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Citations sur Yama Loka Terminus : Dernières nouvelles de Yirminading.. (19)

Quand l’avion se pose pour faire correspondance à Yirminadingrad, le soleil est déjà couché. L’aérogare fourmille de militaires en armes qui nous orientent vers les sous-sols. Personne ne nous fournit la moindre explication.
Deux policiers avec des masques à gaz contrôlent mon passeport biométrique avant de me fouiller, d’inspecter mes vêtements avec une sorte de compteur Geiger puis de me faire entrer dans un grand hall sans fenêtres où une partie des passagers de mon vol attendent déjà. Certains sont assis sur les banquettes en acier mais la plupart sont restés debout. Les visages sont aisés à décrypter : fatigue des passagers réveillés au moment de l’atterrissage ; colère de consommateurs mécontents, rédigeant dans leur tête des lettres de protestation ; anxiété de téléphages, persuadés que la fin du monde prophétisée par les infos est pour maintenant. (« Escale d’urgence (matériaux pour un adultère) »)
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Quelqu’un avait tagué « Amon Râ » sur l’enseigne de son garage et Vasil, depuis plus de vingt ans, l’avait laissée sans repeindre. Les gars du quartier de l’autostrade s’étaient mis à le surnommer l’Égyptien ou Coup-de-Soleil. Ils se moquaient en vain du vieil homme, qui continuait de leur sourire comme si personne, jamais, n’était venu saloper la façade de son commerce.
Un soir j’ai vidé avec lui deux bouteilles de whisky polonais, essayant de tuer la nuit et d’oublier un chagrin d’amour qui n’était pas le mien. Mon cousin Dobri habitait à l’étage : il m’avait planté pour partir à la recherche d’une fille qui n’avait fait que le tromper jusque-là et qui continuerait à le faire par la suite. Me voyant désœuvré sur son trottoir, le vieil Amon m’avait invité à partager la goutte. La goutte avait duré après l’aube. Sur les murs de son atelier, il avait suspendu des centaines et des centaines d’enjoliveurs, qui brillaient comme des disques d’or dans la lumière crue de l’ampoule.
Il avait fini par me dire, de sa voix floue de poivrot hébété, qu’il était heureux d’avoir choisi d’être homme. Qu’avec les autres dieux, là-bas, à Thèbes, la vie était insupportable. Qu’il aimait sa mortalité, son garage, ses voisins et ses petits soldats de collection.
J’aime à croire que Vasil vit toujours, qu’il travaille au même endroit. De tous les dieux de Yirminadingrad, il était de loin le plus sympa. (« Ces photos de moi que l’on n’a jamais prises »)
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Le précédent directeur général de la fourrière est enfermé dans un institut de rééducation par l’art. Un type bien, qui me comprenait. Un ami, presque. L’affaire qui lui a coûté sa place nous a aussi coûté les trois quarts de notre budget annuel. (« Clair de lune, chienne de ville »)
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Dealer de cauchemars est le meilleur plan pour quelqu’un dans mon genre. Pour que ce soit bien clair, j’entends par là quelqu’un qui n’aime pas bosser et qui n’a pas envie non plus de faire des allers-retours à la prison centrale de Quartier Gauche. Beaucoup de loisirs et suffisamment d’argent pour ne pas s’ennuyer pendant son temps libre. Bienvenue dans le capitalisme de pointe. Soyez vous-mêmes l’offre. Donnez satisfaction à la demande. Marchandises de tous pays, unissez-vous. (« …Toutes les flammes sont égales… »)
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Peut-être n'est-ce que ça, la mort : une libération de l'emprise du temps. Peut-être l'acte même de mourir est-il [...] une dilatation du temps, une ouverture sur un espace infini où la dernière seconde, le dernier souffle, deviendrait une éternité géométrique. [...] Ce n'est peut-être que notre processus perceptif qui nous interdit d'expérimenter l'incommensurabilité du temps. Peut-être que la mort n'est rien que la perte de ces limites, de cette règle, peut-être nous permet-elle de nous installer dans un présent sans nom et sans fin.
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Aujourd'hui Jorn sait parler le russe, le truc et le grec, mais il ne dit rien de son passé. Sans doute pense-t-il, comme beaucoup de Finlandais ici, que le nombre de mots que l'on peut prononcer dans cette vie est compté par avance, et ne veut-il pas précipiter sa mort en gaspillant sa part.
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Il est minuit moins cinq et mon enfant ne naîtra plus aujourd’hui.
J’écrase une cinquième ou sixième cigarette sur le montant de la fenêtre : ce sont des clopes d’importation, roulées dans du papier jaune un peu froissé. Je ne fume pas d’habitude mais il me faut bien faire quelque chose pendant que Cora œuvre en salle de travail. Ils ont installé un frigo dans la pièce, un gros meuble blanc de fabrication américaine, tout vibrant et bourdonnant. Le calendrier de l’équipe de foot date de la victoire en finale de la coupe, il y a deux ans.
Je me rassieds sur le siège à roulettes, fauteuil de rond-de-cuir ayant perdu son maître et son bureau. Je tends l’oreille. J’ai tant de fois rêvé à ce moment, le premier cri, l’ouverture du rideau de la vie. Après, je me réveillais en sursaut, perdu dans le noir entre le lit et le plafond, un hennissement résonnant encore à mes oreilles. C’était une plainte du cheval blessé, de bête suppliant qu’on l’achève.
Minuit une. J’attends.
Mon père est mort le lendemain de ma conception. Je ne connais personne qui l’ait vu tomber de ses propres yeux, mais tous les sans-retraites de Yirminadingrad ont une version de l’histoire à raconter. Crâne ouvert sous la pression d’un sabot, colonne vertébrale brisée contre un montant de la glissière. Parfois ce sont les deux hanches. Parfois la nuque. On y ajoute des circonstances romanesques : un concurrent bouriate à barbe jaune l’aurait poussé, sa monture aurait pris peur à l’approche du grand virage… Autant de mises en scène pour embellir sa fin. Je crois plutôt que mon père était alcoolique et qu’il tenait à peine assis sur la jument quand a été donné le signal du départ. (« Cheval cauchemar »)
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« Si la catastrophe n’était pas si proche, je serais heureux de participer à un tel projet. Le plus grand réseau souterrain jamais creusé. Des milliers de bâtiments inversés. Des kilomètres de câbles, de conduites, de tuyaux. D’immenses hangars, des stocks de nourriture, des centrales électriques.
Dehors, il n’y a que la guerre. Que la mort qui vient, qui nous sourit, la bouche hérissée de missiles, la langue chargée de radiations. Les pyramides étaient des tombeaux dressés vers le ciel. Nous construisons un terrier colossal afin que la vie continue. »

Et s'échapper des côtes rompues,
et se répandre en nuées immenses
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« C’était un maidredi ou peut-être en juindi…
Qu’est-ce que tu racontes encore ? Un maidredi ?
Excusez-moi, je voulais dire en mai ou en juin, peut-être un lundi ou un dimanche, je ne sais plus. Dès fois, les mots se mélangent, ou se confondent, c’est difficile à dire.
En tout cas, c’était le soir, j’en suis presque certain. La pluie hideusement déformait le paysage et…
Ca suffit, on s’en fiche de la pluie. Tu devais nous parler du Juge. Ah oui, le juge. Eh bien, je sortais du tribunal et c’est arrivé sur le parking. Ils se sont sans doute faufilés derrière moi au moment où j’entrais dans ma voiture. Je n’étais pas présent. Ce sont les autres qui l’ont enlevé. Mais ils m’ont raconté. Ils l’ont chloroformé ou peut-être seringué, je ne sais plus, mais soudain je me suis senti cotonneux et tout est devenu noir et je, enfin je veux dire il, le Juge.
Mais qu’est-ce que c’est que ce charabia à la fin ? »

Histoire du prisonnier et du captif
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« Ceux-de-la-pluie sentent mauvais, comme des égouts ou des tuyaux bouchés. Ils sont très maigres. Ils ont des papiers officiels. Ils sortent pendant des jours comme celui-là, quand tout le monde se cache, et ils se jettent sur vous, ils vous attrapent pour vous boire. »

La pluie, extérieur jour
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