fait hurler comme des singes. (p.255)

Gretchen lui rappelait une chanson qu'il détestait, You can't always get what you want. Cette femme suscitait chez lui une kyrielle d'espoir, mais il se retrouvait toujours les mains vides avec elle. Il ne comprenait pas cette capacité qu'il avait de la désirer et il croyait qu'il ne la comprendrait jamais. Il soupçonnait que c'était ce que tout le monde appelait l'amour, un truc auquel il ne pigeait rien car, e disait-il, il n'avait pas eu de mère dont il pouvait se souvenir. On commence par aimer sa mère et puis on va de l'avant. Il se souvenait d'une vague silhouette dans un chalet surchauffé où il étouffait. Cette forme floue versait de l'eau froide sur lui et il respirait enfin. (p.148)

Elle voyait la vie comme un tourbillon permanent dans lequel les gens se comportaient affreusement. A quoi bon pardonner les premiers tourbillons ? Elle savait néanmoins que,si sa mère le demandait, elle lui pardonnerait, convaincue qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Le passé survit en chacun de nous. Peu importent les coups reçus, ces blessures ne sont que les déchets informes de la mémoire, si souvent manipulés qu'ils deviennent indolores, à peine vivants. (p.93)

Ce fut la dernière bagarre de C.B., surtout parce que le gosse de Feike lui avait foncé dessus pour lui mordre la jambe, et aussi parce que peu après, dans un saloon d'Amasa, il avait vu le boxeur Benny Paret mourir lors d'un combat télévisé. C. B. n'avait jamais reçu plus de vingt dollars pour se battre, l'équivalent de dis packs de bière, une boîte de bœuf en conserve et un paquet de crackers. Pourquoi risquer de tuer quelqu'un pour ça?