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Citations sur Thecel (13)

Dans son tout premier souvenir, Moïra est couchée sur le dos et regarde, au-dessus d’elle, la fresque en mosaïque qui orne l’intérieur du plafond concave. La coupole paraît aussi vaste, aussi lointaine qu’un ciel, toute recouverte de petits carreaux aux couleurs stupéfiantes : bleu nuit, jade profond, ocre, doré.
Moïra est couchée dans un lit à la taille de son petit corps, au centre de la très grande nurserie impériale. Une lumière de début ou de fin de journée entre par les hublots percés dans les murs. Elle ne sait plus ce qui était peint là-haut, mais n’oublie rien du ravissement, de la joie sans partage qu’elle reseentait alors.
« Et le plus beau, raconte-t-elle, c’est qu’il y avait comme de la neige… »

« Des poussières, tu veux dire. Des poussières dans la lumière.
– Non. C’était de la neige. Comme si le plafond, comme si la mosaïque et toute la nurserie étaient pris dans une sorte de tempête. »
Aslander rit. Il a quinze ans. Moïra en a huit.
Le frère et la sœur arpentent la lice d’entraînement, leurs armes à bout de bras. Aslander tient également contre lui le casque qu’il a ôté, laissant libres ses cheveux longs et emmêlés. Moïra aime leur abondance, leur épaisseur et la liberté avec laquelle ils poussent. Elle aime aussi la délicatesse des oreilles de son frère, et sa nouvelle voix grave, pas encore tout à fait contrôlée.
Si un adulte les appelait depuis une fenêtre ou bien surgissait au bout de la piste, ils pourraient faire croire à une pause dans leurs exercices martiaux. Se remettre en position, face à face. Affermir la prise sur les targes, serrer les mâchoires, bander les muscles, et se pointer vers le visage les mouches de leurs épées. Mais tant qu’aucun maître d’armes ne les y obligera, ils n’ont aucune intention de se jeter à la gorge l’un de l’autre. Pas même par jeu.
Depuis que Moïra est au Couvent, ils ne se voient plus que quelques semaines par an. Il lui faut attendre les mois de vendanges, au cours desquels les Mères renvoient les élèves, pour qu’on l’autorise à revenir au Palais. Souvent alors, Aslander est ailleurs, à parcourir, observer et apprendre, ou bien accaparé dans une aile lointaine du Palais, par des fêtes, des jeux avec des amis d’enfance qui, de plus en plus, se comportent avec lui comme des courtisans.
Moïra et Aslander chérissent ces moments volés aux études, aux responsabilités, aux règles et rites de l’Empire. Passer un peu de temps juste tous les deux. Ne rien se dire d’important.
« Ne te moque pas, insiste Moïra.
– Tu avais quel âge dans ce souvenir ?
– Je ne sais pas. Je tétais encore. Un an ?
– On ne peut pas se faire de souvenirs à cet âge-là. C’est impossible de se rappeler quoi que ce soit qui nous soit arrivé avant trois ans. »
C’est impossible. C’est regrettable. C’est ainsi.
Moïra reconnaît, jusque dans les doctes intonations, les expressions empruntées aux Sœurs.
« Je te jure. Je te jure que moi, je me rappelle. »
Son frère regarde au loin, la perspective grise de la cour encaissée, le couloir qui mène aux jardins en contrebas. Il a un air distrait et vaguement triste. Moïra sort de son chemin pour lui donner un coup d’épaule, le bousculer un peu, le tirer de sa rêverie. Mais Aslander a bien forci depuis l’an dernier, il a grandi aussi, et la charge de sa cadette ne l’ébranle pas.
« On n’a qu’à aller voir, propose-t-elle alors.
– De quoi tu parles ?
– La mosaïque de la nurserie. Toi et moi. »
Il s’arrête.
« T’es complètement folle.
– Tu verras si j’ai pas raison. »
Aslander a des yeux doux et fragiles : une veine éclatée y fait une tache rouge profond.
Il la regarde, sourit.
« De la neige, hein ? »
Il a retrouvé sa voix habituelle et son intonation veut dire : allons-y.
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On ne lui a rien expliqué. Mise devant le fait accompli. C’est ainsi que la vérité se pratique chez les humains : on prétend qu’elle est malléable, qu’elle est subjective. Qu’on peut jouer avec. C’était un arrangement comme il s’en pratique à la cour de l’Empire. Une alliance de circonstance entre les sœurs guerrières et la famille impériale. Le pouvoir, peut-être, se paie à ce prix-là.
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C'est terminé.
Le pays entier a fini de basculer sur lui-même.
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