"Tous ses personnages sont doués de l'ardeur vitale dont il était animé lui-même. Toutes ses fictions sont aussi profondément colorées que ses rêves. Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre."
Baudelaire, Théophile Gautier
Le plus souvent, dans les romans qui se passent à Paris la rue est un décor, une atmosphère, un fond où les personnages circulent, se rencontrent et vivent leurs aventures. Pour la rue balzacienne, il en va autrement : les lieux où habitent et évoluent les personnages font partie de leur personnalité, ils les définissent au même titre que leur physique, leur costume ou leur intérieur.
Ses contemporains l'ont bien vu (mieux que nous ?), Balzac est le créateur du roman moderne, le peintre de la ville moderne, il occupe la place parisienne centrale entre Rousseau, Diderot et Restif d'un côté, et Baudelaire, Apollinaire et Breton de l'autre.
" Les boulevards sont à moi, à moi l'ombrage des Tuileries, les lilas du Luxembourg, à moi les jeunes colonnades du Palais-Royal. Ah! personne ne connaîtra si bien que moi les heures délicieuses où Paris s'endort, où le dernier roulement d'un carrosse retentit, où les chants des compagnons cessent." Personne ne connaîtra si bien que moi : admirable futur, magnifique mégalomanie - et la suite lui a donné raison.
Les courtisanes balzaciennes ont bien des traits communs avec leur créateur ,le mépris des règles,l'imagination, l'insouciance du risque , le sens du féerique.